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L’Étrange Festival 2019 : au programme Shadow, un film somptueux, et l’horreur avec Monos et Vivarium

Frédéric Perrinot Rédacteur LeMagduCiné

L’Étrange Festival 2019 s’impose toujours plus par sa diversité des genres et des points de vue avec au programme un film d’art martiaux historique avec Shadow, un drame intense sur les enfants terroristes en Amérique du Sud pour Monos et un film d’horreur en pleine banlieue américaine avec Vivarium.

Shadow, Zhang Yimou, 2018 : en compétition internationale

Réalisateur des cultes Hero et Le secret des poignards volants, Zhang Yimou reste dans la continuité de son cinéma avec cette fresque historique aux allures shakespeariennes qui s’impose par son récit trouble et complexe. Par moments peut-être même trop tant le film a tendance à se disperser et multiplier les rebondissements à une vitesse presque ridicule. Notamment dans un dernier tiers un peu trop envahissant dans son exubérance.

Shadow est souvent caractérisé par un too much propre au cinéma asiatique mais dans ses élans de tragédie il a tendance à aller trop loin sans vraiment avoir le temps de s’intéresser aux enjeux dramatiques de tous ses personnages. Sa tension finit donc par tomber un peu à l’eau car on voit toujours où celui-ci veut en venir. Néanmoins de par son intensité et son refus du manichéisme, il arrive à brosser quelques beaux portraits de personnages et s’impose par sa dextérité esthétique. Shadow est sublime, sa photographie monochrome capte à merveille les mouvements lors d’impressionnantes chorégraphies de combats tout comme elle donne des allures fantasmagoriques aux environnements à travers ses sublimes jeux d’ombres et de lumières. Zhang Yimou à tendance à imposer des scènes d’actions invraisemblables mais toujours divertissantes même s’il berce son film dans un faux rythme déstabilisant. Soit il en fait trop, soit pas assez ce qui fait que Shadow ne semble jamais trouver le bon dosage ce qui en fait une œuvre particulièrement imparfaite mais par moments assez grandiose.

Monos, Alejandro Landes, 2019 : en compétition internationale

Avec son sujet compliqué et sensible, Alejandro Landes aurait très facilement pu tomber dans un récit moralisateur ou bien trop embourbé dans le pathos. Heureusement, en misant sur l’abstraction, il signe un récit initiatique troublant avec Monos qui nous place habilement au même niveau que ses protagonistes.

Comme eux, on est perdu dans ce conflit qui reste en toile de fond manipulé par ce que l’on voit et ce qu’on nous dit jusqu’à l’aliénation. Lorsque le film montre l’impact de cette violence sur une jeunesse insouciante, il touche du doigt une saisissante tragédie. On s’attache à ces jeunes tout comme on réprime la violence qui les entoure et les pousse à la folie dans un scénario par moments trop éclaté qui finit par tourner en rond. En jouant la carte de l’abstraction jusqu’au bout, Monos en devient aussi courageux que bien trop froid, empêchant le récit de dépasser le simple exercice de style. Le casting est parfait tout comme la somptueuse réalisation d’Alejandro Landes mais Monos s’embourbe dans ses longueurs et finit par se perdre dans la jungle dans sa deuxième partie stérile et bien trop longue. Monos aurait fait un audacieux et brillant court métrage, mais à force de s’étirer il perd de son impact et nous laisse avec un sentiment plutôt mitigé.

Vivarium, Lorcan Finnegan, 2019 : en compétition internationale

Tenu par deux acteurs talentueux, Imogen Poots et Jesse Eisenberg à l’alchimie évidente, Vivarium est un film d’horreur étonnant et déstabilisant qui hante tel un cauchemar inévitable. Partant d’un concept astucieux, Lorcan Finnegan use habilement de stéréotypes attendus pour raconter une histoire insidieuse sur l’Amérique et l’institution familiale.

Véritable métaphore sur la place de la famille dans une Amérique avilissante et érigée sur des préceptes archaïques, Vivarium est le genre de film à vous soigner de l’envie d’être parent tant la tâche est présentée comme une prison dont on ne s’échappe pas et qui auto-alimente une société carnassière. On travaille, on mange, on dort, on se reproduit dans un cycle infini qui ne mène qu’à la mort et qui enchaîne les générations. De ce constat simple mais terrifiant, Lorcan Finnegan signe un film intelligent et sans concession qui impose un univers factice et oppressant avec une dextérité impressionnante. Son utilisation des parallélismes et des lignes de fuite montre un sens aigu de la mise en scène qui évite les effets trop tapageurs pour une efficacité constante. Vivarium arrive pourtant à imposer un microcosme dont on ne saisit jamais vraiment les rouages mais qui arrive à donner une imagerie assez forte qui marque la rétine. Finnegan éloigne consciencieusement toute explication pour conserver le glauque de son mystère même si parfois il n’évite pas une narration prévisible. Néanmoins, il parvient de partir de stéréotypes et de codes datés pour au final raconter une histoire originale et inventive qui souffle un joli vent de fraîcheur. Surtout que Lorcan Finnegan offre enfin un rôle à la mesure du talent d’Imogen Poots tant elle tient le film sur ses épaules et livre une performance bluffante. Un très beau tour de force.

Et voilà c’est terminé pour le deuxième jour de l’Étrange Festival, Shadow repassera au Forum des Images le 8 septembre à 16h30 tandis que Monos sera de retour le 9 septembre à 17h et Vivarium le 12 septembre à 16h30. 

Rédacteur LeMagduCiné