Les éditions Delcourt publient La Compagnie rouge, de Simon Treins et Jean-Michel Ponzio. Opéra spatial fortement inspiré de Star Wars, le récit se déroule dans un futur lointain où les guerres, publiques comme privées, sont menées par le truchement de robots et d’intelligences artificielles.
L’hyperréalisme du dessinateur Jean-Michel Ponzio est à double tranchant. La Compagnie rouge peut se prévaloir de dessins soignés, à la précision quasi kubrickienne, mais le travail opéré sur les visages donne parfois l’impression, incommodante, de se tenir devant un roman-photo. D’un côté, l’orfèvrerie des décors et des mouvements ; de l’autre, des syncrétismes visuels pas toujours inspirés. Plus que 2001, l’Odyssée de l’espace, c’est toutefois Star Wars qui semble exercer l’attraction la plus forte sur Simon Treins et Jean-Michel Ponzio. Leur jeune héros Flint est un pendant quasi parfait d’Anakin Skywalker, sa planète ressemble à s’y méprendre à Tatooine et les combats galactiques spectaculaires parachèvent le jumelage des deux oeuvres. À ceci près que George Lucas avait imaginé des mondes foisonnants, un méchant iconique et une conduite scénaristique plus aboutie.
Car La Compagnie rouge ne tient que partiellement ses promesses. Flint, seize ans, est passionné par l’histoire des guerres galactiques. Il est recruté comme archiviste par la Compagnie rouge, organisation placée sous le patronage d’une matriarche surnommée « La Chouette ». Son rôle ? Documenter les événements en cours, et mettre de l’ordre dans un passé confus, aux nombreuses zones d’ombre. Tandis qu’ils interviennent dans un rôle de protection privée dans le cadre d’une guerre civile, Flint et ses collègues voient un piège se refermer sur eux. La suite ne sera constituée que de menaces, de conflits et de trahisons. Avec des planches explicatives empesées et une choralité souvent mal servie par l’épaisseur relative des différents protagonistes.
À la fois récit d’initiation et fresque galactique, La Compagnie rouge pèche cependant par manque d’envergure. Flint quitte sa planète agricole avec l’étiquette d’« innocent ». En dépit de ses nausées répétées lors des voyages spatiaux, il rencontre peu d’obstacles formateurs et semble, devant l’épreuve, souvent plus avisé que ses collègues pourtant expérimentés. La fresque galactique donne lieu à des planches vertigineuses et à une redéfinition des guerres, sur fond d’ivresse technologique. Ses enjeux s’avèrent toutefois circonscrits aux lignes directrices d’une intrigue si pas attendue, en tout cas peu inventive. Et en outre, le récit manque de reliefs émotionnels : mêmes les compagnons d’armes disparus partent sans la moindre cérémonie, si ce n’est pas celle dictée par les conventions. S’engager dans la Compagnie, c’est courir le risque de périr. C’était inscrit dans le contrat. Fi à la peine.
Simon Treins et Jean-Michel Ponzio laissent un goût d’inachevé avec ce one-shot ambitieux. Pourtant, en projetant la propriété privée et les intérêts commerciaux à l’échelle de l’univers, en substituant aux contrats la loi du plus fort, ils tenaient là, sans conteste, les germes d’un récit prometteur. Ce qui en ressort, au-delà des tableaux spatiaux somptueux, relève surtout de la nature humaine, dont les instincts de prédation n’ont que faire du temps qui passe ou des progrès technologiques.
La Compagnie rouge, Simon Treins et Jean-Michel Ponzio
Delcourt, janvier 2023, 128 pages