Avec un parfait sens du timing, le journaliste au magazine So Foot Pierre Dubourg se penche sur l’euro de football dans la collection « Librio » (Flammarion).
Souvenez-vous de cette punchline du sélectionneur italien Giovanni Trapattoni après l’euro 2004 : « La Grèce a gagné le tournoi grâce à trois coups francs et un corner. » Rappelez-vous, quatre ans plus tôt, des deux buts mémorables inscrits par les remplaçants français Sylvain Wiltord et David Trezeguet en finale contre l’Italie. Remémorez-vous cette Espagne conquérante de 2008 et 2012, ou cette posture « hulkéenne » de Mario Balotelli après son mémorable doublé contre l’Allemagne en demi-finale de l’édition 2012. La Grande Histoire de l’euro de foot est un opuscule ludique, qui nous replonge dans les grands moments qu’a connus ce tournoi, depuis sa création en 1960 jusqu’au sacre du Portugal de Cristiano Ronaldo en 2016. Pour ce faire, il s’intéresse aux stars, aux anecdotes, aux équipes sacrées, aux buts légendaires, au climat politique de l’époque, etc. Pierre Dubourg donne de l’allant à son récit footballistique en en découpant les points névralgiques, qu’il reproduit inlassablement de tournoi en tournoi.
« Imaginé dans l’entre-deux-guerres par Henri Delaunay, le Championnat d’Europe a été le reflet de son époque. Du boycott du général Franco à la crise de la zone euro, en passant par l’éclatement de la Yougoslavie et la réunification de l’Allemagne, le tournoi a épousé les formes et les passions du Vieux Continent, à mesure que son histoire se construisait lentement, et parfois brusquement, partant des divisions de la guerre froide pour aboutir au traité de Maastricht. » Au-delà du seul facteur sportif, La Grande Histoire de l’euro de foot se penche en effet sur les interactions étroites entre le terrain sportif et géopolitique. L’édition 2012 a par exemple vu l’Allemagne et la Grèce s’opposer, alors que les deux nations s’affrontaient régulièrement dans les cénacles européens et internationaux. La Grèce vivait alors une crise économique sans précédent, tandis que l’Allemagne, en qualité de créancière inflexible, apparaissait aux yeux des Grecs comme la responsable de tous leurs maux. Les commentaires d’avant-match, souvent à la limite (voire au-delà) de la provocation, n’ont finalement été que le strict reflet des tensions qui animaient les relations entre les deux pays.
Il y a cependant des histoires plus souriantes dans le petit ouvrage de Pierre Dubourg. Comment ne pas citer celle du Danemark, repêché au dernier moment lors de l’euro 1992 et vainqueur au terme d’un tournoi où se sont signalés des compétiteurs de la trempe de Peter Schmeichel et Brian Laudrup ? La Tchécoslovaquie de 1976 est un autre exemple de succès inattendu. Doublement d’ailleurs, puisqu’il y eut cet incroyable but sur pénalty d’Antonin Panenka face à Sepp Maier ! L’épopée des Bleus en 1984, sous la houlette de Michel Platini, constitue probablement un souvenir collectif impérissable et démontre à quel point le football peut être fédérateur et vecteur d’émotions fortes. D’autres événements sont cependant moins reluisants : la rivalité entre les joueurs du PSV et de l’Ajax qui plombe la campagne hollandaise en 1976, les aveux de dopage de Franz Beckenbauer au sujet de l’édition 1972, les performances médiocres des Français en 2004… Une énième preuve que « la grande histoire de l’euro » est faite de hauts et de bas, de moments de liesse et de tristesses inconsolables.
La Grande Histoire de l’euro de foot, Pierre Dubourg
Flammarion/Librio, mai 2021, 160 pages