Historien de l’art, Laurent Bolard publie aux éditions Hazan un magnifique ouvrage en hommage à la ville de Rome. La peinture et la littérature y prennent langue pour portraiturer une ville éternelle – et inépuisable.
Laurent Bolard ne s’y trompe pas. Dans une introduction intitulée « Pour l’amour de Rome », il souligne le caractère intemporel et inépuisable de la capitale italienne. Baroque, Renaissance, catholicisme, art médiéval ou institutions politiques s’y enchevêtrent à chaque coin de rue. Caractérisée par une histoire mouvementée, une pluralité de statuts, la louve ou encore – eh oui ! – la circulation automobile, Rome se distingue surtout par « l’ivresse des panoramas que la ville propose et qu’ont tant chantés les peintres et les écrivains ». Les multiples et vertigineux points de vue des sept collines n’y sont évidemment pas étrangers. Rome est un modèle pour les uns, une muse pour les autres, une source d’inspiration et d’émerveillement en perpétuelle réinvention, où les époques se juxtaposent partout et en tout temps.
L’historien Laurent Bolard a décidé de faire dialoguer l’image et le texte, d’emprunter aux peintres et aux auteurs de quoi rendre un hommage artistique à la Ville Éternelle. Ippolito Caffi et George Owen Wynne Apperley y peignent avec révérence un Forum majestueux, que Charles Dupaty décrit dans ses Lettres sur l’Italie comme l’ancien « centre de Rome, et par conséquent du monde » et dont il regrette qu’il soit devenu un vulgaire « champ des vaches » dans les années 1780. Goethe notait quant à lui au sujet du Colisée que « quand on voit ce monument, tout le reste semble rapetissé ». D’ailleurs, « il est si grand que l’esprit ne peut en garder l’image ». L’historien français Hippolyte Taine se dit à son tour « subitement secoué » devant cet « être complet et formidable ». La somptueuse vision du Colisée depuis le mont Palatin, immortalisée par Carlo Labruzzi, ou la vue intérieure qu’en offre Hubert Robert attestent de l’irrémédiable grandeur de cet ouvrage bimillénaire. Le Panthéon est un autre haut lieu de la capitale italienne. Apollonio Domenichini et Giovanni Paolo Panini en ont dressé des tableaux intérieurs et extérieurs mémorables, tandis que le poète André Suarès en a salué la « lumière incomparable » et les « puissantes colonnes ».
Se penchant sur les villas romaines, sur les descriptions parfois désenchantées d’Hippolyte Taine ou sur les écrits doux-amers d’Émile Zola, Laurent Bolard puise dans la littérature et la peinture de quoi caractériser une capitale plurielle sur laquelle chacun peut projeter ses proposes vision et sensibilité. C’est Bernardo Bellotto saisissant la place du Capitole en plan large et vue diagonale ou Anton Ivanovich Ivanov peignant la Piazza del Popolo en plongée. C’est aussi, plus proche de nous, des extraits d’Encre sympathique, de Patrick Modiano. Mais ce bel ouvrage s’avère avant tout précieux pour les nombreuses références (et révérences) qu’il exhume. Écheveau de textes et de toiles, ce Rome des peintres et des écrivains dresse un panorama artistique de la Ville Éternelle. S’il est loin d’être exhaustif, si on aurait envie d’y ajouter des centaines d’œuvres – et peut-être même issues d’autres disciplines –, ce beau-livre (en petit format) constitue un passionnant double témoignage : sur Rome elle-même, mais aussi sur la manière dont l’art peut s’emparer d’un objet pour le magnifier – et parfois, le satiriser.
Rome des peintres et des écrivains, Laurent Bolard
Hazan, octobre 2021, 240 pages