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Droits de posséder, utiliser ou jouir d’une oeuvre, réflexion zen et paradoxale, genre pictural macabre – l’abécédaire artistique n°34

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ABC… ART

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Cet abécédaire vous parlera de :

Art en général, peinture, arts graphiques, sculpture, gravure, littérature, poésie, musique, cinéma, Histoire, gastronomie, traditions, arts vivants, théâtre, opéra, philosophie, etc.

Rendez-vous un jeudi par mois pour une chronique d’art illustrée où vous découvrirez 5 définitions artistiques issues de lettres de l’alphabet choisies aléatoirement.

PS : L’Abécédaire artistique est fier de fêter déjà +30 numéros et une moyenne de 20 000 lectures par mois !

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  • Abusus

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catégorie : art, art lié à un lieu, street art, droit y compris de l’art, nom masculin, du latin (usé jusqu’au bout)

Les termes usus, abusus et fructus nous viennent directement de cet univers complexe qu’est le droit de la propriété. L’art étant aussi un domaine dans lequel les règles du droit s’appliquent, intéressons-nous à la signification d’usus, fructus et abusus dans l’art, notamment aux cas des œuvres liées à un lieu. Par exemple, les vitraux, les fresques ou les mosaïques (art traditionnel) ou les graffitis et collages (street-art). 

L’abusus désigne le droit de disposer d’une œuvre et donc sa propriété. C’est le propriétaire de l’œuvre qui détient son abusus et qui a donc le droit de donner, vendre ou conserver son œuvre. En effet, si l’œuvre a été vendue, l’abusus est transféré à l’acheteur et l’artiste qui l’a créée perd donc le droit d’en disposer. Attention : l’abusus couvre aussi le droit de détruire l’œuvre.

Pour donner un exemple, dans le cadre du street-art, nous allons imaginer qu’un artiste fait un graffiti sur la porte d’entrée d’un immeuble. L’artiste ne détient alors pas l’abusus de son œuvre, car la porte n’est pas à lui. Le propriétaire de l’immeuble est en droit de repeindre ou effacer le graffiti sans demander l’accord de l’artiste et sans le dédommager. Il peut aussi se débarrasser de la porte ou la vendre, sans rien reverser au créateur de l’œuvre. L’artiste n’a rien à dire, car il n’a pas demandé l’accord du propriétaire pour utiliser sa porte comme support de son tag. On peut citer en exemple le graffeur Banksy qui gagne sa vie en vendant des impressions de son travail ; en effet, lorsqu’un de ses célèbres pochoirs apparaît un matin sur un mur, c’est l’heureux propriétaire du bâtiment en question qui touche le jackpot.

Il en va de même dans le cadre d’un vitrail d’église, une fresque ou une mosaïque dans un édifice religieux ou privé, comme un palais. L’artiste répond à une commande, mais en créant son œuvre, il la vend dans le même temps et se prive donc de son abusus, qui est transféré au commanditaire. Ainsi, s’il avait pris l’envie au Vatican de changer de décoration en repeignant le plafond de la Chapelle Sixtine, Michel-Ange n’aurait pas été en droit de s’y opposer !

L’abusus existe aussi dans le cas des œuvres habituelles, au sens de celles qui sont réalisées sur un support mobile (peinture, dessin) ou qu’on peut déplacer (certaines statues) et qui fait qu’en général, si un propriétaire ne souhaite plus jouir de ladite œuvre, il pourra la retirer, la ranger ou la vendre, au lieu de la détruire.
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  • Fructus

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catégorie : art, street art, droit y compris de l’art, nom masculin, du latin (fruit).

Le fructus, quant à lui, s’applique au droit de jouissance de l’œuvre. C’est-à-dire le fait d’obtenir les fruits d’une exploitation, d’une visite, d’une utilisation. Pour la plupart des œuvres d’art, le fructus équivaut aux droits d’auteur : les droits moraux qui restent à l’auteur et les droits patrimoniaux qui peuvent être cédés entièrement ou temporairement (par exemple pour qu’une musique soit utilisée dans une publicité), ces derniers tombant inévitablement un jour dans le domaine public. Ainsi, le fructus peut être divisé entre l’artiste (droits moraux) et un acheteur des droits patrimoniaux. 

Dans le cas de notre artiste, imaginons que le cadrage exclut la porte, une entreprise ne pourrait pas prendre en photo son graffiti et l’exploiter sans l’accord de l’artiste. Si l’on voit aussi la porte, l’entreprise devrait alors également trouver un accord avec le propriétaire de l’immeuble.

Le fructus existe aussi dans le cas des tatouages. L’artiste-tatoueur S. Victor Whitmill, créateur du célèbre tribal ornant la tempe de Mike Tyson (réalisé en 2003) a porté plainte en 2011 contre la Warner qui a réutilisé le motif sans son autorisation dans le film Very Bad Trip 2. Le studio de tournage lui a fait une proposition tenue secrète pour éviter le procès. En effet, si l’on n’accepte pas qu’une personne ou entité réutilise le dessin, la photographie, le texte ou la musique d’un artiste sans son accord, pourquoi accepterait-on cela pour un tatouage ?

Une fois n’est pas coutume, l’entrée U de cet article passe devant les lettres K et V pour des raisons de cohérence, Les notions d’abusus, fructus et usus étant liées. 
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  • Usus

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catégorie : art, street art, droit y compris de l’art, nom masculin, du latin (besoin). 

Enfin, le droit d’utiliser l’œuvre, c’est l’usus, qui ne s’applique pas vraiment dans l’art traditionnel puisqu’en général, on n’utilise pas l’art, sauf bien sûr, dans le cas de l’exposition. Par exemple, un collectionneur peut prêter à un musée un tableau qui lui appartient et décider des conditions d’exposition.

L’usus s’applique en revanche énormément dans le street art ou l’art créé dans un lieu. Par exemple, notre artiste ayant fait son graffiti sur une porte ne pourrait pas s’opposer au fait que celle-ci soit ouverte et fermée pour permettre le passage des occupants et visiteurs. En effet, il ne détient pas l’usus de la porte sur laquelle est son œuvre, puisque cette porte appartient au propriétaire de l’immeuble.  

Dans le cas de l’art traditionnel, on peut citer les vitraux, les fresques ou les mosaïques. Dès lors que l’œuvre est commandée pour un lieu, l’artiste ne peut pas s’opposer à l’utilisation de ce lieu et décréter, par exemple, que dans une église, les fidèles n’ont pas le droit de piétiner sa mosaïque.

L’usus et l’abusus sont donc automatiquement cédés à l’acheteur dans le cas d’une vente. Si l’artiste crée son œuvre sur le support d’un lieu sans détenir l’autorisation, il perd l’usus et l’abusus qui sont transmis au propriétaire de l’endroit. En revanche, le fructus reste à l’artiste tant qu’il ne l’a pas vendu : il conserve ses droits moraux à vie (des droits non économiques : paternité, divulgation, intégrité, etc.) ainsi que ses droits patrimoniaux (exploitation, reproduction, représentation) sauf s’il les loue ou les vend.

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  • Koan

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catégorie : poésie, philosophie, méditation, bouddhisme zen et chan, culture japonaise et chinoise, nom masculin, du japonais (arrêt faisant jurisprudence ou cas public). 

C’est quoi un koan ? Difficile à définir, le koan est une réflexion philosophique et poétique sous la forme d’une ou deux phrases qui vont interroger le lecteur ou l’auditeur et lui permettre de se lancer dans un questionnement sur la vie. Concrètement un koan interroge celui à qui il s’adresse pour l’entraîner dans une réflexion complexe. Il est normalement énoncé par un maître à son disciple.  

Le koan est intimement lié à la pratique de la méditation bouddhiste et au zen japonais. Il peut parfois s’agir d’une anecdote, le koan s’appuyant beaucoup sur le monde réel (la nature, les hommes, la société). Ce court énoncé a pour but de permettre d’exercer son esprit à décortiquer un problème, à trouver une solution en entrevoyant le monde différemment. Pouvant couvrir une grande variété de sujets, les koans doivent toujours entraîner le paradoxe, la comparaison ou l’énigmatique. La phrase ou l’anecdote énoncée est absurde ou entre en contradiction avec notre mode de pensée.

La plupart d’entre eux nous sont parvenus à travers les siècles et l’esprit de grands maîtres du bouddhisme zen.

Quelques koans :

Les pins n’ont de couleur ni ancienne ni moderne.

Comme en vous contemplant dans le miroir, la forme et le reflet se regardent. Vous n’êtes pas le reflet, mais le reflet est vous.

Deux mains applaudissent… Quel est le bruit d’une seule main ?

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  • Vanité

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catégorie : peinture notamment baroque et hollandaise, nom féminin. 

La vanité est un genre en peinture, comme la marine donne à voir des scènes de mers, océans et bateaux et la nature morte nous montre des végétaux et objets sans la présence d’un être animé. La vanité, quant à elle, s’attache à représenter le caractère vain, fugace et frivole de l’existence humaine, par le biais, comme la nature morte, d’éléments inanimés et codifiés.
Censée peindre le tableau des attachements vains d’une chose aussi fragile que la vie, une vanité est un tableau souvent sombre dans lequel différents symboles se retrouvent tels le crâne (la mort), le sablier (le temps qui passe), la fleur (la fragilité humaine). Œuvre hautement allégorique, la vanité cherche à représenter le caractère éphémère et finalement bien humble de la condition humaine. En plus des éléments symboliques liés à la fragilité, l’artiste peignant une vanité peut choisir de mettre en regard des éléments d’apparente puissance humaine ou de capacités créatives, mais finalement réduits à néant face au caractère absolu de la mort : décorations, richesses, bijoux, écrits, instruments, voyages, etc.
Les vanités se présentent souvent comme une accumulation d’objets semblant provenir d’un cabinet de curiosités, et au milieu desquels trône un imposant crâne dont la domination rappelle que la mort plane sur les accumulations de l’existence, en théorie importantes mais en vérité totalement vaines.
Naissant en Hollande, la vanité est un thème indirectement religieux qui se développe dans la peinture baroque (XVIIème siècle) avant de tomber en désuétude, et d’être revisité par quelques artistes du XXème siècle. Philippe de Champaigne, Jacques de Gheyn le Jeune, David Bailly sont quelques-uns des artistes ayant représenté des vanités.

Rendez-vous dans un mois pour 5 nouvelles définitions artistiques. Pour vous proposer un contenu toujours aussi passionnant, l’Abécédaire Artistique est mis en ligne une fois par mois, toujours le jeudi.

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