L’univers de Vampyria Inquisition, une série de bandes dessinées co-créée par Victor Dixen et Eder Messias, s’enrichit d’un nouveau tome, « Les Vendanges pourpres ». Ce dernier vient prolonger un édifice narratif riche, mêlant habilement uchronie, intrigue fantastique et drame humain.
Le premier tome posait les fondations d’un récit choral. Sylvère, un jardinier roturier, et Daphné, lectrice de la baronne, évoluaient et s’aimaient secrètement dans le château de Torteval, théâtre de tensions familiales et de luttes de pouvoir. Faustin, figure rebelle de la noblesse, incarnait la résistance face aux contraintes sociales et familiales, tandis que l’intrigue se déployait dans un univers où le vampirisme et l’uchronie s’entremêlent, avec le Roy-Soleil vampyre et une Inquisition implacable. Le duo Dixen-Messias réussissait à créer un univers graphique baroque, avec une intrigue politique et fantastique menée avec talent.
Dans ce nouveau tome, les protagonistes Sylvère et Faustin, désormais liés par des circonstances extraordinaires, poursuivent leurs objectifs divergents – l’un guidé par l’amour, l’autre par l’ambition et le désir de retrouver ses titres. Leur enquête sur les vendanges pourpres, une pratique macabre visant à saigner la plèbe, les conduit à affronter des forces surnaturelles et politiques, avec des tensions entre eux, puisque Faustin est désormais l’Ombre de Sylvère, promu Inquisiteur, une condition dont il cherchera à s’affranchir à plusieurs reprises – et notamment par la fuite ou l’usurpation d’identité.
« Les Vendanges pourpres » approfondit de toute évidence les thèmes de rébellion et de lutte des classes. La Fronde du peuple, en opposition aux Seigneurs de la nuit, symbolise la résistance face à l’oppression. Les entrées de Chambord sont vérifiées par des gardes, qui empêchent aussi les villageois de partir à l’approche de la saignée. Dans ce contexte, le Commandant Chapon organise le soulèvement populaire, sans se douter que tout est prévu par Philippe de Chambord et les siens… Le récit explore ainsi à la fois la complexité des relations inversées maître-serviteur à travers Sylvère et Faustin, et les heurts entre la noblesse et le quart-état.
La narration visuelle se distingue par plusieurs planches remarquables, notamment lors du bal du château ou des affrontements, illustrant la maîtrise artistique de Messias. Les jeux de couleurs et de lumière enrichissent l’expérience de lecture, soulignant les contrastes entre les différentes strates sociales et les enjeux moraux. La caractérisation des protagonistes s’inscrit dans la continuité du premier album, avec Faustin et l’indéfectible Piquemouche trichant ensemble aux cartes, ou Sylvère en quête d’un amour qui lui file entre les doigts.
« Les Vendanges pourpres » marche dans les pas de son prédécesseur. Le duo Dixen-Messias offre un récit intéressant, marqué par des thématiques fortes et une caractérisation réussie des personnages. Les deux premiers tomes forment un ensemble cohérent, promettant une suite de même teneur.
Vampyria Inquisition : Les Vendanges pourpres, Victor Dixen et Eder Messias
Soleil, novembre 2023, 80 pages