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« Love, etc. » : les tribulations d’une quadra célibataire

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Les modes de rencontres amoureuses se métamorphosent sous l’impulsion des avancées technologiques. Dans Love, etc., Clothilde Delacroix dresse un portrait vivant et amusé de ces rendez-vous 2.0. Entre espoirs déçus et promesses d’avenir, son récit, découpé en bulles narratives autonomes, résonne comme l’écho d’un monde où l’amour se conjugue désormais avec applications et interactions virtuelles.

Love, etc., c’est avant tout l’expérience d’une mère célibataire quadragénaire décidant de se réinsérer dans le jeu de la séduction après une longue pause. Pour elle, cela se révèle être un véritable voyage initiatique. Elle ne maîtrise pas les codes de ces nouveaux outils que ses connaissances semblent manier avec une aisance qui lui est déconcertante. Ce qu’elle découvre peu à peu, ce sont les dessous de ces supermarchés (numériques) du désir, qui ont modifié en profondeur les dynamiques relationnelles.

Première joyeuseté : la prise en main. L’inscription sur ces plateformes, loin d’être une démarche anodine pour elle, constitue au contraire un processus fastidieux, impliquant la création d’un profil attractif et la sélection des photos les plus avenantes. Alors, notre quadra peu à l’aise avec son physique prend le temps de bien faire les choses, en se posant mille questions. Mais malgré tous les efforts déployés, les rencontres qui en découlent s’avèrent souvent décevantes. Les pseudonymes pathétiques, voire triviaux, et les photos de profil artificielles, ne laissaient, il faut bien le dire, rien présager de bon.

Comment donc trouver l’amour dans ce dédale d’interactions numériques et de rencontres éphémères ? C’est là que réside le défi majeur pour cette mère de famille pleine d’espoir mais aussi de doutes. Comment se comporter pour maximiser ses chances dans ce nouveau jeu de séduction ? L’humour, l’absurde, mais aussi la justesse, deviennent des alliés précieux pour Clothilde Delacroix dans cette quête où les codes semblent avoir été réécrits à la hâte sans manuel d’instruction. Un décrochage attentionnel de plusieurs années est presque synonyme de fossilisation numérique.

Dans ce ballet amoureux ô combien moderne, chacun revêt un masque social, surtout lors du premier rendez-vous, lissant les aspérités de sa personnalité pour paraître consensuel et facile à vivre. Mais cette façade, comme l’énonce très bien notre protagoniste, peut mener à une confusion des espoirs et des sentiments, où personne ne sait réellement sur quel pied danser. Décrypter les signes d’intérêt, éviter les maladresses dans les communications numériques, gérer les attentes et les déceptions deviennent des compétences essentielles dans ce grand jeu de séduction (et de dupes ?).

Certaines planches de Love, etc., sous leurs dehors humoristiques, illustrent de manière édifiante comment cette quête désespérée d’amour peut engloutir l’individu, le plongeant dans un abîme de solitude et de doutes. L’absence de tendresse et le flou des attentes peuvent laisser des cicatrices invisibles, altérant la confiance en soi et la capacité à s’ouvrir à l’autre. Clothilde Delacroix ne s’y trompe pas quand elle représente les états d’âme de son personnage, un peu égarée sur le chemin de l’intégrité émotionnelle.

Love, etc. offre un regard ironique mais perspicace sur la recherche d’amour à l’ère numérique. À travers les tribulations d’une quadra célibataire, l’autrice parvient à capturer avec finesse les dilemmes, les rires et les déceptions qui jalonnent ce parcours semé d’embûches. 

Love, etc., Clothilde Delacroix 
Delcourt, collection Pataquès, février 2024

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