Tarantino. Encore et toujours. Le natif du Tennessee aura continué à s’acoquiner avec le public lyonnais en donnant de sa voix pour la radio de la ville, quand Buster Keaton, Marcel Carné ou encore Park Chan Wook continuaient de tracer leur chemin dans les salles de la métropole, comme pour mieux faire attendre la venue de la reine du bal : Catherine Deneuve.
On aimerait pouvoir vous parler de quelqu’un d’autre. Vraiment. Mais c’est comme ça : Quentin Tarantino est un trou noir. Il aspire tout dans son sillage et s’accapare toute l’attention. Ajoutez à cela une bonhommie king-size, une aura qui vaut foi dans n’importe quelle congrégation cinéphile et vous obtenez une force cinéphile difficile à mettre à mal. Bref, pas facile d’exister à côté du maître. Et pourtant, Thierry Frémaux, en bon stratège qu’il est, a osé jouer la carte de la contre-programmation dans ce Festival Lumière en offrant au public lyonnais une masterclass à Jean-Loup Dabadie. Scénariste, écrivain, la liste est longue pour désigner toutes les professions qu’a rempli au cours de sa longue carrière ce français, qui s’est notamment illustré chez les plus grands des années 1970, de Claude Sautet, à François Truffaut en passant par Yves Robert. L’occasion parfaite donc de confronter un public lyonnais à une figure méconnue du cinéma français qui lui aura pourtant beaucoup donné, au gré de dialogues ciselés et autres films cultes, notamment Un Eléphant Ça Trompe Énormément. Placée sous le sceau de la bonne humeur, cette longue discussion aura aussi vu Dabadie se mêler avec l’un de ses fidèles comparses, l’humoriste Guy Bedos, déjà à l’œuvre du film susvisé et qui n’aura pas manqué de saluer le geste de Thierry Frémaux, que celui de raviver au goût du jour des classiques dans une ambiance amicale et détendue.
Un polar coréen sombre et dévastateur
Mais si un film était attendu par la rédaction aujourd’hui, ça n’était pas dans nos contrées qu’il fallait le chercher, ni même du côté de la programmation de QT. Non, il fallait se tourner vers la Corée, et son émissaire Park Chan Wook, qui a eu la bonne idée d’apporter dans ses bagages une copie 35 mm de son chef d’œuvre Old Boy. Adulé par Tarantino il y a de ça 13 ans quand il était proposé en Compétition Officielle au Festival de Cannes, le film, après visionnage mérite ses gallons. On y suit l’histoire d’Oh Dae-Su (Choi Min-Sik), un père de famille brusquement enlevé en pleine rue dans la Corée moderne. Détenu contre son gré pendant 15 ans pour des raisons qu’il ignore, il est un jour relâché et pressé par son ravisseur de procéder à diverses épreuves afin de le retrouver. S’engage un jeu de pistes ou règne alors mystère, peur, violence mais surtout incompréhension pour celui qui ignore encore les raisons d’un tel emprisonnement. On se gardera d’en dire plus tant les secrets de l’oeuvre jouent pour beaucoup dans son appréciation finale, subtil mélange de fatalité et de violence burlesque chère à Park Chan Wook. Les acteurs sont ainsi stupéfiants, la musique particulièrement entrainante et rappelant çà et là celle de John Ottman dans Usual Suspects. Bref un vrai polar coréen pur jus, où ne compte que la violence et la représentation de celle-ci, en atteste un plan séquence magnifique voyant le père s’attaquer à une bande d’ennemis dans un couloir avec pour seul arme un marteau. Du grand art.