Hommage à Carl Reiner, acteur (Ocean’s Eleven), cinéaste (Un vrai schnock) et producteur (The Dick Van Dick Show) récemment décédé, avec un retour sur l’un de ses meilleurs films, Les Cadavres ne portent pas de costard, dans lequel Steve Martin interprète un détective privé allumé, pris dans un complot l’amenant à croiser Humphrey Bogart, Burt Lancaster ou encore Ingrid Bergman.
Synopsis : Le détective privé Rigby Reardon reçoit un jour une superbe créature qui le charge de retrouver son père, un savant fabricant de fromages qui a mystérieusement disparu. Pour les besoins de son enquête, Rigby nous entraîne alors dans le dédale des films noirs américains des années quarante… et rencontre, en chair et en os, les héros de ces films…
Carl Reiner et Les Cadavres ne portent pas de costard : le grand détournement
Les plus jeunes l’ont découvert dans la trilogie Ocean ou encore dans Mon Oncle Charlie. D’autres ont gouté à son travail de cinéaste avec Fatal Instinct, parodie du Basic Instinct de Verhoeven, L’Homme aux deux cerveaux et Un vrai schnock, l’un des grands fleurons de la Dumb Comedy. Enfin, les plus anciens et anglophones l’ont peut-être d’abord connu en tant que producteur du Dick Van Dick Show et créateur/acteur du 2000 Year Old Man en compagnie d’un ami et géant comique, Mel Brooks. Récemment décédé à l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans, Carl Reiner compte parmi les rares qui ont su traverser le temps tout en continuant à toucher plusieurs générations de spectateurs.
Avec Les Cadavres ne portent pas de costard (1982), le bonhomme réalise un film multigénérationnel. Reiner nous emmène dans un film à l’imagerie noir des années trente, quarante et cinquante, pour nous titiller l’imaginaire et la mémoire avec l’usage détourné de séquences de grands films du genre de ces décennies excellemment intégrées à ses prises de vues. Assurance sur la mort, Soupçons, Le Grand Sommeil… La sélection de Reiner et de son équipe a de quoi illuminer les souvenirs et les yeux des cinéphiles tout en les surprenant par leur intégration dans le récit de suspense et de comédie mené par le cinéaste. Grâce à l’emploi de brillants techniciens ayant notamment travaillé sur certains des films détournés (Edith Head aux costumes, John DeCuir à la direction artistique, Miklos Rozsa à la musique), le réalisateur-scénariste-acteur réussit à uniformiser son univers visuel aux sources hétérogènes tout en l’ancrant parfaitement dans l’imagerie du genre. On pourra cependant noter que certains extraits se distinguent fortement des prises de vues modernes faute d’un manque de considération pour la conservation et la restauration des copies, deux notions-actions loin d’être envisagées et entreprises au moment du tournage.
Carl Reiner et Steve Martin – duo qu’on retrouvera quatre films dont Un vieux schnock et L’homme aux deux cerveaux – vont aussi comprendre le genre du point de vue de l’écriture au point de proposer un humour qui peut paraitre joyeusement absurde mais qui se trouve en réalité loin d’être en décalage avec les codes du genre. La succion de balles renvoie à la censure de l’époque et à l’usage de la métaphore pour évoquer la sexualité des protagonistes (coucou La Mort aux Trousses et le train qui entre dans le tunnel). Les petits mots de Marlowe qui tiennent du petit guide moral de détective se jouent des choix difficiles des héros face à l’évidence émotionnelle de leurs relations. Ce travail de comédie permet à Reiner de proposer un comique formidablement croisé avec l’ADN du film noir et ce, sans jamais regarder le genre qu’il travaille de haut, forme d’arrogance créative (coucou Rian Johnson et À couteaux tirés). Avec l’humour efficace au premier degré comme au deuxième, Les Cadavres ne portent pas de costard réussit à investir le spectateur dans un spectacle de détournement inédit, à l’inverse de la Dialectique peut-elle casser des briques ? (1973) qui mêle extraits de films de kung-fu avec un re-doublage absurde des séquences. On peut enfin poser aisément une fausse question tant la réponse semble évidente : Les Cadavres ne portent pas de costard n’aurait-il pas inspiré un certain Robert Zemeckis pour Qui veut la peau de Roger Rabbit ?
Extrait avec Ray Milland – Les Cadavres ne portent pas de costard
Blu-ray Noir
L’édition Blu-ray des Cadavres ne portent pas de costard est intéressante en termes de bonus mais critiquable concernant le master video et son traitement. En effet, à l’inverse des éditions étrangères, Elephant Films fournit ici deux compléments en plus de la traditionnelle présence de la bande-annonce ici présentée dans une qualité moyenne faute du matériel obtenu par l’éditeur. On trouve d’abord un excellent entretien avec Carl Reiner, un bonus exclusif propre à l’éditeur d’une durée de dix-huit minutes. Le cinéaste-acteur-producteur revient sur son lien avec la France, la conception des Cadavres ne portent pas de costard (de la recherche documentaire à l’élaboration de l’homogénéité entre les archives et ses prises de vues), son envie de jouer l’officer nazi Von Kluck, et sur Steve Martin et son sens comique. On retrouve ensuite le duo Julien Comelli/Erwan Le Gac, habitué des éditions Elephant Films. Les deux proposent à nouveau un nouveau document stylisé mettant en scène le premier dans une ambiance de film noir avant de le poser face caméra pour son retour sur la carrière de Carl Reiner (jusqu’à la fin de son duo avec Steve Martin) et le film de détournement. Si l’on pouvait les considérer comme un peu plus posés niveau stylisation et mise en scène kitsch, il n’en est finalement pas le cas. D’une durée d’environ vingt minutes, vous pouvez retirer trois à quatre minutes pour l’introduction et un clip musical final uber-stylisé de deux bonnes minutes qui n’a franchement pas sa place ici. Pire, si vous êtes patients et tenez jusqu’à la fin, une mention « bonus caché » se révèle. Cliquez dessus et vous aurez plus ou moins le même clip en couleur…
Concernant le master vidéo du métrage, on note de prime abord une forte compression du film présenté non pas sur un disque Blu-ray double couche de cinquante giga octets mais un disque simple couche de vingt-cinq go. Si l’apport HD est notable, on regrettera ainsi la compression trop importante du film qui peut notamment se traduire par un manque de soin pour réduire l’hétérogénéité entre les prises de vue de Reiner et les archives filmiques tendant à être plus ou moins granuleuses et parfois instables. On note aussi un manque de régularité dans la présentation des plans tournés en 1982 avec une gestion du grain et des formes qui semble être altérée artificiellement à plusieurs moments. Cela est peut-être dû à l’usage d’un filtre de renforcement des détails et contours. Du côté du son, on trouve peu à redire, même du côté de la VF dont les voix écrasent et dominent le spectre d’effets sonores de façon moins abrupte que d’habitude.
On souhaite au métrage de Reiner une meilleure édition, notamment en termes de master video. En attendant, cette édition Blu-ray constitue actuellement la meilleure façon de redécouvrir Les Cadavres ne portent pas de costard et de poursuivre son expérience avec d’excellents compléments exclusifs.
Bande-annonce – Les Cadavres ne portent pas de costard (1982)
CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES Blu-ray
BD-25 – 1080p HD – 1.85 :1 – 16/9 – Noir & Blanc – Mpeg-4 – AVC – Master Audio DTS-HD 2.0 (mono) Français & Anglais – Sous-titres anglais – Durée : 88 minutes – Genre : comédie policière – États-Unis – 1982
COMPLÉMENTS
Bande-annonce originale (2 min – 1080i – Qualité vidéo faible)
Bandes-annonces : dans la même collection
Entretien exclusif avec Carl Reiner (18 min – 1080p)
Cadavre Exquis : documentaire/entretien par Julien Comelli et Erwan Le Gac (20 min – 1080i)
Bonus caché (2 min)
Sortie le 25 février 2020 – Prix indicatif public : 19,99€