En mai 2017, le retour tant attendu dans l’univers polymorphe de Twin Peaks fut enfin permis avec la diffusion de la troisième saison du show nommée The Return. À l’occasion de sa sortie en DVD et Blu-ray le 27 mars 2018, (éternel) retour dans et sur Twin Peaks, au troisième volume préoccupé par la transmission.
Mot de l’éditeur : Un quart de siècle après révolutionné le monde des séries TV, Twin Peaks est de retour. Un nouveau mystère entoure cette charmante ville du Nord-Ouest des États-Unis où, 26 ans auparavant décédait la jeune Laura Palmer dans des circonstances troublantes.
David Lynch / Mark Frost : mission transmission
Il y a bien des choses qui ont été écrites, déclarées, hurlées et soupirées ici et là à propos du retour de Twin Peaks. Et il y en a encore bien d’autres à dire, c’est pourquoi cet article se concentrera sur un questionnement parmi d’autres : Twin Peaks saison 3 ne serait-elle pas une rétrospective lynchienne par David Lynch et Mark Frost, les deux créateurs du show eux aussi de retour vingt-six ans après la fin de la deuxième saison ? Depuis 1991, la carrière de Lynch s’est agrandie : Lost Highway, Une histoire vraie, Mulholland Drive, Inland Empire… Justement, la troisième saison de Twin Peaks semble être une œuvre rétrospective ou presque. En effet, le cinéaste – accompagné par le co-créateur/scénariste Mark Frost – retravaille les formes de toute sa filmologie. Expérimentation numérique/vidéo, narration abstraite, situations du quotidien bousculées par la violence et l’absurde, et autres bizarreries lynchiennes viennent à nouveau se représenter à l’écran. Le cadre de la troisième saison se prête ainsi à tous les travaux du maître. Dans quels buts, entendra-t-on ?
S’il y a une démarche qui semble affirmée tout au long de cette troisième saison, c’est bien celle de la transmission. Une dizaine d’années après Inland Empire, plus de vingt cinq ans après la fin de Twin Peaks, Lynch revient. Les aficionados du maître sont alors heureux d’avoir entendu une réponse à leurs nombreuses prières. Car IL est de retour. Avec Mark Frost, ils proposent un récit où la transmission est importante : Cooper avec son « fils » ; la rose bleue et leur nouvelle jeune recrue prénommée Tammy ; les Horne et leur petit-fils Richard. Et cette transmission prend forme à d’autres niveaux.
En effet, il s’agit aussi de transmission en tant que dialogue/discours : il peut être « électrifié », critique et commercial à la fois (voir les diffusions internet des vidéos du Docteur Jacoby) ; difficile à appréhender pour le spectateur car d’une autre dimension (voir la sortie de Cooper de la chambre noire et de l’alter-univers) ; ou au-delà des nombreuses conceptions policières rationalistes connues par le shérif Truman et son adjoint, Hawk. De bien des façons, les personnages animés par Lynch et Frost transmettent des connaissances, des valeurs, des expériences, des émotions à leurs interlocuteurs, et donc aussi aux spectateurs. Justement, Twin Peaks The Return questionne aussi, comme l’expose très simplement le visuel ci-dessus, la transmission elle-même. À coup d’expérimentations visuelles (aux résultats parfois peu concluants), d’images incroyables, de situations jouissives, et d’énièmes basculements du rapport cinéma/séries loin d’avoir été conclu par les séries modernes – comme beaucoup le prétendent –, Lynch et Frost échangent avec le spectateur leur regard sur le monde, leur vision créative et narrative sans barrières d’une énergie sans limite quitte à toucher de loin ou de prêt la maladresse et l’échec. Entre le spectateur et Twin Peaks The Return s’opère un échange sans nul autre pareil. En effet, le questionnement de la transmission par les deux créateurs a une réponse : l’échange a de nombreux visages, et surtout, il défie les lois rationnelles de la physique, du temps, et de l’uniformisation créative. La transmission a lieu d’une matière à une autre, de la vidéo de caméscope aux images pelliculées du passé, d’une bûche à une vieille femme ; par de nombreuses voies matérielles et immatérielles : une prise de courant permet le retour de Cooper ; le rêve d’un patron de casino enragé par sa frustration lui permet de revenir sur ses intentions meurtrières ; ou encore avec le téléphone old school au commissariat et à l’hôtel dirigé par Benjamin Horne.
Le générique vous invite à revenir à Twin Peaks dont l’univers s’étale sur l’ensemble des États-Unis et au-delà de notre dimension. Et si tout nous ramenait finalement à Twin Peaks ?
Les concerts du passé menés par Julee Cruise laissent place ici à ceux de Nine Inch Nails, The Cactus Blossoms, Lark ou encore des Chromatics. Certains parleront d’« art branché », mais il est surtout question de regard vers l’avenir. Un regard parfois nostalgique mais jamais « doudou » qui a, comme l’explique François Cau sur le site Chaos Reign, accepté la mort. Et face à la mort certaine, Lynch et Frost présentent leur ferme volonté de continuer à marcher vers l’avant, en se rappelant parfois avec tendresse et mélancolie quelques souvenirs lointains, et surtout, en transmettant un maximum de données à ceux prêts à prendre le relais. Ces nouveaux venus vont avancer, parfois avec une certaine nostalgie – jamais invasive – pour tout ce qui les a inspirés. L’un des bonus met en avant le phénomène Twin Peaks, ou comment de nombreux fans ont continué à porter et faire vivre cet univers à coup de festival, de fan art, ou de création inspirée en profondeur ou plus légèrement. On pourrait ainsi considérer que cette troisième saison rend hommage à tous ceux qui ont vécu dans la foi de Twin Peaks, tout en leur prescrivant une nostalgie non invasive, non « doudou », non exclusive et absolue donc.
Expérimenter Twin Peaks : The Return équivaut ainsi à expérimenter une véritable phase de partage. Si l’échange n’a pas toujours semblé évident pour quelques spectateurs, notamment à cause du maladroit pilote, il est conseillé d’aller au-delà du doublon d’épisodes formant le pilote. Comme pour l’agent Cooper, le spectateur doit un minimum lutter pour revenir dans l’univers de Twin Peaks, et à nouveau comme ce bon vieil agent, il devra retrouver ses marques dans ce monde qui a vieilli et subi bien des changements (évolutions technologiques, ravages économiques, etcetera). Twin Peaks The Return, appel à la transmission, revient dans des éditions DVD et Blu-ray formidablement soignées. Rien à redire concernant les rendus visuel et sonore du show protéiforme, notons par ailleurs que les quatre premiers épisodes sont visionnables de façon couplée comme ils le furent lors de leur diffusion originale. Enfin les bonus qui accompagnent les épisodes raviront les fans, des formidables éléments de making-of aux extraits plus « promotionnels » tout de même intéressants, on pense notamment aux trois courts-métrages sur le phénomène Twin Peaks.
Bande-annonce – Twin Peaks The Return en Blu-ray & DVD
CARACTÉRISTIQUES DU COFFRET Blu-ray :
– 7 Blu-ray contenant les 18 épisodes de la saison, et plus de 6h30 de bonus dont 1h30 de bonus exclusifs Blu-ray
– Image : 1.78:1 Widescreen ; Langues : Anglais 5.1 Dolby TrueHD / Français, Allemand, Italien, Japonais, Espagnol 5.1 Dolby Digital ; Sous-titres : Anglais pour sourds et malentendants, Français, Allemand, Italien, Japonais, Espagnol, Néerlandais, Norvégien, Suédois, Finnois, Danois ; Durée : 1035 min env.
– Durée totale Bonus : 390 mn dont 90 mn de bonus exclusifs Blu-ray ; Langues : Anglais 2.0 Dolby Digital ; Sous-titres : Anglais pour sourds et malentendants, Français, Allemand, Italien, Japonais, Espagnol, Néerlandais, Norvégien, Suédois, Finnois, Danois
– Bonus : Les 4 premiers épisodes à visionner séparément ou couplés, comme lors de la diffusion originale / 7 extraits promotionnels produits par David Lynch / Un documentaire sur le phénomène Twin Peaks / Twin Peaks au Comic-Con 2017
– Bonus exclusifs Blu-ray™ : Le making-of des débuts du tournage – Un rêve très agréable : une semaine à Twin Peaks / 2 films tournés par Richard Beymer sur le plateau de tournage
Prix du coffret Blu-ray : 49,99 €
CARACTÉRISTIQUES DU COFFRET DVD :
– 9 DVD contenant les 18 épisodes de la série, et plus de 6h de bonus exclusifs
– Image : 1.78:1 Widescreen ; Langues : Anglais, Français, Allemand, 5.1 Surround / Italien, Espagnol 2.0 Surround ; Sous-titres : Anglais pour sourds et malentendants, Français, Allemand, Italien, Espagnol, Néerlandais, Norvégien, Suédois, Finnois, Danois ; Durée : 992 min env.
– Durée totale Bonus : 360 mn ; Langues : Anglais 2.0 Dolby Digital ; Sous-titres : Anglais pour sourds et malentendants, Français, Allemand, Italien, Espagnol, Néerlandais, Norvégien, Suédois, Finnois, Danois
Prix du coffret DVD : 39,99 €