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Cannes 2016 : Apprentice, un film de Boo Junfeng (Un Certain Regard)

La Review Cannoise de Apprentice : un film oubliable et terriblement maladroit

Synopsis : Aiman (interprété par Fir Rahman) officie dans une prison de haute sécurité. Rahim, le bourreau en chef (Wan Hanafi Su), y accompagne les derniers jours des condamnés. Rapidement, il prend le jeune gardien sous son aile et lui apprend les ficelles du métier. Aiman s’avère être un exécutant très appliqué, mais sa conscience et ses véritables motivations le rattrapent peu à peu…

          Le lundi 16 Mai, dans la salle Debussy du Palais des Festivals, a été projeté Apprentice, film singapourien figurant au sein de la sélection Un Certain Regard. Le film du jeune Boo Junfeng a été applaudi et a même eu le droit à une standing ovation. Il faut dire que lorsque l’équipe d’un film est présente à sa projection, Cannes sait rester poli, et même plus que ça. Pourquoi écrire cela ? Pour vous signifier à quel point un retour de salles peut être tout à fait faussé, à noter que des journalistes et autres spectateurs dénoncent déjà le fait que le film d’Olivier Assayas, Personal Shopper, ait été hué, injustement donc. Toutefois, Apprentice, à l’image d’autres films projetés sur la croisette, a eu des retours polis. Le nôtre tendra à être juste, plutôt qu’hypocrite (évidemment nous ne disons pas que tous ceux ayant applaudi sont des hypocrites, mais tout de même).

             Apprentice aurait pu s’en tenir à un synopsis simple, réaliste et crédible présenté ci-dessus. Mais non, le film singapourien dramatise son récit à coups de révélations tordues et dignes de soap opéra et d’événements surdramatiques. Attention, on vous dévoile ici un élément relativement important : Aiman est arrivé dans cette prison où le bourreau (voir la photo ci-à droite) n’est autre que celui qui a officié la pendaison du père, jugé pour meurtre et qui s’est déclaré coupable au procès. Ce dernier élément permet de poser une question qui sera vite écartée : et si cette personne était innocente ? Peut-être ne criait-il pas juste son innocence car la mort approchait ? Le film passe rapidement dessus pour amener une autre question : n’y aurait-il pas des mises à mort plus injustes que d’autres ? Plus clairement, certains ne mériteraient-ils pas plus de mourir que d’autres ? Aiman dira d’ailleurs à son supérieur que le condamné à mort – responsable dans une importante affaire de drogues dures – n’a tué personne. Cette remarque naïve – parce que l’individu a forcément provoqué la mort de consommateurs et, est donc quelque part responsable – fait partie de la longue liste de maladresses et de bêtises du film, autant dans son fond que dans la construction de son récit. Enfin le film arrive à la conclusion : comment peut-on prendre la vie de ces gens ? Quel métier est-ce donc que de procéder à des exécutions ? De quel droit fait-on cela ? Le film se terminera toutefois de manière ambiguë. En effet, on ne sait si le personnage pendra ou non l’individu condamné. Obéira-t-il aux ordres et à l’institution, ou à ses principes (notamment moraux) ?

             Un noir vient mettre en place l’ambiguïté et le mystère quant à la suite. On peut se demander comment le réalisateur et même l’équipe, qui veulent mettre fin à la peine de mort dans leur pays, ont pu faire cela. Comment peut-on agir ainsi ? Car en laissant ce noir, le réalisateur crée ainsi du suspense quant à la survie ou à la mort du condamné (le même individu pendu pour drogues évoqué plus haut). Le film, décidément irréaliste, est surtout très cruel. Car s’amuser de la vie d’un homme, dans un film tendant au réalisme, et à combattre la peine de mort dans la réalité, est d’une maladresse insupportable. Si on repense à l’affaire du traveling de Kapo – retrouvez l’histoire ici –, on ne peut s’empêcher de penser qu’au final, Apprentice est un film dégueulasse. Toutefois, en prenant du recul, on pense davantage au fait que le jeune scénariste-réalisateur a surtout été très maladroit dans l’écriture.

Malgré des séquences et des images puissamment évocatrices, surprenantes, troublantes, touchantes et efficaces (les scènes d’exécution notamment), le très longuet (avec pourtant une durée d’1h36), Apprentice se présente comme un film oubliable, voire même à oublier. 

Apprentice

Un film de Boo Junfeng
Avec Fir Rahman, Wan Hanafi Su, Ahmad Mastura, Crispian Chan, Boon Pin Koh, Gerald Chew
Distribution France : Version Originale / Condor
Durée : 96 minutes
Genre : Drame
Date de sortie France : 1 Juin 2016

Apprentice : Bande-annonce