Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal de Steven Spielberg : A la poursuite du fond vert

18 mai 2008. La Croisette est en effervescence avant la projection du tant attendu Indiana Jones et le Royaume de Crâne de Cristal. Près de 20 ans après sa dernière aventure, l’aventurier créé par George Lucas et Steven Spielberg s’apprête à claquer du fouet de nouveau. Pourtant, ce même fouet lui revient très vite dans la poire passée la projection. Et si le film cartonne à sa sortie quelques jours plus tard, en 10 ans, le désamour de ce quatrième volet n’a fait que se renforcer. Pourquoi ? 

Avant d’aller plus loin, l’auteur de ses lignes se doit de faire une confession. A sa sortie, il a A-DO-RE Indiana Jones 4. Ce, au point de le voir quatre fois au cinéma, bondissant de plaisir de voir enfin un Indiana Jones sur grand écran. Bercé par la nostalgie de sa saga de chevet, conforté dans son illusion préfabriquée d’aimer, il ne reverra cependant (et étonnamment) pas le film avant 2015. La suite ressemble peu ou prou à la fin de l’Empire Contre-Attaque, votre fidèle serviteur lâchant un déchirant « Non, ce n’est pas possible » devant le revisionnage de la chose.

Car quiconque se confronte à Indiana Jones 4 s’aperçoit que le film ne fonctionne pas. Il n’est pas qu’un mauvais Indiana, même pas simplement un des pires Spielberg, c’est un mauvais film tout court. En premier lieu par un scénario prétexte, tellement écrit et réécrit au fil des ans qu’il en devient inepte et aseptisé. S’il coche déjà mollement toutes les cases du programme attendu d’un Indy, Koepp empile en sus des dialogues de maternelle et des fausses péripéties au kilomètre. Il n’y a qu’a voir l’interminable passage au Pérou, avec ses trois minutes d’affrontement contre…contre quoi d’ailleurs…pour se rendre compte du désastre de construction.

Harrison-Ford-Karen-Allen-Shia-LaBeouf-Indiana-Jones-et-le-Royaume-du-Crane-de-CristalEn second lieu, la distribution qui voit ce pauvre Harrison Ford donner franchement de sa personne pour au final perdre de sa superbe. Jones s’avère ici une espèce de baltringue, qui tombe avec panache plus qu’il ne maitrise son environnement. Un héros malgré lui, compensant la dextérité par la chance, loin de l’icône d’antan. C’est probablement un point de vue étant donné l’âge avancé du personnage, mais on se serait bien gardé de voir Indy (mais est-ce vraiment lui ?) transformé en personnage de cartoon. La pauvre Karen Allen est là pour le clin d’œil référentiel, John Hurt patauge, Cate Blanchett cabotine, Ray Winstone retourne sa veste 30 fois et Shia Labeouf…

Pour anecdote, à cette époque, Shia Labeouf est la star montante d’Hollywood et de Paramount suite au carton de Transformers. C’est Steven Spielberg, producteur de cette franchise, qui engage Labeouf pour Indy 4 et ce dernier signe sans même lire le script ! Au-delà d’être peu convaincant, et d’offrir une séquence mémorable de Tarzan rockabilly, l’acteur aura plus tard l’indélicatesse de se désolidariser du film (qu’il n’avait même pas lu donc). Ce que Spielberg ne lui pardonnera pas.

Et enfin, il y a justement ce pauvre Spielberg, en panne d’inspiration qui se contente de filmer le script soporifique entre ses mains. Aucune image forte, aucune trouvaille géniale, aucun moment de grâce. Juste un mec qui filme presque anonymement, avec un peu de métier mais sans génie, envie ni rythme, le nouvel épisode d’une saga qu’il a immortalisée. Et c’est sûrement ça le plus triste.

Depuis sa sortie, l’énumération des nombreux défauts de ce quatrième Indiana Jones n’en finit plus d’alimenter articles, commentaires et vidéos même parfois éloignés du médium cinéma. Comme tout le monde s’est a peu près mis d’accord sur les choses n’allant pas, autant les prendre une par une pour déplier chaque symptôme du cas Indiana Jones 4. Voulez-vous ?

Les marmottes en CGI et donc les CGI.

C’est probablement ce qui saute le plus aux yeux, l’essence matérielle et physique de la saga d’aventure est absente. Le recours à des fonds verts est systématique, comme dans la prélogie Star Wars, donnant une artificialité totale au résultat. Rarement un film de Spielberg aura été aussi laid, y compris dans la hideuse photographie lavasse et saturée (marque de fabrique des années 2000) du pourtant excellent Janusz Kaminski. Un fatras de pixels mal détourés, caché misérablement par deux fougères en plastique ou un décor de temple en carton-pâte. Fini vraisemblablement trop vite pour sa présentation à Cannes, Indiana Jones 4 use et abuse de l’image de synthèse jusqu’à l’indigestion et ruine toute l’identité d’une saga jusqu’ici irréprochable dans sa fabrication. Il n’y a qu’à voir l‘affreuse course en pleine jungle pour s’apercevoir que les promesses initiales d’un film d’artisan à l’ancienne sont laissées sur le bas-côté.

Le problème va même plus loin puisque c’est tout l’univers et les personnages qui se retrouvent piégés entre les quatre murs du digital, cloisonnant paradoxalement tout l’esprit d’aventure, d’évasion et de dépaysement de la trilogie originelle. Et même quand le décor est construit, il participe d‘un même effet d’emprisonnement. Prenons pour exemple le passage au Pérou où l’environnement se résume à une rue, une cellule, un cimetière et dix figurants en poncho. Pas étonnant du coup que les acteurs soient tous si mauvais, le pauvre John Hurt en tête, quand ils ne peuvent se mouvoir que sur 5m² d’espace de jeu avec parfois un fond bleu pour seule ligne d’horizon.

Indiana Jones survit à une explosion nucléaire en se réfugiant dans un frigo.

Pour être un temps l’avocat du diable, on parle tout de même d’une saga où le héros fait une traversée à dos de sous-marin sous l’eau et où sauter d’un avion en canot de sauvetage permet de glisser jusque en bas d’une montagne. Alors bon, pointer du doigt la crédibilité de l’épisode du frigo…

Néanmoins, le côté over the top de l’action dans cet épisode est effectivement un tantinet problématique. Car la suspension d’incrédulité n’a pas une élasticité infinie et Indiana Jones 4 va très très loin dans son quota de situations invraisemblables. De l’ouverture dans la Zone 51 à la course poursuite en pleine jungle, de la traversée Tarzan à la confrontation aux fourmis rouges, des trois chutes de cascade au temple maya,…. Non seulement l’action en vient à ne plus s’interrompre dans la deuxième partie du métrage (sans que ce faux rythme soutenu n’empêche le film d’être chiant) mais en plus elle ne produit aucun effet car insensée et jetant ses pauvres poupées de chair dans des péripéties digitalisées auxquelles nous ne croyons pas.

Pour être dans un second temps l’avocat du diable, Spielberg et Lucas paient ici très cher une certaine audace. Leur envie d’aller plus loin, plus fort dans l’action et d’utiliser le numérique pour se le permettre est une louable envie de cinéaste. Mais elle intervient au bout d’une époque et d’un dispositif. Trop tard pour l’ancien temps, trop tôt pour le nouveau. En cela, si Indy 4 avait vu le jour en motion capture ou en animation, nous jugerions très probablement qu’il est un meilleur film. Il n’y a qu’à prendre pour preuve Tintin, réalisé 3 ans plus tard en motion capture et dont le spectaculaire ampoulé est justement l’une des forces. Précisément parce qu’en l’absence de référent humain, il se préserve des inadéquations entre réel et numérique et fait ainsi adhérer pleinement le spectateur à l’imagination débridée de son créateur.

Probablement à t’il donc fallu à Spielberg Indy 4 comme brouillon suicidaire et expérimental. Jetant ainsi ses dernières cartouches dans la marque Indy, quitte à en ruiner le mythe, pour pouvoir atteindre les limites et passer sereinement à autre chose. Soit ressusciter, en une boucle vertigineuse et sur un médium nouveau, l‘inspiration première de sa saga. Et créer de facto le véritable Indiana Jones 4 : Tintin.

En cela, Indy 4 est un film affreux mais probablement fondateur dans l’évolution de la carrière de Spielberg. Tintin, Le BGG et Ready Player One en tête.

Indiana-Jones-et-le-Royaume-du-Crane-de-Cristal-film-Cate-Blanchett-reviewIndiana Jones a un fils horripilant

Spielberg, et Lucas, ont toujours eu un certain flair pour l’époque. Et il est étonnant de constater l’oubli progressif des médias d’Indy 4 comme fer de lance de l’époque en devenir. Car finalement, depuis 10 ans, tous les reboots, legacyquels et revivals qu’on nous enfile dans le gosier SONT des Indy 4. Tous (ou presque) se fondent sur ce même principe lourdaud et gonflant des questions de parentalité, de paternité et d’héritage.

En cela, précurseur, le duo Lucas-Spielberg ouvre la voie à des dizaines d’œuvres se calquant sur cette affreuse idée qu’une suite tardive se doit forcément, directement ou indirectement, de mettre en scène une descendance. Avec la (fausse) envie de créer du nouveau mais en glorifiant l’ancien au point de n’évoluer que dans l’ombre du modèle. Ce quand tous les récits mythologiques ne parlent que d’une chose : Tuer le père pour accéder à sa liberté.

Ironique quand on sait que la franchise voulait initialement prendre Shia Labeouf comme héros d’éventuelles suites, ce que le dernier plan du film nie complètement pour ne pas hérisser les fans. Joli moment de courage. Cette approche père-fils est d’autant plus fatale qu‘elle était déjà et bien mieux exploitée dans La Dernière Croisade. Notons d’ailleurs le caméo de Sean Connery en photo de tournage sous verre dans Indy 4 (sic).

Pour le pire, Indiana Jones 4 donne donc la tendance de notre époque nostalgique et déférente, incapable de créer ses propres mythes. Et si la tendance commence à positivement s’inverser, tordant et distordant les idoles pour créer du neuf (au point de s’attirer les foudres de cette étrange espèce qu’est le fan), le film « fils à papa », lui, est loin d’être mort. Entretenu d’ailleurs par ce même fan égocentré bloqué au stade anal.

Y’a des extraterrestres ! C’est n’importe quoi !

Si le film est très, très loin d’être bon, c’est probablement l’argument à charge le plus stupide à faire à son sujet. Non, les extraterrestres ne sont pas là pour satisfaire un Spielberg obsédé par le sujet (loin de là). Non, ils n’arrivent pas comme un cheveu sur la soupe. Non, leur arrivée ne trahit pas l’esprit d’Indiana Jones.

Tout simplement parce que l’intrigue d‘Indy 4 (pensée par George Lucas) prend place 20 ans après La Dernière Croisade, dans les années 50 et 60. Contextuellement inscrit en pleine Guerre Froide, le film à donc raison de changer d’ennemi (Le Soviétique remplaçant le Nazi) tout comme de dépeindre une Amérique très American Graffiti. Il se replace dans le contexte culturel de l’époque dépeinte et se nourrit de ses archétypes comme la trilogie originelle le faisait des années 30-40. En cela, l’évocation du nucléaire, s’il elle n’est pas essentielle, est logique. Tout comme la présence des extraterrestres.

Indiana Jones suit l’évolution de la pop-culture américaine. Là où les serials d’aventure et de guerre étaient les succès d’antan, l’époque est désormais à la science-fiction. Voir Indiana Jones confronté aux extraterrestres est une évolution logique du mantra pop de la saga et le script très mauvais de David Koepp a au moins pour lui de bien connecter son histoire à cette orientation. Ce, en liant ce postulat SF aux théories selon lesquelles les Mayas et les Incas auraient eu des liens avec des êtres venus d’ailleurs (l’architecture d’une technologie avancée, les Nascas,…).

Après, vue l’ineptie des péripéties, des situations et des dialogues, on peut comprendre que les extraterrestres (annoncés dès l’ouverture, rappelons-le) soient la cerise gatée sur le gateau rance pour beaucoup. Mais ils ne sont pas un caprice de Spielberg entachant la saga.

Pour tout dire, et de l’aveu même d‘un cinéaste conscient de son échec, la présence des extraterrestres était le principal point de discorde entre lui et George Lucas concernant Indy 4. Spielberg contestant cette idée, ne l’aimant pas mais Lucas s’y accrochant puisque c’était le nouvel angle de la saga. Élégant, Spielberg dira avoir été loyal envers son meilleur ami, se contentant de faire le film sans remettre en question le créateur sur sa manière de piloter la saga.

Et c’est probablement là que se trouve la conclusion à la triste histoire d’Indiana Jones 4, on pense à tort que la paternité d‘Indy est due à Spielberg. Or, c’est bel et bien George Lucas qui a créé et inventé la franchise, c‘est lui qui a donné la direction de la saga, Spielberg n’étant que son brillant exécutant. Comme pour Star Wars, qu’on le veuille ou non, Lucas est le maître d’œuvre de cette création. Ce, pour l’emmener vers les cimes ou la précipiter dans le ravin.

A l’image de sa prélogie Star Wars, c‘est un George Lucas non remis en question par ses collaborateurs (y compris le maître Spielberg) qui a chapeauté Indy 4. Ce avec le même résultat : une destruction du mythe, un film ni fait, ni a faire et un déluge de mauvais SFX. Le public Cannois ne s’y est d’ailleurs pas trompé quand, lors du générique de fin, un homme interpella Lucas à haute voix en lui demandant « d’arrêter de nous faire du mal ». S’il a sa part de responsabilités, ce n’est pas Spielberg qu’on accuse d’avoir cassé le jouet.

Malgré son immense succès au box-office, Indy 4 reste un souvenir assez douloureux pour les amoureux du cinoche 80’s. Et devant tous les commentaires négatifs à son sujet, y compris de la part de ses propres instigateurs, on pouvait raisonnablement douter d’un potentiel Indy 5.

Pourtant, comme frappé d’amnésie, le public le réclame et l’attend de pied ferme. Bien aidé, il faut dire, par les rebondissements des dernières années (rachat de Lucasfilm, implication de Spielberg et Ford,…) qui ont rendu la chose possible au point que le tournage vient d’être annoncé pour avril 2019. Aussi incongru soit-il, le retour d’Indy dans les salles est donc imminent. Fera-t’il amende honorable en offrant un baroud d’honneur au Pr Jones ? Ou bien sera-t‘il le dernier clou dans le cercueil de la franchise ?

A mon sens, mieux vaut parfois qu’un trésor devienne une relique.

Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal : Bande-annonce

Synopsis : La nouvelle aventure d’Indiana Jones débute dans un désert du sud-ouest des Etats-Unis. Nous sommes en 1957, en pleine Guerre Froide. Indy et son copain Mac viennent tout juste d’échapper à une bande d’agents soviétiques à la recherche d’une mystérieuse relique surgie du fond des temps. De retour au Marshall College, le Professeur Jones apprend une très mauvaise nouvelle : ses récentes activités l’ont rendu suspect aux yeux du gouvernement américain. Le doyen Stanforth, qui est aussi un proche ami, se voit contraint de le licencier. A la sortie de la ville, Indiana fait la connaissance d’un jeune motard rebelle, Mutt, qui lui fait une proposition inattendue. En échange de son aide, il le mettra sur la piste du Crâne de Cristal d’Akator, relique mystérieuse qui suscite depuis des siècles autant de fascination que de craintes. Ce serait à coup sûr la plus belle trouvaille de l’histoire de l’archéologie. Indy et Mutt font route vers le Pérou, terre de mystères et de superstitions, où tant d’explorateurs ont trouvé la mort ou sombré dans la folie, à la recherche d’hypothétiques et insaisissables trésors. Mais ils réalisent très vite qu’ils ne sont pas seuls dans leur quête : les agents soviétiques sont eux aussi à la recherche du Crâne de Cristal, car il est dit que celui qui possède le Crâne et en déchiffre les énigmes s’assure du même coup le contrôle absolu de l’univers. Le chef de cette bande est la cruelle et somptueuse Irina Spalko. Indy n’aura jamais d’ennemie plus implacable… Indy et Mutt réuissiront-ils à semer leurs poursuivants, à déjouer les pièges de leurs faux amis et surtout à éviter que le Crâne de Cristal ne tombe entre les mains avides d’Irina et ses sinistres sbires ?

Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal : Fiche Technique

Titre original : Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull
Réalisateur : Steven Spielberg
Distribution : Harrison Ford, Shia LaBeouf, Karen Allen, Cate Blanchett, John Hurt, Ray Winstone…
Scénario : George Lucas, David Koepp, Philip Kaufmand’après une histoire de George Lucas et Jeff Nathanson
Costumes : Mary Zophres
Photographie : Janusz Kamiński
Montage : Michael Kahn
Producteur(s) : Frank Marshall, George Lucas
Box-office : 786,6 millions USD
Bande originale : John Williams
Distributeur : Paramount Pictures France
Genres : Aventure, fantastique, science-fiction
Durée : 123 minutes
Date de sortie : 21 mai 2008 (France)

États-Unis – 2008