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« Lawmen of the West » : loi et violence dans l’Ouest sauvage

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Lawmen of the West, dirigé par Tiburce Oger, est le dernier volet en date d’une série d’anthologies graphiques retraçant l’histoire tumultueuse du Far West américain. À travers quatorze récits authentiques, cet album nous plonge dans l’univers brutal de ceux qui ont tenté d’imposer la loi dans une terre hostile où justice rimait souvent avec violence. 

Les Minutemen étaient à l’origine des miliciens civils organisés pour protéger à la hâte les Treize colonies. Ils devaient réagir prestement et repousser l’ennemi. Dans un récit dessiné par Ronan Toulhoat, on suit un milicien de l’Illinois combattant les Indiens armés par les Britanniques après la guerre d’Indépendance. Ces premières figures de l’autorité émergent bien avant que les États-Unis ne forment des institutions de justice structurées. Ils agissent dans un climat de méfiance extrême, caractérisé par des affrontements sanglants et des alliances opportunistes, comme le conte très bien Tiburce Oger. Dans « La Bataille de Walker’s Creek », illustré par Alain Mounier, le scénariste introduit toutefois un nouveau protagoniste, et non des moindres : l’arme à cinq coups, qui permet de décimer les assaillants, dans un contexte où les villages sont attaqués par les Comanches et les femmes, kidnappées et agressées.

Certains hommes de loi dans Lawmen of the West incarnent la frontière ténue entre la justice et la corruption. Le shérif Henry Plummer, par exemple, ou le Capitaine Williams, symbole de l’Idaho corrompu dans « Les Innocents », croqué par Jef. Leurs récits montrent combien la distinction entre criminels et représentants de l’ordre était parfois floue. A contrario, le juge Isaac Parker, dit « le juge qui pend », appliquait les règles à la lettre : bien qu’opposé à la peine capitale, il condamne néanmoins à mort de nombreux criminels, dans l’espoir vain instaurer un semblant de sécurité dans ces régions reculées. Comme toujours dans l’Ouest, les gestes et les paroles, les intentions et les conséquences peuvent et doivent être questionnés. Dans « Le Chasseur », Tiburce Oger et Chris Regnault narrent par exemple la traque des déserteurs, en mettant en vignettes un homme agissant sous cape mais ne soupçonnant pas à qui il a affaire. 

La diversité graphique de Lawmen of the West est l’une de ses forces majeures. Avec des artistes venant d’horizons différents, chaque histoire adopte un style visuel distinct tout en maintenant une réelle homogénéité narrative. Le lecteur est invariablement immergé dans une atmosphère crépusculaire, où chaque planche peut finir saturée de poussière et de sang. Le réalisme historique des dessins passe quant à lui par la représentation des armes et des vêtements de l’époque, en plus de la documentation qui entoure les personnages et les décors. Ainsi, de « Tête sèche et os sanglants », qui met en scène les chasseurs d’esclaves à New York, au « Complot de Baltimore », qui relate un attentat visant Lincoln déjoué par l’agence Pinkerton, l’Ouest apparaît tel qu’il est : sauvage, hostile, mû par des intérêts contraires, traversé de violence.

Avec Lawmen of the West, Tiburce Oger nous offre une nouvelle fresque captivante et réaliste de la conquête de l’Ouest américain, marquée par l’ambiguïté morale des hommes de loi. Malgré le format court de chaque histoire, l’œuvre parvient à donner une certaine profondeur à ses personnages et complète avec brio une anthologie des « hommes de l’Ouest » comprenant déjà Go West Young Man et Indians!. Les amateurs de western y trouveront un éclairage inédit sur une époque où la justice était autant un idéal qu’un outil de domination.

Lawmen of the West, ouvrage collectif dirigé par Tiburce Oger
Bamboo, novembre 2024, 120 pages

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