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Festival du Film Coréen à Paris : Catastrophe naturelle, détresse sociale et corruption… que du bonheur!

La rédaction a pu voir 3 films du 11ème Festival du Cinéma Coréen Parisien qui a débuté ce 25 octobre.

Film d’Ouverture : Tunnel de Kim Seong-hun (sortie en France le 7 mai 2017)

Lee Jung-Soo rentre chez lui, impatient de fêter l’anniversaire de sa fille. Alors qu’il traverse un tunnel, celui s’effondre, le laissant enterré sous la montagne. Peu préparés à une telle situation, les secouristes s’affairent à le sortir de là, tout en subissant la pression des dirigeants politiques et des journalistes.

Deux ans après son polar Hard Day, Kim Seong-hoon revient avec un film qui en est tout à la fois la continuité logique et l’antithèse. La continuité parce que le réalisateur continue à mélanger les genres, réussissant à faire se cumuler le suspense, le rire et même la dénonciation politique dans un film catastrophe (une catastrophe que beaucoup en Corée ont rapproché au drame du Sewol en 2014). L’antithèse puisque, à l’inverse du héros de Hard Day qui était pris dans une course contre la montre, celui de Tunnel est à l’inverse bloqué du début à la fin dans un espace très restreint. Si l’on devait le comparer à deux films américains, ce serait immanquablement Le Gouffre aux Chimères (Billy Wilder, 1951), à la différence que le point de vue n’est pas celui du journaliste mais de l’homme coincé au fond du tunnel, sans que cela n’empêche en rien d’offrir une critique très amère des conséquences d’un emballement médiatique face à un drame humain, et Seul sur Mars (Ridley Scott, 2015) de par sa construction en parallèle entre le combat au quotidien du la victime pour survivre et les efforts mis en place pour le sortir de là.
Interprété par Ha Jung-Woo (actuellement à l’affiche de Mademoiselle), le film parvient à poser un ton hybride qui dépeint avec justesse la société coréenne actuelle, parfois de façon incisive, parfois avec plus de consensualité (on pense notamment à ses placements de produits pour les marques de la voiture et du téléphone qui sont les deux outils de survie du héros… notons d’ailleurs que, par le plus grand des hasards, Kia et Samsung sont aussi les sponsors du Festival!). Malheureusement, la durée du long-métrage, supérieure à deux heures, lui impose des longueurs qui, sous prétexte de renforcer l’isolation du héros, brisent le rythme et surtout la tension qui en est pourtant le moteur principal.

Avant-première : The Bacchus Lady de E J-yong (date de sortie encore indéterminée)

So-Young, qui a autrefois œuvré comme péripatéticienne auprès des soldats américains, opère à présent dans les parcs de Séoul avec une clientèle composée d’hommes plus âgés. Lorsqu’elle prend sous son aile le jeune fils d’une femme envoyée en prison, elle se découvre un nouveau rôle de protectrice. Un changement de situation qui va s’accroitre lorsque l’un de ses clients, ayant récemment survécu à un AVC, lui fera une demande inédite.

Le nouveau film d’E J-yong (qui sera le premier à être distribué en France) nous fait découvrir le quotidien d’une sexagénaire qui n’a pour seule source de revenu que la prostitution. Ce sujet lourd qu’est le manque de considération des personnes âgées dans la société coréenne se retrouve ainsi couplé à une représentation très crue du sexe. Les scènes de « relations coïtales rémunérées » sont filmées avec un tel manque de romantisme que le parti-pris formel en devient osé, surtout lorsque l’on connait l’embarras qu’ont souvent les cinéastes coréens de filmer les choses de la chair… mais ces passages licencieux seront abandonnés après seulement quelques minutes de film. Une autre piste, celle de la relation de cette femme avec un enfant abandonné, qui de plus lui rappelle qu’elle a elle-même dû se séparer de son fils à sa naissance, aurait pu être porteuse d’une forte charge émotionnelle, mais apparait être davantage employée comme un ressort comique.
C’est finalement un autre sujet, qui apparaitra plus tard dans le scénario, que l’on retiendra : la polémique morale autour de l’euthanasie et du droit de mourir en dignité. Bizarrement, le traitement de cette thématique, allant presque s’apparenter au thriller, n’est pas véritablement propice à la diffusion d’un discours pertinent. Malgré l’interprétation de Yoon Yeo-Jung (déjà vue dans les films de Hong Sang-soo et d’ Im Sang-Soo), cette marginale taiseuse manque de charisme, ce qui freine pour beaucoup l’émotion que voudrait diffuser ce film. Et ce n’est pas le caractère caricatural des personnages secondaires qui iront arranger ce manque-à-gagner affectif. Portrait de femme dont l’héroïne n’apparait jamais comme attachante ou chronique sociale au message confus, The Bacchus Lady est une réalisation brouillonne dont le plus gros défaut reste tout de même son manque de rythme qui rend sa partie centrale terriblement fastidieuse.

Section Paysage : Inside Men de WOO Min-ho (date de sortie encore indéterminée)

L’enquête menée par le jeune procureur Seung-Woo sur les affaires d’un politicien lui fait découvrir un vaste réseau de corruption dans lequel sont, notamment, impliqués des hommes d’affaires, un journaliste influent et de dangereux gangsters. Sang-Goo, qui opérait comme presse-bouton pour cette organisation, cherche à se venger de ses anciens employeurs qui l’ont trahi. Leur route va immanquablement se croiser.

Alors que se poursuit sa carrière hollywoodienne aux allures de suicide artistique (GI Joe, Terminator : Genisys et maintenant Les Sept Mercenaires… mais qu’il arrête !), Lee Byung-Hun continue fort heureusement à nous faire parvenir de ses terres natales des films qui nous rappelle le grand acteur qu’il est toujours. Dans la peau du gangster Ahn, il est d’ailleurs difficile de ne pas repenser à son rôle le plus iconique à ce jour, celui du tueur de A Bittersweet Life (Kim Jee-Woon, 2005). L’autre moitié de ce duo, car ce polar peut être aisément être qualifié de buddy-movie, est Cho Seung-Woo, un acteur moins connu en France malgré une carrière déjà longue en Corée. Davantage que son casting, ce qui fait la force d’Inside Men, c’est son scénario. Scénario qui, paradoxalement, est aussi son plus gros problème. La double intrigue, correspondant aux pistes policières et criminelles, dans une affaire de manipulation politico-médiatico-juridico-mojito-économico-criminelle n’aide en rien à démêler la complexité de celle-ci.
Et la construction narrative, qui débute par un flashforward puis par un flashback, ne participe pas à rendre la chose plus limpide. Il faudra en fait attendre que les deux personnages principaux se rencontrent, soit au bout d’une heure, pour que l’on commence à y voir clair dans les tenants et aboutissants de cet inextricable scandale. Et pourtant, le déroulé de l’intrigue est en soi des plus convenus dans la façon dont elle repose entièrement sur relation entre le flic et le voyou. L’évolution de celle-ci, passant de l’opposition la plus féroce à une amitié sincère, est un cliché que Woo Min-Ho réussit toutefois à exploiter avec une certaine efficacité, profitant justement de l’irrésistible charisme de ses deux interprètes et en réussissant à ne pas tomber dans le piège de l’antagonisme manichéen. Parce que l’enquête en elle-même n’est finalement pas l’élément central du long-métrage, son développement subit quelques passages à vides, eux-mêmes contrecarrés par des scènes de baston qui reboostent chaque fois sa dynamique pour assurer le divertissement.

 

Rédacteur