FEFFS 2015: Rencontre avec Rafael Martinez pour son film Sweet home

sweet-home-film-horreur-FEFFS-2015

FEFFS 2015 compétition internationale, retranscription de la rencontre publique avec Rafael Martinez pour son film Sweet home

Synopsis: Alicia attire son compagnon dans un immeuble quasi déserté pour une soirée en tête à tête. Le même jour, elle s’était rendue sur place dans le cadre de son emploi pour motiver le dernier locataire à s’en aller. Mais des hommes reviennent, pendant la nuit, avec un même but et des moyens plus radicaux. Alicia les surprend et tentera de leur échapper jusqu’au matin. Interdit au moins de 16 ans

La Rédaction CSM, comme le public strasbourgeois, a été séduite par Sweet Home, un home invasion intense, qui peut apparaître comme un exercice classique certes, mais dont l’efficacité provient essentiellement de la maîtrise de la réalisation de Rafael Martinez, très prometteuse pour son premier film. L’intrigue se déroule en plein cœur de Barcelone, dans un immeuble délabré : courses poursuites dans les escaliers et les égouts, décapitation sanguinolente, et autres mutilations, raviront les spectateurs avides d’hémoglobine et de sensations fortes…

Nous avons eu le privilège d’assister à la projection de Sweet Home en présence du réalisateur, du scénariste et de la traductrice, qui ont dévoilé face à un public favorable, mais non sans une certaine pudeur, la genèse de leur projet:

sweet-home-ffefs-2015-Rafael-Martinez-rencontre
Angel Agudo à gauche, la traductrice et Rafa Martinez au centre

– Bonjour Rafa, en voyant le film, j’ai l’impression qu’il y a deux films en un, le premier qui est un véritable home invasion, et à compter du moment où tu amènes ce nouveau personnage en milieu du film, ça devient presque un film de Boogeyman, un film de croque-mitaine…
Je vois plutôt 4 temps de film en un, en fait… Je vois un début avec un prologue assez classique et ensuite on a un deuxième film un peu plus réaliste comme dans Maman j’ai raté l’avion, puis ça devient véritablement un film d’horreur avec des références comme Panic Room ou Die Hard

– Le film est assez ludique, avec une dynamique dans laquelle les personnages sont placés devant des objectifs, des salles, des objets à acquérir, les clés, la trappe, qui permettent d’accéder à de nouveaux lieux, où les personnages sont bloqués, les ennemis sont bloqués, et en fait j’ai trouvé que ça ressemblait énormément à un jeu vidéo et notamment à Clock Tower, une saga d’épouvante très connue dans le jeu vidéo avec une unité de lieu, un personnage assez similaire à l’antagoniste du film. Au niveau du scénario, même de la mise en scène, le jeu vidéo a t-il simplement été une référence pour la réalisation du film?
Oui, c’est clair que les jeux vidéos, ça a beaucoup joué… Rafa (ndlr: Rafael Martinez, scénariste du film), qui a également écrit le film, est beaucoup influencé par ça, et donc on a une unité de lieu, et des objets à trouver, et puis on a les différents étages qui sont comme des niveaux en fait, et la scène finale c’est directement inspiré de l’idée de jeux vidéos parce qu’elle se confronte au boss, au monstre à la fin. Donc oui, il y avait une vision un peu comme ça.

– Question à Angel Agudo (ndlr: l’un des 3 scénaristes): tu viens avec un véritable scénario ou quand vous commencez, vous êtes tous les deux au point de départ, à l’instigation du projet?
En fait, il y a Rafa (ndlr: Raphael Martinez) avec des amis qui avaient commencé à écrire, et puis Theresa (ndlr: Teresa de Rosendo) qui est aussi co-scénariste, est entrée en jeu, et moi au final je suis arrivé pour continuer cette coopération, et puis on a discuté ensemble, et voilà, on est arrivé au scénario final.

– Est-ce ton premier film? L’ensemble est super maîtrisé, il y a des mouvements de caméra super inventifs, qui tombent dans la cage d’escalier, pour représenter la première personne… L’unité de lieu m’a plus fait penser à Rec,  produit par la même boîte de prod Filmax… Si tel n’est pas le cas, je serais assez intéressé de savoir tu as fait d’autres films en tant que réalisateur.
Alors oui, c’est mon premier long métrage. Bon en fait, c’est vrai qu’il est extrêmement contrôlé, maîtrisé, car on a passé énormément de temps à l’écrire, à le penser, mais par contre je voulais un peu m’éloigner de Rec, je n’avais pas envie de caméra à la main, j’avais envie de m’éloigner de ce style là. Oui, j’ai fait d’autres choses avant, j’ai un peu touché à tout en fait, que ce soit l’écriture, le montage ou la réalisation…

– Faire un premier film ne doit pas être évident. Concernant la production, as tu financé cela tout seul, ou as-tu beaucoup cherché de financements? L’autre question est : as-tu pensé à « buter » l’héroïne à la fin? (ndlr: rires du public)
C’est un processus qui a duré très longtemps en fait, 5 ou 6 ans à partir du moment où on l’a écrit, et pour le financement, le projet est passé de producteur en producteur et on a fini par trouver Filmax, qui nous a financés, et c’est vrai que ce n’était pas si facile au final de les convaincre, car c’est un film qui a pris peu de temps à se tourner, qui a pris peu d’argent. Puis des producteurs polonais sont entrés en jeu aussi… Donc oui, ça a été un processus assez long et au final le film est là, et on est bien content.
Concernant l’héroïne, oui j’aurais bien aimé la buter, car sur le tournage en tant que personne, c’était dur des fois! (ndlr: rires du public)

– Du coup, je ne crois pas qu’on est vu l’actrice (ndlr: Ingrid Garcia Jonsson) dans autre chose en France. Vient-elle du cinéma d’auteur plutôt?
C’est vrai que c’est une actrice que l’on ne connait pas encore trop, qui est vraiment très jeune, et moi ce qui a attiré mon attention, c’est qu’elle avait tourné juste avant dans un film totalement différent, très arty, avec un réalisateur espagnol (ndlr: La Belle Jeunesse de Jaime Rosales), artiste, tout ça… Il tournait complètement d’une autre manière que la mienne. Il faisait une séquence par jour, et beaucoup d’improvisation. En gros si son film à lui c’était une musique classique, moi c’était du rock’n roll pour elle, c’était complètement différent.

– Les statistiques du début du film sont-ils inventés ou vrais? (ndlr: statistiques sur le nombre d’espagnols expulsés de chez eux)
En tout cas, le phénomène des expulsions ou ce qui est expliqué au début, c’est vraiment réel en Espagne, et ça se passe comme ça. Après, on a fait des recherches pour avoir des données plus précises… Donc ce que l’on voit, il y a une partie qui est réelle, mais les 2% de gens qui ont disparu, où on ne sait plus ce qui se passe, bon ça c’est inventé, mais on a essayé de faire un truc un peu homogène pour coller à notre histoire. Mais il y a des chiffres qui sont vrais, oui…

– Félicitations pour la maîtrise bien réelle de votre premier film. Par rapport à l’immeuble, qui est d’une certaine manière un des personnages du film, avez-vous tourné en studio uniquement ou partiellement dans un immeuble? Et si cet immeuble existe véritablement à Barcelone, du coup avez-vous été obligés de chasser des locataires pour tourner? (ndlr: rires du public)
Déjà, merci pour tous les mots d’encouragement parce que le tournage a tellement été difficile que maintenant vos paroles, ça fait vraiment du bien et ça va me donner l’énergie de tourner un second film. Concernant l’immeuble, c’est vraiment un immeuble des alentours de Barcelone. On n’a pas tourné ailleurs en fait, pour des raisons de budget. Après, on a modifié quelques aspects pour certaines scènes, que ce soit des entrées ou des sorties pour permettre des mouvements dans le film… Non, on n’a mis personne à la porte et on n’a tué personne pour tourner le film, mais il se trouve qu’il y avait une personne qui vivait encore là-bas quand on a repéré l’immeuble, et on a dû attendre qu’elle s’en aille, gentiment, pendant qu’on signait des contrats, pour que l’on puisse enfin se mettre à tourner.

– Concernant l’immeuble toujours, y a t’il en Espagne des particularités avec les immeubles, parce que de mémoire A louer était espagnol aussi, Rec aussi… On a à chaque fois la hantise de rester coincé dans un immeuble… Cet immeuble est d’ailleurs très bien choisi par rapport à la narration. Est-ce que vous aviez le scénario et vous vous êtes dit « il faut qu’on trouve un immeuble qui colle à ça », et vous avez galéré pour le trouver ou est-ce qu’en voyant cet immeuble, vous vous êtes dit « ok c’est là qu’il faut qu’on tourne, parce que celui-là il est parfait »?
Peut-être que si les films espagnols sont souvent tournés dans des immeubles, c’est parce qu’on n’a pas trop d’argent, donc finalement c’est plus facile de se concentrer sur un lieu en particulier. Pour autant, on a essayé de donner véritablement une diversité à cet immeuble, en jouant avec la lumière, les couleurs… Pour le choix du bâtiment, on est vraiment parti du scénario, et à partir de là, on a cherché l’immeuble qui allait le mieux s’y prêter. On a vraiment eu du mal à le trouver: soit il y avait des escaliers trop petits, ou trop grands, il n’y avait pas d’ascenseur… Et quand on a enfin trouvé le bon immeuble, on a fait des ajustements, on a réécrit quelques scènes: au début on avait écrit pour qu’il y ait 4 appartements; finalement, on en a mis trois, on s’est adapté… 

Merci beaucoup Rafael.

Propos recueillis lors de la rencontre publique du 23/09/15 avec Rafael Martinez pour son film Sweet home (Compétition internationale, FEFFS 2015)

Sweet home Trailer