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Lumière 2015: Martin Scorsese ferme le festival avec « Les Affranchis »

Festival Lumière 2015 : Sortie d’Usine et Mafia

C’est par un soleil radieux que je me décide finalement à sortir de chez moi. A peine le temps de prendre un petit croissant, que me voilà déjà dans le métro. Direction l’Institut Lumière, le QG du Festival ou se mêlent joyeusement badauds, professionnels du métier et célébrités, massés autour de la Brocante et de la boutique Officielle. L’endroit, réputé comme étant le lieu de vie des frères Lumière est dès l’ouverture, assailli. Entre simples touristes et festivaliers venus faire leurs emplettes, le lieu est rempli, et malgré l’incommodité de la situation, il est des plus plaisants de voir que le pari de Thierry Frémaux de faire un festival de cinéma pour le peuple, continue de marcher, année après année. Ce-faisant, je me rends en compagnie d’un ami vers la Boutique Officielle.

Un T-Shirt estampillé Martin Scorsese, une affiche du maestro, le catalogue de l’édition et un petit carnet plus tard, me voilà fin prêt à reprendre le métro pour rallier le centre-ville ou ma première séance du samedi est prévue. Mais un évènement cette-fois imprévu, va (heureusement) venir perturber la dynamique bien rodée de ma journée. Sous l’impulsion de mon ami ayant constaté un curieux manège qui se trame dehors, me voilà donc à rebrousser chemin et repartir vers l’Institut. En effet, aux abords du bâtiment se déroule un bien étrange manège avec des hommes  qui condamnent la rue à l’aide de barrières et installent une immense caméra, braquée sur l’entrée de l’édifice. On installe en fait ici tout le matériel qui servira à réaliser une épreuve obligée du Festival : la Sortie d’Usine.

A la base, film des frères Lumières donnant à voir une sortie d’usine, la Sortie d’Usine du Festival est l’occasion pour Thierry Frémaux de montrer au public un spectacle rare : celui de voir la personnalité sacrée s’adonner à son art en supervisant la réalisation de sa version de la Sortie d’Usine. On retrouvera donc Scorsese, vêtu d’un long manteau noir, jouer le chef d’orchestre, et donnant ses ordres à une cadence infernale, à une foule de travailleurs tous issus du milieu. Michèle Laroque, Alain Chabat, Laurent Gerra, Vincent Lacoste, Max Von Sydow, Richard Anconina, Jacques Audiard, Tahar Rahim, Régis Wargnier, Anais Demoustier, Michel Hazanavicius, Bérénice Béjo, la fine fleur du cinéma français est là pour jouer les acteurs face à la caméra de l’un des plus grands metteurs en scène du milieu, qui curieusement aura besoin de 3 prises pour avoir la bonne. martin-scorsese-Fremaux-thierry

Rythme bon enfant, simplicité, le tournage de la séquence est prompt à voir un Scorsese hyperactif courant à droite à gauche, bougeant les bras comme une éolienne. De quoi augurer de l’ambiance déjantée qui a dû régner sur le plateau du Loup de Wall Street, tout ça…  Puis vient le tour de faire entrer le maestro dans la légende. Thierry Frémaux, en gentil organisateur, invite alors tous les badauds et les célébrités à le rejoindre au pied du Mur des Cinéastes, qui recense tous les noms des artistes reconnus par l’Institut. La plaque au nom du metteur en scène fraichement posée et cachée par un mince tissu rouge est finalement tirée par Scorsese monté pour l’occasion sur un petit escabeau, dans un moment montrant une fois de plus toute la modestie de cet homme, qui selon lui, ne mérite pas tout cet éloge.

A peine le temps de le voir monter en voiture,  je me décide à rentrer dans mon quartier profiter d’un repas bien mérité, le tout dans une brasserie ou j’ai mes habitudes. La fourchette dans une main, et le guide de programmation dans l’autre, j’arrête mon choix sur Les Infiltrés diffusé dans une salle exiguë, au CNP Bellecour, fraichement remis en état par l’Institut. Encore un Scorsese, mais qui ne s’est jamais vraiment imposé à mes yeux, rendant donc la perspective de cette séance diablement alléchante, puisque me permettant de me réconcilier avec le film. Voilà que Thierry Frémaux, encore lui, vient présenter le long-métrage en compagnie d’un metteur en scène sud-américain, remarqué à la dernière Mostra de Venise : Pablo Trapero. Première originalité notable : le film sera présenté en format 35MM, impliquant donc une qualité d’image authentique, ou les stries de la pellicule usée rencontrent les gros points noirs, signe de changement de bobine. Captivant d’entrée de jeu, le film vaut surtout pour les performances de ses acteurs, Matt Damon et Leonardo Di Caprio en tête, jouant dans ce dangereux jeu du chat et de la souris, où Mafia et police se livrent une lutte acharnée. Prenant, drôle, mélancolique, mais surtout grisant, le film est un ravissement total, et suffit pour égayer la fin de ma soirée, qui me verra prendre le dernier métro pour rentrer chez moi, déjà impatient de la journée du dimanche.

Jour 7 : Gangster, macaroni et cocaïne.

Et quel dimanche ! A peine réveillé après une nuit des plus courtes, me voilà déjà dans le métro à rallier la Halle Tony Garnier, que j’avais déjà arpentée pour la cérémonie d’Ouverture. L’objectif : avoir les meilleures places possibles pour la cérémonie de Clôture du Festival, qui verra Scorsese présenter à une salle comble, sans doute l’élément le plus culte de sa filmographie : Les Affranchis. Presque 3h d’attente plus tard et c’est finalement à mon tour d’entrer dans la salle. Vite, vite, vite, je trouve une place et me voilà au deuxième rang. La mission est accomplie si je puis dire. Ne reste donc qu’à attendre le début des festivités, qui commenceront de la manière habituelle par l’entrée des stars sur le tapis rouge. Et à peine le temps de souffler que déjà ça débute. On verra ainsi parmi les premiers, le mythique Max Von Sydow, acteur suédois naturalisé français ayant joué pour Bergman, Spielberg, et qui a enchaîné cette année deux tournages mémorables : celui du prochain Star Wars et de la saison 6 de Game of Thrones.

Puis viennent Alain Chabat, Raphael Personnaz, Michel Hazanavicius, Bérénice Béjo, le réalisateur iranien Abbas Kiarostami, et la protégée de Scorsese, Thelma Schoonamker, sa monteuse attitrée aux 3 Oscars. Et vient le tour du Maître. Sourire jusqu’aux oreilles, voir Scorsese c’est presque voir un enfant dans le corps d’un vieillard. La vivacité, l’entrain, le flot de paroles, tout est jeune, rapide, euphorique, si bien qu’on a du mal à croire que l’homme devant nous a bientôt 73 ans. L’occasion pour lui de se voir récompensé par le Festival, qui a concocté une vidéo d’anthologie montrant un montage de tous ses films, le tout, mâtinée d’une ambiance rock and roll ou les Stones et The Animals se côtoient. Et a peine la vidéo se termine, que le voilà sur scène, tout sourire pour nous donner des anecdotes sur le film. On  apprend ainsi que Les Affranchis a vu le retour de Scorsese sur le sujet du gangstérisme, parce que le scénario s’appliquait à dépeindre un autre aspect de ce monde sous-terrain et violent déjà aperçu dans Taxi Driver et Mean Streets. On apprend aussi que Joe Pesci, a accepté de sortir de sa retraite, à la condition de pouvoir jouer une scène, aujourd’hui mémorable : I’m funny how ?

Pour autant, la présentation demeure brève puisque Scorsese, peu bavard et sans doute conscient du fait que la totalité de la salle connait le film, décide de terminer sur un merci et repart aussitôt. Un tonnerre d’applaudissements plus tard, les lumières s’éteignent et nous plongent dans l’univers de Henry Hill, jeune homme déjà ambitieux et qui fait état de son rêve à devenir un gangster. Le film, qui fête ses 25 ans cette année, n’en demeure pas moins un véritable choc. Montage déjanté, violence exagérée quasi comique, interprétations soignées, difficile d’oublier ce film qui prend le parti d’appuyer ce que le cinéma de Scorsese demeure réellement, à savoir un cinéma de copain/famille. Robert de Niro, les parents de Scorsese et Joe Pesci, tous les habitués de Scorsese sont là et donnent un cachet d’authenticité au film, qui plus est, s’inspire de faits réels. Et dès le générique de fin, malgré l’euphorie de cette fin survoltée,  vient déjà la fin de ce Festival et de cette incroyable expérience que je ne suis pas près d’oublier)

Martin Scorses dévoile sa plaque sur le Mur des Cinéastes au Festival Lumière 2015

Rédacteur LeMagduCiné