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Essais d’actualité, quelques idées-forces (II) : Olivier Tesquet, Mark Fortier, Béatrice Barbusse

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Voici le second d’une longue série de rendez-vous consacrés aux essais d’actualité. Il s’agira pour Le Mag du Ciné de vous exposer les idées-forces de plusieurs ouvrages récents.

À la trace, Olivier Tesquet, Premier Parallèle, janvier 2020.

Cartographier les nouveaux territoires de la surveillance numérique. Voilà l’entreprise ambitieuse à laquelle Olivier Tesquet cherche à s’astreindre. Il en découle, en toute logique, cette idée-force : à l’heure du big data, la vie privée et les données personnelles des utilisateurs de services numériques se voient bafouées au quotidien. Pour s’en convaincre, il suffira de se reporter au scandale Cambridge Analytica, qui a le mérite de mêler les GAFA, la récolte masquée de données personnelles, les considérations démocratiques les plus élémentaires et l’élection de M. Donald Trump à la magistrature suprême des États-Unis. Petit rappel des faits : en organisant un faux test ludique sur Facebook, une société britannique a collecté à leur insu les informations privées de 87 millions d’utilisateurs, lesquelles ont ensuite été exploitées par les stratèges du parti républicain afin de réaliser du ciblage électoral en faveur de M. Trump. Il y a trente ans, on aurait juré que pareil récit ne pouvait relever que de la science-fiction. Aujourd’hui, cela s’ajoute à une longue série d’affaires, dûment consignées dans cet essai, qui donnent froid dans le dos : surveillance au Xinjiang, courtiers en données personnelles, crédit social chinois, Nice sécuritaire de M. Estrosi…

Mélancolies identitaires, Mark Fortier, Lux, janvier 2020.

Pendant un an, le sociologue Mark Fortier a lu tout Mathieu Bock-Côté. Il a découvert un discours semblable à un ouragan : tout est emporté à l’extérieur, mais à l’intérieur règne une certaine idée du néant. Surtout, il a pu questionner la sémantique, réorganisée et rendue toujours plus anxiogène. Un « empire du verbiage » servant avant tout les marottes de la droite populiste et conservatrice : haro sur l’immigration, pleins feux sur l’héritage et les traditions, halte au progressisme et à la gauche bien-pensante. Les travaux du philologue Victor Klemperer se voient à nouveau conviés. En filigrane, c’est toute la vague populiste brune qui transparaît et se trouve mise à nue par l’auteur.

Du sexisme dans le sport, Béatrice Barbusse, Anamosa, mars 2020.

Peut-on être sportive et féminine en même temps ? Une femme est-elle légitime à entraîner une équipe professionnelle masculine ? Quid des stéréotypisations des comportements dès le plus jeune âge ? Béatrice Barbusse voit son essai Du sexisme dans le sport réédité et le moins que l’on puisse dire, c’est que le propos demeure d’une actualité brûlante. Le sexisme dans le sport reste en effet pluriel : il se manifeste dans une moindre représentation des femmes aux postes à responsabilités, il se devine à travers la médiatisation sélective ou les grilles salariales inégales, il fait irruption dans des assertions honteuses (Laurent Blanc, Pierre Ménès, etc.), des histoires d’agressions sexuelles ou des anecdotes personnelles, comme celles livrées par l’auteure, au cours desquelles ne cessent de poindre mépris et vexations à l’endroit du sexe faible (et considéré comme tel). Oui, pourtant, on peut être femme, sportive de haut niveau et même compétente dans des postes d’encadrement ou de direction. Tout l’objet du livre consiste à détricoter les raisons qui pourraient nous pousser à prétendre le contraire : construction artificielle d’une réalité sociale sexuellement normée, idées reçues, mésusage linguistique… Le corps et son exposition/exploitation se trouvent aussi au centre d’une analyse tant basée sur des expériences vécues ou rapportées que sur une structure argumentaire statistico-théorique.