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Sarah Anthony © Textes et illustrations tous droits réservés.

Chant virtuose, oeuvre créée pour son lieu, travail complexe du verre, regret et flou picturaux – l’abécédaire artistique n°14

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ABC… ART

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L’Abécédaire Artistique

Cet abécédaire vous parlera de :

Art en général, peinture, arts graphiques, sculpture, gravure, littérature, poésie, musique, cinéma, Histoire, gastronomie, traditions, arts vivants, théâtre, opéra, philosophie, etc.

Rendez-vous un jeudi sur deux pour une chronique d’art illustrée où vous découvrirez 5 définitions artistiques issues de lettres de l’alphabet choisies aléatoirement.

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  • Bel Canto 

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catégorie : musique lyrique, opéra, nom masculin de l’italien (beau chant).

Le Bel Canto, qui signifie en italien « beau chant », désigne le chant lyrique. Il s’agit typiquement du chant qu’on entend dans les opéras. Toutefois, le bel canto s’affranchit des limites de la scène d’opéra. Le chant lyrique s’entend aussi dans les œuvres religieuses, comme les oratoires ou dans les œuvres de chant profanes non destinées à être représentées et mises en scène de manière théâtrale. 

Toutefois, le bel canto ne désigne pas simplement le chant pratiqué par les solistes d’opéra, mais aussi la recherche d’une virtuosité technique dans l’utilisation de l’instrument humain qu’est la voix. Ainsi, le bel canto, c’est aussi et surtout les vocalises, les variations de voix, la vitesse et la puissance de chant. La maîtrise des ornements en musique tient une place importante dans le bel canto. Ces ornements – qu’on appelle aussi fioriture, de l’italien fiore (fleur) de par les symboles rappelant des fleurs qu’ils inscrivent autour des notes – entrainent des variations dans le chant que tout soliste pratiquant le bel canto se doit de maîtriser. Et il y en a, tous plus compliqués les uns que les autres : trémolo, trille, appogiature, vibrato, tremblé, etc. Ils se développent notamment durant les années 1600 et 1700, période durant laquelle la musique ornée, et logiquement le bel canto, acquièrent leurs lettres de noblesse. C’est, en effet, l’âge d’or de la musique baroque, qui est friande des notes ornementées. 

Toutefois, le bel canto et les ornements ont leurs détracteurs. La critique qu’on leur adresse ? Faire passer la virtuosité technique avant la logique de l’œuvre musicale, au risque de noyer la partition sous les fioritures. Sur les scènes d’opéra, on reproche aux solistes pratiquant le bel canto de ne se préoccuper que de leurs prouesses, au détriment du livret et donc de l’action scénique. 
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  • In situ

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catégorie : arts plastiques, art conceptuel et contemporain, nom masculin du latin (dans son milieu).

In Situ. Derrière cette locution aux origines latines qui s’oppose à in vitro (dans l’éprouvette), se cache une pratique artistique plus courante qu’on ne le croit. L’in situ, en art, désigne les pièces contemporaines conçues pour un endroit et ne pouvant être exposées ailleurs. Si vous avez du mal à visualiser, pensez tout simplement aux graffitis qui s’intègrent aux extérieurs sur lesquels ils sont réalisées et prennent en compte les murs, les trottoirs, les plantes, etc. qui les entourent. 

Les œuvres in situ sont pensées et conçues en amont pour leur lieu de création et d’exposition. Si l’art urbain est presque toujours in situ, d’autres types d’art le sont aussi, parfois destinées aux espaces d’exposition. C’est par exemple le cas des œuvres de Georges Rousse. Ce plasticien français pose son appareil photo et réalise ensuite une anamorphose géométrique visible depuis le point de vue de l’appareil, avant d’immortaliser l’œuvre par un cliché. Ainsi, de face, on voit apparaître de grandes formes de couleurs reconnaissables (par exemple des cercles). En revanche, si l’on regarde l’œuvre de côté, le cercle disparaît pour laisser la place à des taches de couleurs distendues.
Les anamorphoses contemporaines réalisées sur des murs relèvent toujours de l’
in situ. Pourtant, dès son apparition à la Renaissance, l’anamorphose réalisée sur toile ne peut aussi exister sans une forme d’in situ. En effet, bien que le tableau soit, par définition, déplaçable, il devra tout de même être accroché de manière à laisser de l’espace pour que le spectateur se place face à l’anamorphose. Dans ce cas, l’oeuvre n’est pas conçue précisément par rapport à un espace d’exposition unique, mais son accrochage nécessitera tout de même de prendre en compte l’espace concerné. On peut par exemple citer Les Ambassadeurs d’Hans Holbein le Jeune (1533) qui présente un crâne en anamorphose. 

De nos jours, l’in situ revient en force, notamment dans l’architecture, où il permet d’ajouter une touche artistique moderne dans des constructions souvent urbaines. Béton et in situ se marient très bien, notamment par le biais du graffiti ou de l’anamorphose. En 2019, la faculté d’Arts, Lettres, Langues et Sciences Humaines d’Aix-Marseille Université, à Aix-en-Provence s’est vue adjoindre un nouveau bâtiment, Le Cube, qui présente une anamorphose s’étalant au milieu de sa façade et visible comme un cube lorsqu’on se trouve de biais. M-r-duit-sarah-anthony

  • Millefiori

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catégorie : verrerie, verre soufflé, artisanats, nom masculin de l’italien (mille fleurs).

Le millefiori est une technique de travail de la pâte de verre soufflé connue pour donner à voir des assemblages colorés rappelant des fleurs. Cette technique complexe a été élaborée au XVème siècle par les maîtres-verriers de Murano, dans la lagune de Venise, en Italie. Le millefiori résulte de la superposition de plusieurs couches de pâte colorée. On réalise cette pâte de verre à partir d’un mélange de sable de silice, de soude et de chaux, qu’on chauffe jusqu’à 1300 degrés. Cette première couche de pâte de verre est ensuite déposée dans un moule en forme de fleur ou d’étoile dont les parois ont été, au préalable, chauffées pour une meilleure adhérence. 

Une fois extraite du moule, cette pâte de verre est recouverte d’une autre couche d’une couleur différente, passée dans le four, et ainsi de suite. Quand il y a suffisamment de couleurs, le morceau de pâte de verre est chauffé puis étiré en un filament de plusieurs mètres de long. Il sera ensuite refroidi et découpé en tranches de 6 millimètres ayant la forme de fleurs ou d’étoiles (grâce au moule du début). Ces tranches étoilées sont par la suite réutilisées, soit sur des perles en pâte de verre, soit assemblées et englobées dans une sphère de pâte de verre pour servir de presse-papiers.

On a alors l’impression de voir « mille fleurs », d’où le nom. Très en vogue à partir du XVème siècle, le millefiori se perpétue de nos jours. Les artisans-verriers continuent d’employer cette technique complexe pour la réalisation de perles, d’ornements et de presse-papiers. 

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  • Pentimento (Repentir)

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catégorie : peinture, arts plastiques, nom masculin de l’italien (repentir).

Le pentimento désigne une pratique artistique d’effacement ou de recouvrement d’une partie d’une œuvre. En français, on l’appelle plus souvent repentir, bien que le nom italien prédomine dans d’autres langues telles que l’anglais. Le pentimento ou repentir trouve sa source dans les peintures, technique propice aux retours en arrière.
Avec le temps, le terme finit par s’appliquer également aux autres œuvres visuelles (dessins, illustrations, gravures) voire par glisser à d’autres formes d’art telle la littérature. Rare dans la sculpture (notamment la pierre) de par son caractère de retrait de matière (contrairement à la peinture où le peintre peut recouvrir à loisir), le pentimento reste possible dans certaines conditions, dans la taille directe. 

Le repentir peut avoir plusieurs causes : modification du message que l’artiste souhaite inclure dans son œuvre, changement d’avis du commanditaire de la peinture, besoin d’ajouter un personnage oublié, etc. Il peut aussi tout simplement résulter d’une recherche directement sur la toile, certains artistes ne réalisant pas de dessins préparatoires. Dans ces cas-là, le pentimento s’avère intéressant car il permet de mettre en lumière le cheminement de l’artiste et la genèse de son œuvre. Par exemple, Le Bain turc, peint en 1862 par Ingres, est une peinture à la composition complexe (nombreux personnages, différents plans, effet de profondeur) dans laquelle les repentirs nous apprennent que l’artiste a changé d’avis sur la position de certains personnages, décidant, en recouvrant un bras pour le relever, d’en améliorer la position.
A l’heure actuelle, les repentirs se détectent aux rayons X ou à la loupe, lorsque la dernière couche s’efface ou pâlit, laissant voir une trace de la peinture originelle. 

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  • Sfumato

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catégorie : peinture, arts plastiques, nom masculin de l’italien (enfumé ou nuancé).

Le sfumato est un bien joli nom pour désigner un complexe dégradé de couleurs vaporeux en peinture. La technique de la Renaissance désigne la reproduction, sur une toile, de l’effet de flou que nos yeux réalisent lorsqu’on ne regarde pas un objet directement (une absence de mise au point, pour ainsi dire). Le sfumato est donc bien un dégradé homogène de tons sur la toile, mais auquel un effet brumeux a été ajouté, d’où le nom de sfumato dans lequel se devine la fumée.
Pour le réaliser, le peintre crée, une couche translucide après l’autre, un dégradé totalement dépourvu de ligne : tout est flouté, doux, enfumé. Le sfumato est particulièrement intéressant dans le travail des ombres et des lumières et le passage de l’une à l’autre, mais aussi, bien sûr, pour les scènes atmosphériques, nuages, fumées, etc. De près, le sfumato apparaît flou, tandis que de loin, il s’intègre plus harmonieusement à la peinture, lui donnant une profondeur et des reliefs plus naturels, mais aussi l’ambiance d’une lumière douce. 

Dans une toile, l’emploi du sfumato ajoute une impression de vague qui peut convoquer le mystère. Technique emblématique du grand maître Léonard de Vinci qui l’a théorisée et était connu pour y consacrer de nombreuses couches (et autant de temps), le sfumato y est pour beaucoup dans la touche mystique de nombre de ses œuvres. D’ailleurs, La Joconde, réalisée par le génie toscan en 1503 n’est-elle pas le tableau le plus intrigant et célèbre du monde ? Observez son apparence, ses vêtements, le paysage, mais aussi ses traits : un voile vaporeux englobe le tableau pour lui donner une intensité supplémentaire. Notons d’ailleurs que les sourcils de Mona Lisa ont disparu dans le sfumato, s’étant fondus avec l’ombre de ses paupières. 

Jupiter et Io, peint par Le Corrège (sur la période 1523-1533) est un autre superbe exemple de sfumato, notamment dans la figure vaporeuse de Zeus qui se change en nuage pour séduire Io sans être repéré par son épouse légitime, la déesse Héra. 

Rendez-vous dans deux semaines pour 5 nouvelles définitions artistiques. Pour vous proposer un contenu toujours aussi passionnant, l’Abécédaire Artistique est mis en ligne un jeudi sur deux.

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