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« Seul l’espoir apaise la douleur » : Simone Veil raconte l’Holocauste

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Le témoignage de Simone Veil sur les camps de concentration, enregistré en 2006 pour la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et l’INA, nous plonge dans les abîmes de la Seconde guerre mondiale. Il voit aujourd’hui le jour en format poche aux éditions J’ai lu.

Figure de proue de la vie politique et intellectuelle française, Simone Veil, rescapée de l’Holocauste, par ailleurs ancienne ministre et présidente du Parlement européen, a gravé son nom dans le marbre de l’histoire, notamment à travers une loi portant son nom et légalisant l’IVG. Quand elle est interrogée par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, elle en profite pour dérouler le fil de sa vie : une enfance heureuse à Nice, la noirceur de la déportation, la résilience face à l’horreur d’Auschwitz et de Bergen-Belsen, dans un contexte où les valeurs humaines se perdent.

Issue d’une famille juive qu’elle décrit comme apaisée mais politiquement divisée, Simone Veil a vu son enfance, sereine, se fracasser sur le roc de la Seconde Guerre mondiale. Son arrestation alors qu’elle n’a encore que seize ans marque le commencement d’une épreuve aux contours cauchemardesques. Déportation dans des trains bondés dont elle décrit avec précision l’horreur, labeur forcé et harassant, faim et humiliations incessantes : c’est avec une émotion vibrante que la future étudiante à Science-Po évoque ces tourments, témoignant de l’inhumanité et de la barbarie qu’elle a dû endurer.

Dans le récit de Simone Veil, la famille n’est jamais loin. Son père est un architecte qui a souffert des lois instaurées en France pendant l’Occupation. Sa mère Yvonne lui inspire courage et force. Dans les camps, contrairement aux idées reçues, la jeune femme note l’absence de solidarité et le comportement nuisible de certains prisonniers communistes vis-à-vis des Juifs. Elle évoque aussi les privations, les sollicitations sexuelles, les actes de cannibalisme ou les rumeurs qui se répandent aussi vite que les maladies ou les poux.

Simone Veil fait montre d’une mémoire précise et se confronte à l’écueil de partager son vécu post-camp. L’ignorance, parfois l’indifférence ou les questions vexatoires, affleurent çà et là, en France comme en Suisse. Elle rappelle les assauts qu’elle a essuyés lors du débat sur l’IVG quand certains lui reprochaient un manque de cohérence, mettant sur un même plan les crimes commis par les nazis et les embryons privés de naissance par avortement.

Les paroles de l’ancienne ministre, teintées de mélancolie et d’une certaine noblesse, constituent une forme d’avertissement contre les dangers de l’oubli et de l’indifférence. À ce titre, elle s’interroge sur les archives tronquées de l’Allemagne nazie, et considère l’Holocauste à l’aune des génocides rwandais, cambodgien ou encore bosnien, épinglant ce qui les unit et surtout ce qui les sépare.

Seul l’espoir apaise la douleur est un petit livre éclairant, qui permet de mieux appréhender comment le monde a basculé dans les années 1930 et 1940. Simone Veil a vécu la Shoah avec des yeux de jeune femme, soudainement soumis au spectacle de l’horreur génocidaire. Chaque épreuve a dû être assimilée, tolérée par impuissance, enfouie sous une révolte intérieure qui transparaît clairement dans le texte.

Seul l’espoir apaise la douleur, Simone Veil
J’ai lu, janvier 2024, 224 pages

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