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L’Étrange Festival, du sadisme à l’émerveillement

Pour ce troisième jour de l’Étrange Festival, le sadisme et l’humour noir fait légèrement place à un émerveillement jovial :

Christophe Deroo, jeune cinéaste français, signe avec Sam Was Here (renommé Nemesis en VF) un premier long métrage qui s’avère être une très bonne surprise. Plongée anxiogène dans une Amérique isolée et hostile où toute échappatoire semble impossible, où l’homme est désœuvré face à sa propre ignorance et sa solitude. Le récit prend vite les contours d’un mystère lovecraftien qui aurait pu être évadé d’un épisode de La Quatrième dimension et qui serait servi par une mise en scène posée et sèche que ne renierait pas un Quentin Dupieux. Un homme se perd dans une zone où il n’y a pas âme qui vive et se retrouve à être pris dans une situation pour le moins étrange. Au début, le cinéaste pose les ficelles de son intrigue avec beaucoup de lourdeurs avant que le tout décolle dans une deuxième partie tendue, au sadisme malaisant et au mystère insondable. L’oeuvre est une réflexion fascinante sur la désinformation des gens et sur le besoin de se faire justice, trouvant parfaitement écho avec la société actuelle, surtout pour les Etats-Unis, évoquant ici la peur et la haine envers l’étranger. Parfois autiste dans l’utilisation de ses symboles, certains sont assez compliqués à déchiffrer, le film n’en reste pas moins un divertissement qui nous prend à la gorge et qui offre de bonnes montées d’adrénaline. Tourné en à peine 12 jours, Sam Was Here apparaît comme un tour de force impressionnant, parfois un peu attendu mais toujours fascinant, dont la fin n’est pas prête de laisser le spectateur tranquille. Sans parler de la musique du groupe Christine qui est un vrai régal.

Avec Interchange, Dain Iskandar Said s’essaye au polar surnaturel mais le fait sans grand talent. Même si le film n’est pas mauvais, grâce à une mythologie intéressante qui parvient à avoir de jolis moments de poésie sur sa fin, il peine à trouver son rythme et à embarquer son spectateur. On est dans une approche assez similaire avec ce que l’on a pu voir dans The Strangers cette année, mais de manière beaucoup plus molle et moins audacieuse. Dain Iskandar Said ne prend que très peu de risques avec son oeuvre qui reste dans les clichés du genre que ce soit dans l’écriture ou dans le visuel. On regarde le long métrage défiler devant nos yeux sans trop s’y impliquer et avec un ennui poli, le tout étant au final assez insignifiant.

Alejandro Jodorowsky signe la deuxième partie de sa trilogie autobiographique avec Poesía Sin Fin, et offre un opus enjoué et merveilleux qui pousse à l’émerveillement. C’est une oeuvre qui a pour vocation de faire du bien à l’âme, et elle le fait à la perfection. Que cela passe par la mise en scène, libre et virtuose, la sincérité avec laquelle Jodorowsky aborde sa propre vie ou la manière dont ses enfants reprennent son rôle ou celui de son père avec beaucoup de justesse, tout est d’une beauté et d’une poésie qui bouleversent. Surtout que Alejandro Jodorowsky ne tombe pas dans l’auto-suffisance ou l’élitisme à travers son portrait, il impose un façon de penser libre mais ne prend pas son public de haut, au contraire il lui parle comme à un confident pour lui transmettre son expérience et sa joie de vivre, le besoin de faire le point sur son existence après toutes ces années de vécu. Un très beau film dont voici une critique plus complète.

Baby Bump est un film qui ose beaucoup mais qui ne réussi que très peu. Le film de Kuba Czekaj à la bonne idée de traiter le malaise adolescent comme un chaos incessant mais il ne possède pas assez de maîtrise pour arriver à en faire quelque chose d’universel et qui parlera à son public. L’oeuvre est trop précieuse, trop ancrée dans son délire pour arriver à être vraiment drôle ou à être pertinente avec son sujet. Même si l’envie de déconstruire le complexe d’œdipe est plus qu’intéressante, la répétition des scènes et l’aspect très brouillon dans la construction empêche de pleinement s’y impliquer  et plonge dans un ennui profond. Le casting travaille dur pour nous faire croire à ce récit, et il se montre particulièrement convaincant mais malheureusement il n’arrive pas à être plus fort que la vision bien trop excentrique du cinéaste sur son sujet. Même si cela permet d’avoir au final une originalité constante, on a aussi un film qui déborde de maladresses et qui est incapable d’être précis dans ce qu’il touche, voulant trop être intello alors qu’il devrait être plus sensitif. En plus, il tombe dans des artifices de narration bancals avec cette voix-off omniprésente et bien trop lourde quand a son utilitée. Baby Bump à donc tous les défauts d’un premier film avec sa volonté de trop s’éparpiller et couplé avec la vision très excentrique de Kuba Czekaj, il en devient trop perché et indigeste.

Rédacteur LeMagduCiné