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Sarah Anthony © Textes et illustrations tous droits réservés.

Caricature ancestrale, thème religieux, trait noir plein de clarté, encre fouettée et joie chantée – l’abécédaire artistique n°18

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ABC… ART

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L’Abécédaire Artistique

Cet abécédaire vous parlera de :

Art en général, peinture, arts graphiques, sculpture, gravure, littérature, poésie, musique, cinéma, Histoire, gastronomie, traditions, arts vivants, théâtre, opéra, philosophie, etc.

Rendez-vous un jeudi sur deux pour une chronique d’art illustrée où vous découvrirez 5 définitions artistiques issues de lettres de l’alphabet choisies aléatoirement.

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  • Drôlerie

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catégorie : enluminure, littérature médiévale, arts graphiques, nom féminin, du français.

Une drôlerie désigne en quelque sorte l’ancêtre du comic-strip qui, en 3 cases environ, agrémente la page d’un journal d’un gag sous forme dessinée. La drôlerie naît sur les pages des livres médiévales. Elle désigne un ou plusieurs dessins figurant sur la page d’un manuscrit, souvent en marge du texte. La drôlerie n’est pas une illustration du contenu du texte. Elle n’a souvent aucun rapport avec l’écrit, mais ne fait qu’accompagner celui-ci, rendant le livre plus agréable, et surtout plus beau. Au Moyen-Âge, bien avant l’invention de l’imprimerie par Johannes Gutenberg en 1454, les manuscrits sont recopiés à la main, un par un, par des moines copistes. Ils coûtent donc très chers et sont commandés presque exclusivement par des seigneurs qui les voient également comme de beaux objets.

En toute logique, le texte se retrouve rapidement magnifié par de beaux dessins. Les drôleries apparaissent au XIIIème siècle, dans le sillage des initiales ornementées (l’enluminure par excellence) qui entraînent la tendance de décorer les pages.
Ce type d’images
amusantes, anciennement orthographié drollerie tire sans surprise son nom de son caractère comique, parfois fantaisiste. Attention toutefois : toutes les illustrations ornant les marges des textes dans les enluminures ne sont pas des drôleries. Certaines sont purement décoratives : feuillages, entrelacements gothiques, bandes colorées, initiales comme on l’a vu, etc. Bien qu’il est possible d’ajouter des drôleries après coup à un manuscrit achevé, elles sont normalement pensées au moment de la réalisation de la page ; de la place dans les marges leur est donc réservée. On les trouve parfois même au milieu du texte ou au coeur d’une initiale. Parfois enlacées par les courbes d’une lettre ou d’une tige fleurie, les drôleries s’épanouissent aussi sans contours, au bas des pages par exemple, retenues par les délimitations du texte.
C’est que la fantaisie et l’humour ne doivent pas être écrasés par les lettres et les paragraphes, mais au contraire pouvoir être appréciées par le lecteur en prenant la place nécessaire. Les drôleries représentent souvent des scènes amusantes impliquant des animaux, parfois humanisés ou montrés sous forme de chimère, notamment dans des scènes de chasse. Des figures scabreuses s’invitent aussi parfois dans les pages les plus audacieuses : jupes relevées, baisers… pas toujours sur les lèvres ! On se moque même des seigneurs et du clergé. C’est que la drôlerie, non contente d’amuser, a aussi bien souvent une dimension satirique (pas toujours évidente à déceler en un coup d’oeil), en faisant dans le même temps, l’ancêtre de la caricature, en plus de celui du comic-strip.

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  • Ecce homo

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catégorie : peinture, arts plastiques, arts liturgiques, nom masculin, du latin (« Voici l’homme »).

Derrière le nom complexe qu’est Ecce homo se cache tout simplement un type d’oeuvres d’art, et même le sujet d’un ensemble d’oeuvres d’art. L’Ecce homo est un thème profondément religieux, au même titre que, par exemple, les annonciations, les scènes de nativité ou de crucifixions, qui sont légion dans la peinture médiévale, et plus tard, de la Renaissance.

Le nom Ecce homo, qu’on traduit par « Voici l’homme » vient directement des paroles de Ponce Pilate, rapportées dans la Bible. Le tortionnaire du Christ présente celui qui n’est autre qu’un homme pour lui à la foule, suite à sa flagellation et alors qu’il porte la couronne d’épines. C’est en général cette dernière caractéristique qui est retenue pour l’Ecce homo, une œuvre donnant à voir le Christ présenté au peuple, le front ensanglanté par le port de la couronne d’épines. Les Ecce homo peuvent revêtir plusieurs formes : peinture, gravure, dessin, plus rarement sculpture, etc.

Ce type d’oeuvres fait typiquement partie des scènes de Passion du Christ telles que la flagellation. L’Ecce homo donne souvent à voir des Arma Christi (soit les outils utilisés pour la Passion), en l’occurence, dans notre cas, la couronne d’épines.

Il y a quelques années, un Ecce homo a beaucoup fait parler de lui, malheureusement dans des circonstances peu heureuses pour l’oeuvre d’art en question. Vous avez sans doute entendu parler de la restauration spontanée et non autorisée d’une peinture murale dans une église par une vieille dame en 2012. Située dans la commune de Borja, dans la province de Saragosse, la peinture présentait un Jésus détérioré réalisé plus d’une centaine d’années auparavant par l’artiste Elias Garcia Martinez – une oeuvre mineure réalisée en quelques heures, certes, mais tout de même centenaire et réaliste. Cecilia Giménez, paroissienne, avait décidé, sans y être autorisée par qui que ce soit et sans disposer des moindres compétences en restauration, de reprendre l’oeuvre. Le résultat ? Un massacre artistique ayant fait le tour d’internet pour son ridicule, la vieille dame ayant tout simplement détruit l’oeuvre d’origine, le Jésus des débuts n’affichant par la suite qu’une vague figure simiesque… Voici l’homme ?

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  • Ligne claire

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catégorie : bande-dessinée, arts graphiques, nom féminin, du français.

La ligne claire est un style graphique au nom très paradoxal. En effet, cette dénomination caractérise un genre de dessin de bande-dessinée dans lequel figures, objets et décors sont enserrés par un cerne noir ! La ligne claire, c’est typiquement le dessin de la bande-dessinée classique : Tintin, Blake et Mortimer, etc. Elle nous vient d’ailleurs de l’école belge de bande-dessinée à son Âge d’or (XXème siècle).

L’esthétique de la ligne claire est relativement simple : tous les éléments sont dessinés à l’aide d’une ligne noire qui trace le contour des aplats de couleurs (et qui recouvre une ébauche au crayon). La ligne claire doit son nom, sinon à la couleur de son cerne, du moins à sa clarté. Aucun doute possible : le style ligne claire donne des images très lisibles et surtout moins complexes à créer, notamment pour des bandes-dessinées contenant des centaines de dessins à une époque où le digital n’existe pas. Par exemple, sur les visages, les nez sont représentés avec un trait noir, nul besoin de créer donc tout un ensemble complexe d’ombres destiné à mimer le relief des traits humains. Seuls quelques reflets, ombres ou fonds vaporeux échappent au cerne noir. Il n’y a pas de dégradés ou d’effets de couleurs complexes puisque chaque nuance est enserrée par une ligne noire. Celle-ci, pour se faire la plus discrète possible, ne connaît pas de variations en fonction des sujets : elle n’est pas plus épaisse si elle définit un personnage qu’une lampe, par exemple. Elle doit au contraire être d’épaisseur constante pour se faire oublier.

Hergé (père de Tintin) et Edgar P. Jacobs (père de Blake et Mortimer) définissent encore de nouvelles caractéristiques à ce langage visuel qu’est la ligne claire : les décors doivent être réalises et il ne doit pas y avoir de fantaisie dans le découpage des cases (les figures n’en sortent jamais, pour éviter des effets de style). La ligne claire produit des dessins épurés mais efficaces.

L’univers de la bande-dessinée évoluant, beaucoup des albums sortant de nos jours sont toujours sous une influence partielle de la part de la ligne claire. Si l’on apprécie aujourd’hui les découpages audacieux et les couleurs et textures travaillées, la ligne noire – à défaut de la ligne claire – a encore de beaux jours devant elle.

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  • Whip (ou wip)

whip-reduit-sarah-anthonycatégorie : tatouage, nom masculin, de l’anglais « to whip » (fouetter).

Le tatouage est toujours plus apprécié et démocratisé de nos jours. Bien qu’encore en vogue, le style old school, popularisé par Sailor Jerry et Don Ed Hardy, fait face à beaucoup de concurrences : noir et gris, réalisme, new school, japonais, etc. Comme toutes formes d’art, le tatouage connaît également un mouvement d’avant-garde à l’origine de ses évolutions. Avant-garde esthétiques mais aussi techniques.

Le whip est une technique de tatouage de plus en plus utilisée pour la réalisation d’ombrés texturés. En tatouage, les ombres se réalisent traditionnellement à l’aide de magnums. Il s’agit de plusieurs aiguilles assemblées sous la forme d’un peigne. Cet ensemble d’aiguilles empêche celles-ci de déposer trop d’encre lorsque l’aiguille rentre et sort de la peau, entraînée par la machine, puisqu’elles se gênent les unes les autres. La magnum est donc idéale pour la réalisation d’ombres, par le biais d’un dépôt d’encre moindre.

Toutefois, une autre technique émerge de plus en plus, permettant d’obtenir des ombrés plus granuleux sous forme de lignes. Il s’agit du whip – également de plus en plus simplifié en wip. Contrairement à la magnum, le whip s’effectue à l’aide d’un faisceau rond de quelques aiguilles seulement. Le tatoueur passe rapidement son aiguille dans les zones à ombrer, en appuyant davantage en partant des points les plus sombres, pour relever l’aiguille à mesure que l’ombre s’estompe. En anglais, to whip signifie « fouetter » et fait référence au mouvement souple nécessaire à la réalisation de cette technique de tatouage. L’effet est celui d’un balayage – l’aiguille n’est pas enfoncée. La puissance de la machine est réduite, espaçant les entrées et sorties de l’aiguille dans la peau et produisant donc un trait morcelé, sous forme de pointillés. Le résultat donne à voir des ombres texturées, granuleuses car constituées d’une trame de points plus ou moins visibles ou resserrés.

Ce type d’ombrages habille à la perfection des tatouages noirs, minimalistes ou un brin poétiques, voire des œuvres réalistes, donnant aux nuances grises et noires juste ce qu’il faut de caractère.

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  • Youtse

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catégorie : chant, musique, nom féminin, de l’allemand.

La Youtse désigne un chant a capella faisant appel à la dextérité vocale. Il s’agit d’un chant modulé, c’est-à-dire basé sur des variations importantes en termes de notes et de hauteur. Elle repose également sur des changements d’intensité, de puissance de la voix et a entraîné l’apparition du verbe « youtser ».

L’étymologie de youtse n’est pas claire. Certains voient son origine dans le terme allemand jauchzen qui désigne le fait d’exprimer sa joie par des cris. Toutefois, la Youtse pourrait partager son étymologie avec le Yodel (voir entrée éponyme, abécédaire artistique n°11), qui dériverait de  johlen (clameur joyeuse, huée chaleureuse), également de l’allemand. Si la langue germanique est deux fois en cause, c’est parce que la Youtse, comme le Yodel, nous viendrait des milieux ruraux suisses. Toutefois, elle n’est pas tant à rapprocher du Yodel, déjà d’un point de vue sonore, mais aussi d’un point de vue culturel : en effet, de nombreux peuples autour du monde ont pratiqué ou pratiquent toujours une forme de chant similaire. A l’oreille, la Youtse, qui se chante plutôt en choeur, sonne comme un hymne joyeux, rappelant vaguement le madrigal, mais a cappella. Il existe aussi des solistes de Youste, qui se livreront alors à une plus grande virtuosité en termes de variations de voix.

La Youtse est aujourd’hui une forme musicale marginale, notamment en dehors de la Suisse.

Rendez-vous dans deux semaines pour 5 nouvelles définitions artistiques. Pour vous proposer un contenu toujours aussi passionnant, l’Abécédaire Artistique est mis en ligne un jeudi sur deux.

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