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Festival du Film Fantastique de Gérardmer 2015 – Jour 3

Les pérégrinations d’un reporter au festival du film Fantastique de Gérardmer 2015 :  Mariage, Sexe et Nuit Décevante

Cinq heures de sommeil et puis on y retourne. Tous les cafés du monde ont du mal à me remettre en selle mais il faut bien. Aujourd’hui, le programme est composé de six films, commençant à 14h pour finir à 06h du matin, Nuit Décalée immanquable oblige. Il se trouve que le premier film est une œuvre venue de Lettonie, directement sélectionné en compétition. Ce même film que mes « voisins de fauteuils » de la veille m’avaient chaudement recommandé (« c’est de la merde ! »). On va voir ça, les gars. En attendant, je retrouve un sympathique cinéphile déjà croisé au FEFFS accompagné d’une de ses amies. On s’installe l’un à côté de l’autre dans la salle, échangeant sur la programmation, nos films vus et nos études communes respectives. Fort sympa. A cet instant, on ne se doutait pas encore que l’on allait se retrouver pris au milieu du moment WTF du festival. Le générique du festival vient de démarrer, le son se met en sourdine et un responsable de l’organisation vient devant la scène. Il appelle un certain Frédéric et une Véronique à se lever. Et il prononce cette phrase totalement inattendue dans ce contexte « Véronique, Frédéric vous demande en mariage. Donc Véronique, acceptez-vous Frédéric en mariage ? ». Je n’ai pas d’autre expression : « WHAT THE F#CK ?!! ». Interrogation collective du public pendant une seconde avant que les hurlements de joies, les sifflets et les applaudissements retentissent dans la salle. Et elle accepte. On a connu cependant plus romantique (surtout quand vous verrez la note du film en question). Le public se marre, demande à l’époux de se mettre à poil (lune de miel dans la foulée) et de payer un coup à toute la salle. Totalement surréaliste, totalement incroyable, totalement Gérardmer. Mais pas le temps de se remettre de ses émotions que le film démarre.

[EN COMPETITION] The Man in Orange Jacket

Réalisé par  Aik Karapetian (2014). Date de sortie prochainement annoncée. 

Synopsis : Suite à son licenciement, un jeune homme poursuit à la trace son ancien patron et sa charmante épouse. Au travers d’événements tous plus sanglants les uns que les autres, il tente d’échapper à son propre passé et, en s’installant dans la superbe demeure de son patron, de se construire une nouvelle identité en y menant une vie luxueuse. Mais rien ne le prépare à la visite surprise d’un invité qu’il semble vaguement connaître…

Contrairement à nos amis de la veille, je n’irais pas jusqu’à dire que ce film est aussi mauvais que ce qu’on m’en a dit (même si j’ai l’impression d’être le seul à le sauver). Mais il est vrai que The Man in the Orange Jacket est un film horriblement mutique, terriblement lent au scénario symbolique mais totalement vide et aux thèmes controversés propres à la culture cinéma des pays de l’Est (meutre froid, sexe, prostitution, rapport des classes, etc.). On repense dans la foulée à The Tribe qui avait grandement divisé le festival de Cannes. C’est polémique et ça se veut subversif en étalant des scènes gratuites et vulgaire. De plus, ça ne dure que 70 minutes, mais c’est long, terriblement long avec des plans fixes rallongés. Sans compter un vrai problème de rythme. Mais au final, je ne sais pas trop quoi en penser. Ce qui pourrait paraître lourd devient paradoxalement sa qualité, je parle ici des symboliques du film. On sent que le letton veut montrer une classe sociale qui souffre de son oppression venant de la classe des riches. Il est tout naturel qu’à force d’être oppressé, il souhaite prendre sa place. Ces disparités enlèvent ainsi toute frontière entre l’état civilisé et l’état sauvage d’où ces meurtres d’une brutalité sans nom. Et comme toute classe qui reprend le pouvoir, une autre derrière souhaite également le reprendre, s’illustrant dans les hallucinations du personnage principal. Et le film  s’empêtre dans une succession de scènes où toutes les pulsions animales d’un homme dont le pouvoir semble lui permettre ses folies (fellation sous l’eau, uriner sur des prostitués, nécrophilie, meurtre de sang-froid, etc.). En dehors de ça, il faut reconnaître que si l’ensemble manque de sens, la mise en scène est d’une beauté effarante avec ses plans cadrés finement et sa lumière froide et envoûtante. La musique et les effets sonores sont travaillées et maintiennent notre intérêt en haleine. Il y a quelque chose qui fascine et qui paradoxalement nous abandonne dans ce film. Peut-être que The Man in the Orange Jacket est un long métrage qui passionne par sa forme travaillée mais beaucoup moins par sa narration exigeante. Un OFNI du festival que le public n’a pas hésité à lyncher en fin de séance.

Note de la rédaction : ★★☆☆☆

[HORS COMPETITION] Réalité

Réalisé par  Quentin Dupieux (2014). Sortie en salles le 18 février 2015. 

Synopsis : Jason Tantra, un cameraman placide, rêve de réaliser son premier film d’horreur. Bob Marshall, un riche producteur, accepte de financer son film à une seule condition : Jason a 48 heures pour trouver le meilleur gémissement de l’histoire du cinéma…

A l’occasion de cette avant-première, le Festival a invité Jonathan Lambert et Elodie Bouchez, tous deux interprètes du film. Le temps d’une présentation rapide et d’un speech très drôle que Jonathan Lambert nous révèle qu’au Festival de l’Alpe d’Huez, les gens avaient trouvé le film plus fantastique que comique. Il est donc ravi d’être à Gérardmer mais craint que le public géromois ne trouve ici le film plus comique que fantastique. Pas grave serait-on tenté de dire, l’expérience Quentin Dupieux est à prendre dans tous les festivals. Et celui-ci n’échappe pas à la règle et pousse encore plus loin les limites méta du cinéma et du film dans le film (dans le film). Visuellement, Mr. Oizo nous offre des cadres toujours aussi beaux et dont les mouvements de caméra sont d’une sensible fluidité. Regarder un Dupieux, c’est déjà un plaisir des yeux. Tout le film fait s’entremêler différentes histoires qui étonnamment trouvent toute une cohérence et un lien commun. Du non-sens sensé pourrait-on dire. A l’humour toujours aussi absurde, les récits décollent du premier degré pour atteindre un niveau impossible à expliciter. Inclassable, on en vient parfois à se demander si Dupieux ne tourne pas en rond depuis quelques films et tombent dans la vanité de son identité. « C’est du putain de génie » s’écrie un personnage du film. Est-ce-que c’est adressé à son géniteur ? Ou comme ce petit détail drôle et mégalo où l’on peut lire sur la façade d’un cinéma le titre « Rubber 2 ». On regrettera qu’il n’achève pas son récit sur ce principal d’un lycée qui s’habille en femme. A l’inverse, il donne toute l’importance de son film au segment d’Alain Chabat,  en quête d’un gémissement à Oscars. Bien sûr, les situations de non-sens amusent toujours et on s’esclaffera devant un Alain Chabat collé à son siège devant un Michel Hazanivicius chargé de lui remettre un prix. Au fond, Dupieux devrait presque devenir un adjectif pour définir ce style d’humour si particulier, si inclassable. Le projet amuse donc toujours autant mais l’on peut se demander si le cinéma Dupieux ne commence pas à trouver ses limites et qu’il serait temps de revenir à ce qui faisait le charme d’un Rubber ou d’un Wrong.

Note de la rédaction : ★★★☆☆

[EN COMPETITION] It Follows

Réalisé par David Robert Mitchell (2014). Sortie en salles le 04 février 2015.

Synopsis : Après une expérience sexuelle apparemment anodine, Jay se retrouve confrontée à d’étranges visions et à l’inextricable impression que quelqu’un, ou quelque chose, la suit. Face à cette malédiction, Jay et ses amis doivent trouver une échappatoire aux horreurs qui ne semblent jamais loin derrière… 

Depuis l’annonce de la programmation, It Follows fait figure de favori pour le Grand Prix du Jury. Il faut dire que le film, sélectionné à Cannes (étonnant pour un film de genre) a été incontestablement acclamé par le public. Il n’en fallait pas plus pour créer un engouement autour de ce film qui en quelques mois est devenu LE film d’horreur à voir. Pas étonnant qu’il soit présent en compétition et je peux désormais confirmer une chose, It Follows est la claque attendue et ne repartira assurément pas bredouille du Festival. Second long-métrage de David Robert Mitchell, It Follows reprend ce qui fait déjà le thème central de ses courts-métrages, à savoir le sexe et plus précisément le dépucelage. Pour son géniteur, la découverte de sa sexualité peut paraître effrayante. Et ici, il est vrai qu’on revient au thème central des films d’horreur des années 80, à savoir le sexe comme vecteur de la dépravation des personnages. On se souvient que les personnages les plus « ouverts » étaient destinés à des morts atroces, et seule la « sainte vierge » trouvait son salut et sa survie. Ici, le réalisateur reprend ce même postulat mais broie les codes pour se concentrer sur un ensemble d’angoisses adolescentes (sexe, famille, ami, désir de fuir). David Robert Mitchell ne cache pas ses références et on sent son amour pour le cinéma de Carpenter, à travers cette bande-son au synthé, avec des accents de noise moderne. Quatre notes se battent en duel mais donnent au film un cachet incroyable participant à son ambiance onirique et effroyable. La mise en scène s’illustre également par des plans séquences, des panoramiques et des zooms progressifs sensibles. Un travail de l’image remarquable donc. Le réalisateur déclare même avoir pensé sa lumière avant même les phases de casting et de décors. Il lui fallait cette ambiance unique, qu’il obtient ici sans mal. Ajouté à cela un casting tout en retenu, émouvant de sensibilité et de complicité, et It Follows vous emportera en des terres sacrées où l’effroyable vous suivra sans relâche. Je ne saurais trop vous en dire plus sur le scénario pour éviter de vous gâcher la surprise mais sachez que It Follows est une expérience onirique et glaciale qui vous donnera la chair de poule. Une réussite, tout simplement.

Note de la rédaction : ★★★★☆  

Le temps de boire un café avec les connaissances du premier film de la journée qu’il est grand temps de découvrir cette fameuse Nuit Décalée que les habitués de Gérardmer connaissant bien. La file d’attente est immense, des centaines de spectateurs attendent plus d’une heure dans le froid, on prend du retard sur le début des projections. Mais on entre enfin dans la salle. On s’installe et une ambiance particulièrement festive se dévoile sous nos yeux.

On nous présente une vidéo de l’INA, où Maité et son assistante nous montrent une recette pour cuisiner l’anguille (une vidéo immanquable à voir ICI). La situation est ridicule et la salle se met à pouffer de rire. Et puis, changement de disque : « J’ai bien mangé, j’ai bien bu » de Patrick Topaloff. Les organisateurs viennent habillés en Maité, en cuistot et consorts. On nous présente les films de ce soir, et une bataille de boule de neige s’ensuit dans la salle (!!!). C’est dingue. On se marre comme pas permi. Ca s’annonce très bien. Ca hurle, ça siffle, ça se bidonne. L’ambiance est bouillante comme pas possible. Et pourtant, on va vite déchanter avec le premier film. 

[NUIT DECALEE] American Burger :

Réalisé par Bonita Drake & Johan Bromander (2014). Date de sortie prochainement annoncée.

Synopsis : Un bus, avec à son bord une horde de lycéens américains, fait un tour d’Europe et s’arrête au cœur d’une forêt afin qu’ils visitent une usine de « hamburgers 100% américains » comme le proclame fièrement son slogan publicitaire. Malheureusement pour ces jeunes, les cuisiniers ont besoin de chair fraîche… Les lycéens vont alors devoir fuir pour échapper au massacre et tenter de survivre…

Tragique visionnage que celui de American Burger. C’était extrêmement pitoyable. Pas dans le sens où l’on peut se marrer avec ses potes, avec quelques bières et de la pizza. Non c’était juste très TRES mauvais. Rien n’est drôle, tous les gags tombent à plat et le découpage du film est catastrophique. Tout le sujet se prêtait pourtant bien au jeu d’une nuit décalée avec des cinéphiles déjantés qui auraient pu jubilé. Mais American Burger loupe immanquablement tout ce qu’il entreprend. Le gore n’est jamais poussé à l’extrême ou l’absurde. Quelques rictus des zygomatiques apparaissent le temps d’une scène ou deux mais l’ensemble de la salle fait grise mine. L’interprétation des acteurs est complètement raté, ni trop grotesque pour en rire, ni trop prise au sérieuse pour en rire au second degré. Même la campagne de crowndfunding sur Indiegogo avait été ratée, ne récoltant que 3% de la somme espéré. C’est dire si le projet sentait déjà le sapin. American Burger a considérablement anéanti l’humeur des festivaliers, complètement refroidis, qui ont du mal à se remettre en selles pour la seconde projection. C’est certain, la Nuit Décalée a été complètement ratée à cause d’American Burger. C’est triste tant les festivaliers sont habitués à des films foutraques qui provoquent des hurlements, des rires jusqu’à pas d’heures dans la nuit. A mes copains d’hier qui s’insurger contre The Man in the Orange Jacket, ça « c’était de la merde ! ». L’énorme déception de ce festival.

Note de la rédaction : ☆☆☆☆☆

[NUIT DECALEE] Zombeavers :

Réalisé par  Jordan Rubin (2013). Sortie annoncée en DVD/Blu-Ray le 17 février 2015. 

Synopsis : Trois étudiantes sexy partent pour un weekend entre filles dans la classique hutte isolée au fond des bois. Tout baigne au soleil mais, au milieu du lac, il y a un drôle de barrage de castors, d’où suinte une substance vert-pomme. Cette décharge toxique a engendré une fièvre ravageuse… les timides rongeurs renaissent en stratèges carnivores : les ZOMBEAVERS. Les petits amis hypersexués des filles finissent par arriver pour un grand final gore à la nuit des casmorts vivants.

Vu à l’occasion du FEFFS, je me laisse donc retenter par un second visionnage dans un contexte geromois propice à la déconne. En compagnie de mes potes cinéphiles de chez SensCritique, on rit plus qu’à Strasbourg. Il est vrai qu’en comparaison du précédent, celui-ci aurait presque tous les atouts du chef d’œuvre navrant. Les rires s’élèvent davantage dans la salle mais on sent que l’ambiance est tiède. A la fin du film, les 2/3 des spectateurs quittent la salle, n’attendant plus rien du dernier film. Ils repartent avec un sentiment de déception palpable. Ce qui devait être l’évènement du festival est assurément son plus gros échec. Aux chargés de programmation du festival, il faudra du lourd l’année prochaine pour la Nuit du samedi. Zombeavers passe donc mieux qu’à Strasbourg mais mon appréciation ne change pas. Je vous renvoie à la critique express réalisé lors du FEFFS pour avoir mes impressions plus larges sur ce navet assumé mais paresseux.

Note de la rédaction : ★☆☆☆☆ 

Il est 4h00 et nous rentrons dormir avec mes camarades SensCritique. Avant d’allonger ma tête, je me laisse tenter à l’exercice d’un pronostic sur le palmarès de ce festival, après avoir visionné les trois-quarts des films de la compétition. Ce que je peux déjà dire, c’est que la compétition a été de bonne qualité et j’avoue qu’il est difficile de trouver un film assuré pour un prix précis. On verra demain si mon jugement est sensiblement le même que celui des Jurys. Sur ce, bisous endiablés.

PRONOSTIC Palmarès

Grand Prix du Jury
It Follows ou Goodnight Mommy
Prix du Jury
Ex-Machina et/ou Honeymoon
Prix du Public
It Follows ou The Voices
Prix de la Critique
It Follows ou Goodnight Mommy
Prix du Jury Jeunes
It Follows
Prix du Jury Sy-Fy
Cub ou The Signal

Reporter/Rédacteur LeMagduCiné