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« Soda » de retour avec « Le Pasteur sanglant »

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Série de bandes dessinées belge créée par le scénariste Philippe Tome et le dessinateur Luc Warnant, Soda fait son grand retour, après des années d’absence, avec « Le Pasteur sanglant ». Le fidèle illustrateur Bruno Gazzotti s’associe à cette occasion à Olivier Bocquet.

La série est centrée sur David Solomon, alias Soda, un inspecteur de police exerçant ses fonctions à New York. La spécificité de Soda tient en un détail, riche en potentialités : pour ne pas inquiéter sa mère, cardiaque, Solomon prétend officier en tant que pasteur. C’est donc accoutré comme un homme de foi qu’il quitte chaque jour son immeuble pour se rendre au commissariat… Cette dualité est le principal axe narratif de la série ; elle débouche sur toutes sortes de situations comiques et dramatiques.

Comme ses prédécesseurs, « Le Pasteur sanglant » met en vignettes une ville de New York scorsesienne, où cohabitent espoir et désespoir, opportunités et misère. Érigée en personnage à part entière, elle recrache quotidiennement de quoi occuper notre faux pasteur-vrai policier, en conflit entre ses obligations professionnelles et personnelles. Car cela conditionne notre appréhension du personnage et une fois encore, à l’occasion de ce nouveau tome, Soda apparaît tiraillé entre son devoir en tant qu’officier de police et son rôle de fils aimant.

Dans un style expressif et dynamique, Olivier Bocquet et Bruno Gazzotti vont confronter leur héros aux troubles mnésiques. Tandis qu’un pasteur sème la mort dans les rues de New York, Soda perd la mémoire et voit chaque indice accréditer un peu plus l’hypothèse selon laquelle il pourrait en fait être lui-même le tueur en série… D’ailleurs, ne rêve-t-il pas chaque nuit qu’il assassine sa propre mère ? Mélangeant avec habileté des éléments de comédie et de drame, « Le Pasteur sanglant » portraiture un Soda vulnérabilisé, en doute, soit coupable (de crimes) soit victime (d’une machination).

En filigrane, Olivier Bocquet et Bruno Gazzotti dénoncent une société de consommation qui va à vau-l’eau. L’irruption soudaine d’un nouveau serial killer est aussitôt récupérée et exploitée par la sphère marchande, qui en profite pour écouler, aux côtés des déguisements typiques des films d’horreur, des tenues de pasteur ensanglantées. En revanche, la police demeure significativement sous-financée, comme en témoignent ces toilettes délabrées qui ne sont pas sans rappeler celles de la série The Shield. Les États-Unis sont une terre d’opportunités, mais probablement pas pour les fonctionnaires.

Sans faire preuve d’une grande inventivité, « Le Pasteur sanglant » s’inscrit dans une série qui a fait ses preuves et qui continue, presque quatre décennies après sa création, à divertir son public, avec une idée reine, la fausse identité, décidément inépuisable.

Soda : Le Pasteur sanglant, Olivier Bocquet et Bruno Gazzotti
Dupuis, juin 2023, 56 pages

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3.5
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