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« Le Narcotrafic » à travers le prisme de la géopolitique

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Les éditions Soleil publient le second tome de L’Aventure géopolitique, consacré au narcotrafic. De la cocaïne en Amérique (Bolivie, Mexique) à la culture du pavot en Afghanistan, Mister Geopolitix a mené, pour sa chaîne YouTube, une enquête périlleuse désormais restituée en bande dessinée.

Dans une vidéo intitulée Narcotrafic : immersion dans une production d’héroïne, Mister Geopolitix souligne à quel point l’existence peut être arbitraire et conditionnée par notre lieu de naissance. Ce constat transparaît clairement dans ce second tome de L’Aventure géopolitique, puisque les agriculteurs boliviens vivant de la feuille de coca, les préparateurs mexicains la mettant en poudre ou encore les cultivateurs afghans dépendant du pavot somnifère semblent n’avoir d’autre choix, pour éviter le dénuement, que de s’ériger en maillons d’une chaîne, plus que jamais mondialisée, du narcotrafic. Mister Geopolitix, Ludovic Danjou et Adrien Martin l’énoncent clairement, à plusieurs reprises : ces individus, somme toute ordinaires, ont été abandonnés par les pouvoirs publics, ont investi des champs d’activité très peu rémunérateurs et cherchent avant tout à arrondir leurs fins de mois avec des cultures plus rentables, mais illégales, dangereuses et propres à les soumettre au bon vouloir des cartels (en Amérique latine) ou des fondamentalistes religieux (en Afghanistan).

« Le Narcotrafic » est une enquête au long cours, dans les interstices du trafic de drogue, en début de chaîne, là où la cocaïne se négocie à quelques dollars le kilo, bien loin des prix fixés sur les marchés américains ou européens de consommation, où le gramme se monnaie chèrement. Le lecteur y croise des agriculteurs désabusés, des « cuistots » désireux de s’enrichir rapidement, pour sortir de la misère ou pour vivre à l’occidentale, mais aussi des mouvements intégristes dont la puissance militaire est indexée aux revenus tirés de la drogue (400 millions de dollars par an pour les talibans). C’est par l’intermédiaire de fixeurs que Gildas Leprince a pu approcher ses interlocuteurs et mettre à nu des pans entiers d’une économie souterraine et mortifère. Son récit, mis en musique par le scénariste Ludovic Danjou, est haletant et porte en son sein toutes les ambivalences d’une activité certes illégale, mais ô combien nécessaire à des populations vulnérables et laissées en jachère.

Un précieux dossier didactique vient compléter une lecture étayée et circonstanciée, déjà éloquente quant à l’organisation des filières du narcotrafic ou les relations étroites entre les mouvements religieux et l’opium en Afghanistan. Mister Geopolitix y distingue les drogues selon leur nocivité, leurs effets sur le corps ou leurs origines. Le YouTubeur-reporter revient sur les routes de la cocaïne et de l’héroïne, sur les organisations criminelles qui les chapeautent et sur les différences notables entre les substances d’origine naturelle (du tabac à la cocaïne) et chimique (des LSD aux méthamphétamines) en ce qui concerne leurs implications géopolitiques. Ce nouveau volume de L’Aventure géopolitique se montre aussi très critique vis-à-vis des institutions, présentées comme défaillantes ou démissionnaires en Amérique latine, prédatrices et hypocrites en Afghanistan. Car entre les lignes, ce que révèle le narcotrafic, c’est l’incapacité ou le manque de volonté des États à y faire face…

L’Aventure géopolitique : Le Narcotrafic, Mister Geopolitix, Ludovic Danjou et Adrien Martin
Soleil, juin 2022, 64 pages

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