Les éditions Hazan publient Van Gogh, le dernier tableau, de Samuel van der Veen. Il y est question des derniers jours de l’artiste hollandais, dans la petite commune française d’Auvers-sur-Oise.
La trajectoire personnelle et artistique de Vincent van Gogh s’apparente parfois à une symphonie tragique, dont le mouvement final s’exécute à Auvers-sur-Oise, petite commune jouxtant Paris. Alors qu’il a conservé sa verve créative, entrelacée à une santé mentale fragile, le peintre hollandais entretient des relations toujours étroites avec son frère Theo, qui vient d’être père et qui lui a rendu hommage en donnant le prénom de Vincent à son fils.
Pour comprendre les derniers jours de van Gogh, il est nécessaire de rappeler ce qui a précédé son voyage à Auvers-sur-Oise. Pendant plusieurs mois, l’artiste a été interné à l’asile de Saint-Rémy-de-Provence. Plongé dans un état psychologique vulnérable, fait de crises psychotiques et de moments d’accalmie, il ne cesse néanmoins de créer. C’est un article particulièrement révérencieux du critique Albert Aurier qui le décide à quitter les lieux pour profiter pleinement de sa gloire ascendante.
Le choix de séjourner à Auvers-sur-Oise s’explique par plusieurs raisons. Van Gogh y voit probablement l’opportunité d’être à la fois proche de Paris, centre névralgique de l’art moderne, et de son frère Theo. De plus, la présence du Dr Paul Gachet, un médecin passionné d’art et spécialiste de la mélancolie, lui offre une perspective rassurante. Le praticien, conscient de l’apport thérapeutique de la création, devient à la fois soignant et ami, tout en posant lui-même pour certaines toiles. Pendant cette courte période qui se ponctue par un suicide – il se tire une balle dans la poitrine –, Vincent van Gogh s’est montré prolifique et a peint quelques-uns de ses plus grands chefs-d’œuvre, dont Le Champ de blé aux corbeaux.
En revenant sur ses derniers jours, Samuel van der Veen portraiture un van Gogh tout en fêlures. L’homme dépend financièrement – et émotionnellement – de son frère. On le découvre, vignette après vignette, dans une frénésie créative, puis prostré et abattu, les mains portées au visage, et même assailli de visions programmatiques. Van Gogh, le dernier tableau, entièrement en noir et blanc, montre un peintre dépendant – à son art, à l’alcool –, en rupture avec son environnement et psychologiquement instable. Ainsi, il piquera une colère dantesque parce qu’un tableau de Guillaumin n’a pas encore de cadre, ce qui pourrait menacer son intégrité.
Ce roman graphique, dont chaque planche traduit un sentiment d’urgence, témoigne aussi de la correspondance épistolaire de Vincent van Gogh. L’artiste vivait une période d’intense souffrance mais n’en demeurait pas moins soucieux de multiplier les tableaux de la nature et des scènes villageoises. En somme, le séjour du peintre à Auvers-sur-Oise est à la fois une célébration de son génie créatif et un témoignage poignant de sa lutte contre ses démons intérieurs. Ce dernier chapitre de sa vie, aussi tragique soit-il, est l’ultime expression d’une âme tourmentée mais résolument sublime, que Samuel van der Veen saisit en clerc.
Van Gogh, le dernier tableau, Samuel van der Veen
Hazan, septembre 2023, 128 pages