Les canons de beauté exaltent la chevelure comme symbole de féminité et d’attrait. Dans Sans cheveux, Tereza Drahonovska revient sur son parcours intime et émotionnel alors qu’elle est confrontée à l’alopécie, une maladie qui se caractérise par une calvitie. Cette bande dessinée explore la quête d’acceptation de soi et la redéfinition de la féminité face à la perte des cheveux, un sujet encore souvent tabou dans nos sociétés.
Dès son enfance, Tereza Drahonovska est plongée dans une quête inlassable de perfection, encouragée malgré elle par une société qui valorise les apparences. L’acceptation de ses dessins imparfaits par sa mère contrastait avec son aspiration à l’excellence, un fil rouge qui traversera sa vie jusqu’à l’adulte qu’elle deviendra. Cette lutte contre ses propres insécurités prend toutefois une tournure inattendue lorsqu’elle se trouve confrontée à l’alopécie, une maladie auto-immune qui dérobe peu à peu sa chevelure, laissant derrière elle un vide aussi bien physique qu’émotionnel.
Les cheveux, au-delà de leur aspect esthétique, ont toujours porté une charge symbolique puissante, oscillant entre affirmation d’identité et rejet des conventions. Les mouvements hippies, l’ascétisme religieux, ou encore l’expression de la beauté naturelle dans la culture noire illustrent comment la chevelure peut devenir un terrain d’expression de valeurs, de croyances et de résistances. Cette dimension culturelle, présentée dans l’album, densifie les cheveux et leur appréhension.
Pour Tereza, l’alopécie ne se limite en effet pas à un phénomène cosmétique ; elle est le théâtre d’une bataille intérieure mêlant doutes, isolement et quête de solutions médicales. La perte de cheveux, en particulier pour une femme dans une société qui magnifie la chevelure féminine, engendre un tourbillon d’émotions conflictuelles. L’histoire de Tereza, c’est celle d’une femme devant accepter sa condition, en faire une force, une singularité qui l’honore plus qu’elle ne rebute.
L’impact de l’alopécie sur l’image de soi et la perception de la féminité de Tereza met en exergue les normes de beauté rigides qui dominent nos sociétés. La perte de cheveux ébranle sa confiance, instillant le doute sur sa capacité à séduire et à être désirée, particulièrement par son partenaire. Cette dimension intime de son voyage vers l’acceptation révèle les pressions sociétales pesant sur les femmes pour se conformer à un idéal souvent inaccessible, et les conséquences psychologiques de leur échec à y adhérer.
Sans cheveux transcende le récit personnel de Tereza pour toucher à une problématique universelle : la confrontation entre nos imperfections et les idéaux de beauté. À travers le dessin simple et expressif de Stepanka Jislova, cet album introspectif invite à une réflexion sur l’acceptation de soi et les facteurs psychologiques qui en découlent. Malgré les bouleversements et les doutes, l’histoire de Tereza témoigne de la capacité à trouver la beauté dans l’imperfection. Il y a là, a minima, un message d’espoir et de libération face aux diktats esthétiques.
Sans cheveux, Tereza Drahonovska et Stepanka Jislova
Glénat, février 2024, 128 pages