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Interview de Salim Shaheen, l’acteur-réalisateur-producteur star en Afganistan

Si vous n’êtes pas Afghans ou que vous n’avez pas vu l’excellent Nothingwood, une question se pose : Salim Shaheen, c’est qui ? C’est Steven Seagal, c’est Uwe Böll, c’est Alain Delon, c’est  Irving Thalberg, c’est Jean-Pierre Mocky, c’est Borat, c’est Gérard Depardieu, c’est Ed Wood… c’est un peu tout ça à la fois. Autant dire qu’on avait hâte de le rencontrer !

Après la standing-ovation qu’il a reçu lors de la présentation cannoise de Nothingwood, Salim Shaheen est aussitôt devenu la star dont tout le monde parlait sur la Croisette. Deux semaines plus tard, alors que le documentaire de Sonia Kronlund est présenté à Paris, c’est dans un bar de la capitale que nous le rencontrons enfin, au côté de son acteur fétiche, et souffre-douleur, Qurban Ali, dit « la cousine » du nom du personnage qui l’a rendu célèbre dans un one-man-show. Bien qu’il n’ait rien perdu de son célèbre bagout et moins encore de l’ego surdimensionné qui le caractérisent, c’est un homme au regard un peu morose que nous avons retrouvé. Nous n’avons pas tardé à comprendre pourquoi.

Bonjour Salim. J’ai découvert le documentaire de Sonia, et donc ta carrière, à Cannes, mais pour ceux qui n’auraient pas encore eu cette chance, est-ce que tu veux bien te présenter en quelques mots?

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Un saltimbanque toujours prêt à faire le clown!

Salim Shaheen : Je travaille en Afghanistan, où, comme vous le savez, la situation est compliquée, et malgré cela j’ai réussi à réaliser plus de 110 films depuis 38 ans! On n’oublie pas qu’en Afghanistan il y a la guerre mais on veut montrer au monde qu’il y a aussi de beaux paysages, des gens biens et surtout que ça reste un pays de culture.

Et justement, avec toutes les guerres et les oppressions qu’a connu l’Afghanistan pendant ces années, comment est-ce que tu as pu y imposer le cinéma comme une arme politique tout en restant fidèle à toi-même et à tes idéaux et sans avoir trop de problèmes?

Salim Shaheen : Des problèmes, on en a eus sur les tournages, et ça, la presse du monde entier en a parlé (il fait référence au bombardement du tournage d’un film qui devint un symbole local de résistance puisque ledit film fut terminé par les techniciens blessés et les acteurs en béquilles. NdR) ! Le plus important, ça reste notre amour du cinéma. On prend ça comme un devoir moral de faire rayonner notre passion commune en Afghanistan et dans le monde entier !

Comment est-ce que tu réussis toujours à assurer le divertissement et la sécurité de tes équipes si vos tournages doivent être en partie faits dans la clandestinité ?

Salim Shaheen : Maintenant, je suis le plus célèbre réalisateur d’Afghanistan, plus personne ne me dit non ! Les gens sont même prêts à me payer pour que je vienne tourner dans leur village. Je ne fais plus les tournages dans la rue, à présent tout s’organise à travers ma société Shaheen Film Production.

Et toi, Cousine, est-ce que tu ne trouves pas ça trop difficile de travailler avec Salim dont les coups de gueule sont désormais connus de tous ? Tu dois aimer ça, depuis tout ce temps !

Qurban Ali : Si, ce n’est jamais facile, surtout quand j’oublie mon texte et qu’il s’énerve sur moi. A chaque fois, il estime que suis pourtant assez bon pour tourner dans ses films donc je reviens, ça me fait plaisir. Notre aventure à Cannes m’a bouleversé, je suis heureux de l’avoir vécue avec lui.

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Qurban Ali, en bas à droite… et oui, c’est lui!

Tu serais prêt à partir tenter une carrière ailleurs, peut-être à Hollywood, maintenant qu’on a tous vu ton immense talent ?

Qurban Ali : Je n’y ai jamais pensé, et je ne pense pas sérieusement qu’on m’appellera pour tourner là-bas, mais je suis un artiste qui est prêt à tourner dans tous les films et mon amour du cinéma n’a pas de frontière ! Si on me propose de tourner ici en France, j’accepterai volontiers.

J’ai hâte de voir ça ! Et toi Salim, maintenant ton nouveau défi c’est de revenir à Cannes pour présenter un de tes films ?

Salim Shaheen : Si Dieu le veut, je vous promets que tous les ans j’enverrai au moins un film à sélectionner ! Avant, mes films n’étaient pas destinés à ça, même si j’ai fait certains documentaires qui ont très bien marché à l’étranger et dont j’ai vendu des DVD jusqu’en Inde, mais il y avait des scènes très tristes alors je ne pense pas que ça aurait plu ici. Maintenant que Sonia m’a entrainé dans cet univers-là, c’est devenu mon ambition d’y montrer mon travail, et je suis prêt pour ça à m’adapter aux standards internationaux… ils font combien les films à Cannes ? Une heure ? Une heure et demie ?

Une heure et demie plutôt, et essaie de proposer une de tes tragédies, elle y aura plus de chance que tes comédies musicales ou tes bourre-pifs ! Sinon, j’ai appris que tu n’avais pas pu t’empêcher de tourner des scènes pendant ton séjour à Cannes, est-ce que tu as continué et qu’on pourra voir un film de tes aventures en Europe ?

Salim Shaheen : Là je reviens d’Allemagne, et là-bas je me suis fait voler mon sac, avec mon argent et ma caméra, donc j’ai tout perdu ! Cannes, ça a vraiment été un encouragement pour nous, on a vu qu’il restait des pays où je n’étais pas encore une star, pas au-delà des communautés afghanes en tous cas. Maintenant, j’ai une lourde pression sur mes épaules, je sais que tout le monde m’attend donc je vais redoubler d’efforts et je vous promets que mon prochain film vous le verrez dans le monde entier !

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Pari tenu ? En attendant, la bande-annonce d’un de ses films les plus populaires au pays: 

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