Festival de Gérardmer 2023 : Lynch/Oz, Domingo et la brume, La Pietà et Zeria

Nous poursuivons notre présentation des films du festival de Gérardmer avec le documentaire Lynch/Oz, qui présente le rapport de Lynch au Magicien d’Oz selon différentes facettes, Domingo et la brume, ou un homme face à son existence, La Pietà, folie espagnole au croisement de Lynch et Cronenberg, et Zeria, petite pépite belge sur la beauté de la vie.

Hors-compétition – Lynch/Oz

Réalisé par Alexandre O. Phillipe (Etats-Unis, 2022)

Film documentaire sur le rapport de Lynch au Magicien d’Oz, le long-métrage se découpe en six chapitres, chacun abordant une facette de cette influence d’après le regard d’une personne du cinéma.

Le film est intéressant car il présente Le magicien d’Oz comme une possible source originelle pour Lynch, dont il a digéré les codes qu’il retransmet à travers son cinéma, en soulevant l’hypothèse que cela puisse parfois même être involontaire. Ce film à participé à la construction de son imaginaire ainsi qu’a sa perception du cinéma, qui s’est ensuite mêlée au monde réel qui l’entoure.

Le résultat est intéressant mais finit rapidement par tomber dans la redite ou la surinterprétation en trouvant ce qu’il recherche un peu partout. Pas indispensable donc mais toujours sympathique à voir afin d’en apprendre un peu plus sur ce fou de Lynch.

Hors-compétition – Domingo et la brume

Réalisé par Ariel Escalante Meza (Costa Rica, Qatar, 2023)

Domingo, un vieil agriculteur vivant seul, refuse de céder ses terres aux entrepreneurs qui viennent le voir afin de construire une route. La raison semble être lié à cette étrange brume qui vient pénétrer sa maison la nuit.

Le film fait penser à un reportage sur des villages entiers allemands rachetés par des grands groupes afin d’extraire du charbon. L’un des villageois avait alors refusé de vendre sa maison, et ce, malgré les propositions de rachats ainsi que l’avancement des travaux de chantier.

La première apparition de la brume rappelle Evil Dead. Le film est très onirique et se voit bien accompagné d’une photographie très intéressante et d’un format polaroid rappelant A Ghost Story. Le film est d’ailleurs un parfait revers au film de David Lowery, avec cette fois le point de vue du vivant hanté par un mort. Car oui, nous apprenons bien vite que cette brume serait en réalité le fantôme de sa femme, et que Domingo refuse de partir car il a peur qu’elle ne réussisse pas à le retrouver.

La séquence finale laisse un doute sur le destin de Domingo, doute notamment permis par les révélations de sa fille au sujet de sa personne. Le film est donc à la fois un film social et sociétal, auquel s’ajoute cette brume, que Domingo semble être le seul à voir. Il se bat, mais ne peut rattraper ses erreurs commises du vivant de sa femme.

Même s’il traîne un peu, Domingo et la brume permet une parenthèse sur l’absurdité des vivants, auquel les morts semblent avoir subtilisé la sagesse.

Compétition – La Pietà

Réalisé par Eduardo Casanova (Espagne, Argentine, 2023)

Libertad et son fils Matéo sont inséparables. Tout semble aller pour le mieux dans ce monde rose et fantaisiste. Jusqu’à ce que Matéo ressente une envie d’indépendance, coïncident exactement avec l’apparition de son cancer du cerveau.

Souhaitant démontrer les limites d’une relation fusionnelle à la manière de Faux-semblants, le film tombe rapidement dans le piège de la surenchère graphique et comique, afin de combler un film finalement pas très bien écrit. Les parallèles avec la Corée du Nord auraient pu être une critique des médias qui présentent des rumeurs comme des faits sur une zone dont l’on ne sait finalement pas grand-chose. Mais non, le seul intérêt est de présenter une allégorie de la Caverne digne d’un collégien. La liberté est effrayante, autant retourner à l’état initial, celui du confort mental, celui de l’ignorance, celui de la Caverne. Le récit s’éternise par la suite à appuyer ce constat, rappelant Misery ou Phantom Thread, sans égaler ni l’un ni l’autre.

La mise en scène est beaucoup trop démonstrative et perd rapidement de sa folie, après un bon début faisant penser à Inland Empire. Le filtre, présent dès le début et qui disparait dans la dernière séquence reste intéressant, afin de marquer le passage de l’idéal (le cocon maternel) au monde réel. Le film se permet vers la fin une séquence faisant penser à du Almodóvar, mais qui ne va pas du tout avec le reste du film, bien trop ridicule.

Face à la subtilité, le film fait le choix du grotesque. Et quelle finesse d’appeler la mère liberté, afin d’ironiser sur le fait qu’elle représente justement l’autorité castratrice mais rassurante, face à une liberté effrayante demandant à l’individu de faire un effort.

Compétition – Zeria

Réalisé par Harry Cleven (Belgique, 2022)

Le dernier homme sur Terre raconte à son petit-fils l’histoire de sa vie, au travers d’une ode à la simplicité.

Zeria est peut-être le film le plus authentique de cette sélection, tant il transpire l’amour du cinéma. Que cela soit l’usage des maquettes à la Burton ou le choix des masques de cire pour les personnages, tout transpire le fait-maison et le désir d’offrir une expérience aux spectateurs. Le film se permet même une référence à Stalker vers la fin, afin de faire le lien entre cette Terre vide mais vivante, exactement comme l’est la Zone de Tarkovski.

Bien sûr, tout n’est pas parfait : le film comporte plusieurs défauts comme la présence des fils des marionnettes à l’écran, certains effets de ciel qui paraissent un peu ridicules, et surtout  sa fin qui ne fait pas sens avec le reste du récit. Néanmoins, la niaiserie du propos est épaulée par une certaine audace ainsi qu’une très grande dose d’inventivité.

En bref, un vrai produit de cinéma, quelque peu brut, mais qui fait plaisir au milieu d’une sélection saturée en œuvres académiques et sans grandes qualités.

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