Dans L’Adoption : Le Sourire du plombier, Zidrou et Arno Monin nous livrent des tranches de vie touchantes. Publié par les éditions Bamboo, ce récit explore les méandres de la vie familiale, où l’amour transcende souvent les épreuves, les différences, et même la mort.
Après avoir fait face à des difficultés pour concevoir, un couple décide de déposer deux demandes d’adoption. Le père, d’origine espagnole, forme un dossier en Espagne, tandis que la mère, française, en fait de même dans l’Hexagone. Contre toute attente, les deux demandes aboutissent en même temps, et le couple se retrouve parent de deux petites filles. La surprise est totale mais ne s’arrête pas là, puisque la mère, dans la foulée, tombe enceinte naturellement.
C’est ici qu’un premier décalage se crée dans cette famille « à l’envers ». Alors que les deux premières filles sont adoptées, la troisième, née naturellement, grandit avec un sentiment d’altérité. Elle aussi aurait aimé avoir été adoptée ! Ce thème est traité avec sensibilité, mettant en lumière les complexités des relations fraternelles où l’amour et le doute coexistent. Les notions d’appartenance et de légitimité au sein d’une famille se voient ainsi questionnées à travers la petite dernière, aux antipodes de ce que proposent généralement les récits d’adoption.
La famille apparaît aussi « à l’envers » au regard de l’inversion des rôles parentaux traditionnels. Ici, c’est la mère qui travaille, tandis que le père s’occupe des enfants, du ménage et de la cuisine. Ce renversement des rôles est significatif : il bat en brèche une certaine vision conservatrice de la famille et assoit, dans le récit, la stature du père. La mère, grande lectrice, est de son côté dépeinte comme une femme intellectuellement active, aimante envers les siens, mais quelque peu déconnectée des tâches domestiques, au point par exemple de brûler les plats qu’elle réchauffe, trop absorbée par ses romans.
En contraste, le père est montré comme dévoué et attentionné. Il joue un rôle central dans la vie quotidienne de ses filles. Il les accompagne à leurs activités, qu’il s’agisse de la piscine, de la musique ou du football, et fait de son mieux pour maintenir l’harmonie familiale. Son souci du bien-être de ses filles se manifeste jusque dans les détails du quotidien, comme le choix de la musique lors des trajets en voiture. Ce père, protecteur et amusant, s’efforce tout au lonf de l’album, généreux en souvenirs familiaux, de construire une relation de confiance avec ses enfants, refusant de reproduire les violences qu’il a lui-même subies dans son enfance.
Plus grave dans son approche, le deuil constitue un thème récurrent dans cet album. La mort, bien que toujours difficile à aborder, est toutefois présentée ici avec une certaine délicatesse, qui en souligne l’impact profond sur les individus, mais aussi sur les dynamiques familiales qui permettent d’y faire face. C’est elle qui fait remonter les souvenirs, et à travers des flashbacks, le lecteur découvre la tendresse et l’amour qui unissaient cette famille. Ces souvenirs, qui ressurgissent au fil des pages, montrent un homme capable de réconforter ses enfants après une défaite sportive, ou de trouver le positif dans des situations pourtant désagréables, comme une panne de voiture sous la pluie.
L’Adoption : Le Sourire du plombier célèbre l’amour familial sous toutes ses formes : parental, fraternel et même celui que l’on porte aux souvenirs des êtres disparus. Cet album autonome, qui ne nécessite pas la lecture des précédents tomes pour être apprécié, propose une réflexion sur la famille, la perte et la manière dont on peut continuer à avancer malgré les épreuves. En plaçant au centre de son récit une famille où les rôles sont inversés et où les enfants, qu’ils soient adoptés ou biologiques, cherchent chacun leur place, Zidrou et Arno Monin offrent une vision profondément humaine et nuancée de la famille. Un album à lire, à relire, et à apprécier pour sa capacité à traduire les nuances de la vie familiale avec justesse.
L’Adoption : Le Sourire du plombier, Zidrou et Arno Monin
Bamboo, septembre 2024, 72 pages