Dans le genre très codifié des bandes dessinées de super-héros, Abigail se distingue par son sens atypique, voire parodique. Aseyn s’essaie à un récit qui dévie des canons pour s’immerger dans une narration décalée.
Abigail dévoile l’histoire d’Edward, un super-héros en miniature, confronté à la déroute sentimentale. L’album rend hommage à un genre dont il semble pourtant moquer les stéréotypes. La présence des planches fictives des comics Superboy, qui inspirent profondément Edward, atteste de cette dualité. Le tout s’infuse en plus d’un humour absurde (par exemple : les commentaires sur les plaines de Russie) et laisse place à une aventure rythmée où se mêlent action et péripéties.
Contrastant avec l’hyperréalisme de certains comics, les dessins d’Aseyn se réclament plutôt d’une liberté artistique faite de rondeurs (y compris dans le cas des cases) et de traits caricaturaux. La narration visuelle d’Abigail se joue elle aussi des conventions. Edward est un protagoniste attachant. Héros ordinaire plongé dans une aventure extraordinaire, celui qui a reçu en cadeau le pouvoir de voler (grâce à un concours de dessins) doit affronter un rival aussi jaloux que pathétique.
Léger, très convaincant sur le plan graphique, mais un peu cousu de fil blanc, Abigail n’est ni une prouesse narrative ni un chef-d’œuvre qui transcendera le genre superhéroïque. L’album n’en demeure pas moins plaisant, à mi-chemin de la satire et de l’hommage. On suit avec plaisir les aventures rocambolesques de ce petit homme trop sentimental, traversant l’Atlantique pour les beaux yeux d’une femme qui semble, il fait bien le dire, trop belle pour lui. En ce sens, Aseyn lance un appel à l’évasion, adressant un clin d’œil aux lecteurs de comics en même temps qu’il charpente les péripéties « nonsensiques » d’un petit héros obstiné.
Abigail, Aseyn
Vraoum, novembre 2023, 96 pages