Dans Jardins secrets du Japon, publié aux éditions Ulmer, Francis Peeters explore les traits constitutifs de ces espaces protégés, harmonieux et souvent sacrés. Expression artistique et philosophique, ils incarnent une vision nippone profondément enracinée dans les traditions culturelles, religieuses et esthétiques du pays.
Les jardins japonais trouvent leurs origines dans la Chine et la Corée anciennes, avec lesquelles le Japon entretenait des échanges culturels intenses dès le VIe siècle. Le bouddhisme, en particulier le bouddhisme zen, a profondément influencé leur développement. Francis Peeters retrace le cheminement historique de ces espaces qu’il qualifie de « secrets », en ce sens qu’ils sont porteurs de significations cachées, qui échappent souvent aux visiteurs étrangers et/ou occasionnels.
Les jardins japonais sont en effet bien plus que des espaces verts, puisqu’ils renferment des concepts philosophiques et spirituels profonds. L’harmonie avec la nature y occupe une place de choix, notamment dans le Shakkei (paysage emprunté), une technique qui incorpore les paysages environnants, comme des collines ou des montagnes lointaines, dans la composition du jardin, brouillant ainsi les frontières avec l’espace naturel. Plus généralement, l’esthétique japonaise met en avant la simplicité, l’imperfection et l’éphémère. Les jardins cherchent à refléter la beauté naturelle dans un équilibre subtil entre l’artifice et le sauvage.
Francis Peeters rappelle que chaque élément du jardin, qu’il s’agisse d’un rocher, d’une lanterne ou d’un pont, a une signification qui le dépasse. Par exemple, les rochers peuvent représenter des montagnes ou des îles, et les rivières symboliser l’océan ou le flux du temps. Le vide, ou ma, est quant à lui essentiel dans la conception des jardins. Il permet de créer des moments de silence visuel, laissant place à l’interprétation et à la contemplation.
Lieux de méditation et de communion avec le divin ou la nature, les jardins japonais ont connu différentes périodes, d’Asuka (538-710) à Edo (1603-1868) en passant par Heian (794-1185). Sous l’influence du zen, les jardins secs (karesansui) émergent. Ces jardins minimalistes, composés de rochers et de gravier ratissé, visent à suggérer des paysages marins ou montagneux abstraits. Chaque période apporte ses spécificités et ses innovations. Cependant, certaines règles demeurent : l’asymétrie, la miniaturisation ou encore l’exploitation des saisons.
En tout, dans un ouvrage superbement illustré, Francis Peeters nous invite à découvrir pas moins de 40 jardins, dont Yoshiminedera, Shôwa Kinen Kôen ou Jo-an. Il évoque longuement les pavillons de thé, rapporte les contrastes des jardins de l’Ambassade du Canada, énonce ce qui fait la singularité de Shungakuin, un jardin impérial longtemps jalousement gardé… De quoi prendre pleinement conscience des intentions et agencements de ces espaces qui, en plus d’être visuellement attrayants, constituent un pont privilégié vers la culture nippone.
Jardins secrets du Japon, Francis Peeters
Ulmer, novembre 2024, 224 pages