Michaël Sanlaville publie aux éditions Glénat le manga Banana Sioule, qui prend pour objet un sport ultra-violent et pour héroïne la jeune Hélèna, fille d’agriculteur aux talents insoupçonnés.
Ils étaient plus de trois milliards à suivre la dernière finale de Ligue 1, sur leur téléviseur ou en streaming sur Internet. La sioule est le nouveau sport à la mode. Dangereux, violent, dépourvu de règles, arbitraire, il attise la curiosité des foules et bénéficie d’un espace médiatique des plus généreux. Michaël Sanlaville récupère à cet égard un peu du Rollerball de Norman Jewison, sans le culte du collectif et la critique du communisme qui le sous-tendaient. Ce premier tome de Banana Sioule s’intéresse avant tout à l’adolescente qui lui prête son nom : Hélèna, fille d’un agriculteur désireux de la voir poursuivre des études, quand cette dernière aimerait pourtant s’investir dans la ferme familiale.
Les divergences de vues entre le père et sa fille forment l’un des axes de Banana Sioule. Les amitiés adolescentes s’y ajoutent. D’un dessin vivant et épuré, où le mouvement fait l’objet d’un soin particulier, Michaël Sanlaville va faire se rencontrer Hélèna et la sioule, sport à travers lequel elle s’épanouit et suscite l’admiration de ses nouveaux amis, incapables de suivre le rythme malgré leur entraînement. Si le trait est agréable à l’œil et le récit mené tambour battant, on reste sur notre faim d’un point de vue scénaristique : les tensions dans la ferme familiale sont certes éventées, mais on a le sentiment que tout reste en suspens, tant en ce qui concerne l’avenir d’Hélèna que le passé de son père, exagérément courroucé par ses décisions.
Là où Michaël Sanlaville produit discrètement ses effets, c’est dans la description des cercles juvéniles. Il y a une vraie tendresse dans l’évocation de ces adolescents, dans leur gravité comme dans leur insouciance, se retrouvant autour d’un terrain vague ou d’un point d’eau, se rassemblant le temps d’une soirée ou d’un après-midi. Quand Hélèna apprend sa sélection pour une compétition de sioule, ses amis lui tombent dans les bras, tandis que son père, par contraste, va s’y opposer farouchement. Il y a là, par exemple, un symbole universel d’incommunicabilité entre les attentes et les espoirs des uns et des autres, à travers le spectre des rôles (parents/enfants) et des générations. Il reste maintenant à savoir où tout ceci va nous mener…
Banana Sioule, Michaël Sanlaville
Glénat, mars 2022, 208 pages