La revue trimestrielle ligérienne 303 consacre son nouveau numéro au cinéma d’animation, secteur de production et de création dont la constante mutation invite à poser un regard sur le passé pour mieux envisager l’avenir.
C’est justement cette perspective qui anime les différents textes de ce numéro. L’historien Xavier Kawa-Topor, à qui l’on doit déjà de nombreux ouvrages consacrés à ce sujet (Cinéma d’animation, au-delà du réel [2016] ; Michael Dudok de Wit, le cinéma d’animation sensible [2019] ; Stop-motion. Un autre cinéma d’animation [2020], tous trois parus chez Capricci), propose ainsi une introduction sous la forme d’un large panorama historique qui, des premières représentations du Théâtre Optique d’Émile Reynaud en 1893 à Ma vie de courgette (Claude Barras, 2016) et Interdit aux chiens et aux Italiens (Alain Ughetto, 2022), prouve la vitalité de cet autre cinéma dont les sujets et les problématiques ne cessent de se nourrir de l’actualité et d’enrichir nos imaginaires.
Art hybride par excellence, l’animation permet d’envisager certains rapprochements et échanges avec d’autres arts visuels : la peinture et l’illustration dont les croisements fondent la singularité de certains artistes en particulier (Benjamin Rabier ou René Laloux auxquels sont consacrés deux articles de fond). Cet héritage plastique et iconographique se retrouve au cœur même des techniques de production qui, de l’art des marionnettes (Le Manège enchanté de Serge Danot) aux machines pourvoyeuses de fantasmes cybernétiques (le réalisateur et directeur artistique Marc Caro qui raconte dans un long entretien sa passion pour l’univers de l’animation), se constituent comme le réservoir d’une réflexion transdisciplinaire.
L’intérêt de ce numéro est de parvenir à briser les catégories souvent lâches à l’intérieur desquelles les historiens et critiques ont trop longtemps voulu contenir le cinéma d’animation. La reproduction d’un entretien réalisé avec Jacques Demy en 1989 prouve sur ce point la nécessaire relativisation des différences entre la prise de vue réelle et l’imaginaire animé. Réviser son regard conduit naturellement à l’accentuer. Différents articles insistent ainsi sur l’importance de plus en plus grande que joue la région des Pays de la Loire dans la production hexagonale. La nomination de Xavier Kawa-Topor à la direction de l’Abbaye royale de Fontevraud a ainsi fait des paysages ligériens un modèle d’inspiration et un lieu de cocréation à l’intérieur duquel se réfléchissent les pratiques d’aujourd’hui et celles de demain (comme le prouve le court métrage Drôles d’oiseaux [2022] de Charlie Belin qui situe son récit entre les paysages de Saumur et de l’île de Souzay).
Cette réflexion au long cours qui appelle à être prolongée au sein d’un autre numéro est par ailleurs servie par une belle mise en page qui accorde une place de choix aux illustrations. Le format cartonné de la revue rend honneur aux images des films et aux photographies d’archive qui documentent parfaitement le travail de recherche accompli par les différents collaborateurs de la revue.
303, n°176, collectif
Editions 303, 96 pages