FEFFS 2015 : Christopher Lee, des suédoises dépravées et de la drogue

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Les pérégrinations d’un reporter  au FEFFS – Jour de clôture

Ainsi s’achève la huitième édition du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg. Mais quel final pour la journée de samedi ! Une cérémonie de clôture qui n’aurait rien à envier aux Oscars alors qu’au même moment, des festivaliers trépignent à l’idée d’assister à la Nuit Excentrique, synonyme d’euphorie collective et de nanars à gogo. Du lourd pour cet ultime journée ! En excellent orateur que je suis, j’avais réussi à convaincre il y a quelques semaines des amis à venir participer à la Nuit Excentrique avec moi. En effet, il y a trois ans dans ce même festival, j’avais assisté à la Nuit Nanar où des chefs d’oeuvre du mauvais goût s’étaient succédé, faisant passer un moment anthologique à toute une horde déchaînée de spectateurs. Rires, hurlements, sifflets et applaudissements frénétiques avaient animé cet événement nocturne qui m’avait laissé quelques réjouissantes séquelles. Avant de participer à la cérémonie, on décide donc d’aller boire quelques verres et de se mettre dans l’ambiance de cette nuit qui s’annonce jubilatoire. La table est garnie de bières, d’Elsass Cola (véridique !), de bretzels, de tartes flambées et de Riesling. Ouais, on joue l’ambiance locale à l’extrême. On parle de tout sauf de cinéma : Le féminisme, la DP, les jeux vidéos, l’infidélité, les youtubers, des vacances au ski, le chômage et entre deux verres une furieuse envie de monter une association culturelle. On se marre, on gueule, on s’énerve. Je pense qu’on est prêt pour la Nuit Excentrique. Le temps de finir une désaltérante Fischer Ambrée que je me lève et décide d’abandonner quelques heures mes compagnons de bataille pour assister à la cérémonie de clôture. Il faut dire que je suis particulièrement impatient de découvrir le palmarès final.

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Au centre, entouré du jury, Corin Hardy, le réalisateur de The Hallow vient de recevoir le Méliès d’Argent.

Je serai bref concernant le palmarès puisqu’un article a déjà été publié par mes soins sur le sujet et que tout l’intérêt de cet article repose sur la description des films de la Nuit Excentrique. Retour à la cérémonie qui a été particulièrement bonne -plus que l’an passé- avec une ambiance festive des plus charmantes. Une élégante présentatrice est accompagnée d’un batteur et d’un pianiste en costume, et met l’ambiance dans le public. On fait un bilan du festival. C’est toujours aussi positif, avec environ 13 000 billets vendus pour les séances, 5000 personnes à la Zombie Walk et environ 1500 spectateurs pour la séance en plein air des Gremlins au pied de la Cathédrale, la mairie de Strasbourg et Daniel Cohen, le directeur du festival, s’en réjouissent vivement. Selon les premières estimations, le festival aurait touché plus de 25 000 visiteurs sur l’ensemble de ses événements. A nouveau, l’adjoint au maire de la ville fait part de son enthousiasme et évoque le festival comme l’un des événements culturels majeurs de la ville de Strasbourg. Pour l’année prochaine, on promet que ça sera encore plus dingue. Bigger, Better & Crazier. On remercie tous les bénévoles qui ont effectué un travail dingue ainsi que l’ensemble des partenaires du festival. Daniel Cohen avoue être sur les rotules mais n’a jamais été aussi content pour la réussite de son festival. On passe aux récompenses. Les jeux vidéos, les courts animations, les courts français et internationaux. Certains viennent récupérer leur prix et l’ensemble des jury saluent la qualité des différentes programmations. Concernant les longs métrages, Stephen Fingleton vient chercher une Mention Spéciale des mains du jury présidé par Enzo G. Castellari pour The Survivalist. Corin Hardy vient récupérer le Méliès d’Argent pour The Hallow (ci-dessus). The Lobster est le Prix du Public. Et c’est donc The Invitation de Karyn Kusama qui remporte l’Octopus d’Or, le prix majeur de ce festival, et succède ainsi à White God. La cérémonie s’achève sur la projection de Yakuza Apocalypse. Je décide de zapper cette séance pour retourner dans ce chaleureux bar qu’est le Troquet des Kneckes avec mes amis. Ouais, je suis un journaliste gonzo impertinent et désinvolte qui ne pense qu’à passer des bons moments au bar. Mais n’est-ce-pas là ce que font tous les journalistes à Cannes ?

Découvrez ou redécouvrez l’ensemble du palmarès : https://www.lemagducine.fr/feffs-2015-octopus-dor-pour-the-invitation-the-lobster-prix-du-public/

La soirée au bar s’achève tranquillement au bar. La note est aussi salée qu’un Bretzel mais au moins, on part avec le souvenir d’avoir pu profiter de Strasbourg dans son verre et son assiette. Et on est encore loin de s’imaginer ce que va être cette Nuit Excentrique..

En partenariat avec la Cinémathèque Française, la Nuit Excentrique propose ce soir trois films projetés en 35mm. Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque Française fait office de maître de cérémonie et est une figure incontournable des Nuits Excentriques. Sélectionnant chaque film et chaque bande-annonce projetée durant la nuit, Rauger montre son amour pour le cinéma bis avec une auto-dérision dévastatrice. C’est d’ailleurs ces séquences de bande-annonce de mauvais films (L’école du Sexe, Le Manoir Maudit, Il Faut battre le Chinois quand il est encore chaud, etc.) qui étaient les plus hilarantes tant chaque trailer semblait être à la recherche de la quintessence du n’importe-quoi. Jean-François Rauger ira jusqu’à dire que les strasbourgeois sont plus fous et enthousiastes que les parisiens à partir du moment où il prendra conscience de l’ambiance démente et hilare des spectateurs strasbourgeois. Et c’est le cas de le dire tant l’ensemble de la salle a ri aux éclats (même aux larmes). Les vannes ont fusé, les private jokes étaient exclamés à haute voix, les applaudissements pleuvaient et les rires gras et insolents ont donné à cette Nuit Excentrique une saveur unique qu’il faut absolument vivre pour quiconque aime les mauvais films. Cette ambiance collective enlève toute limite et libère notre personnalité la plus vulgaire. Il n’y a que lors de ces séances que les gens (hommes comme femmes) vont s’esclaffer lorsqu’un plan nichon est à l’écran ou lors d’une scène de gore grotesque. C’est ça la particularité de cette Nuit, l’absence de conventions et le retour à des pulsions les plus primaires. On ne cachera pas que certains moments ont pu paraître longs et que certains (comme votre honorable serviteur) ont piqué du nez puisque la Nuit Excentrique dure tout de même jusqu’à 07 heures du matin. Mais bon sang, qu’est ce qu’on s’est marré ! Trève de présentations, jubilons, mes bons !

[LA NUIT EXCENTRIQUE]  Hurlements II

Réalisé par Philippe Mora (Etats-Unis, 1985). Sortie le 28 août 1985.

Synopsis : Un homme enquête sur la mort de sa soeur et découvre qu’elle était membre d’une secte de loups-garous en Transylvanie.

C’est tellement mauvais, pitoyable et grotesque que ça en devient du génie. Le film ultime à voir dans une ambiance collective pareille. 90 minutes de réjouissances et de rires gras, sans oublier ce générique final avec un décompte d’un goût totalement grossier (17 plans nichons). Qu’est-ce-que vient faire Christopher Lee dans cette galère ? L’anecdote dira qu’il s’est excusé auprès de Joe Dante (réalisateur du premier Hurlement) pour avoir joué dans ce film. Quittant sa cape de Dracula, jamais je n’ai vu Christopher Lee aussi végétatif et absent mentalement d’un film. Sa démarche est tellement mécanique qu’on devrait créer un mot pour ce type d’interprétation chez les acteurs. Tout y est gratuit et extrêmement misogyne. C’est crétin du début à la fin. L’expression des autres acteurs du film vend du rêve tant elle relève de la neutralité la plus totale (aucun froncement de sourcil lors de la mythique réplique : « Votre soeur est un loup-garou »). Radicalement inexpressifs, les deux acteurs font office de carpes dans ce film. Et Christopher Lee avec des lunettes futuristes, c’est juste priceless ! Et sur l’échelle de l’improbable, ce n’est que le début pour un film qui va monter crescendo. Dois-je évoquer cette scène où la journaliste demande à son partenaire de la prendre dans ses bras et que lui la prend littéralement à poil ? Complètement génial tant le film n’a plus aucune limite.  Que dire de ce plan à trois avec des loups-garous ? De ces séquences de cultes obscurs ? De l’inceste régnant du film ? Et ce groupe de musique pseudo punko new wave avec un bon son synthé des années 80 qui joue à trois reprises dans le film, c’est génial ! Les types sont partout ; dans l’introduction à Los Angeles, au milieu en Transylvanie et dans le générique final. Ils font des concerts partout et constamment au même endroit que les personnages principaux. Non c’est absolument génial tant ça dépasse les limites de l’improbabilité et du n’importe-quoi. Je déconseille l’expérience seul chez soi, mais si vous êtes un amateur des nanars, je vous recommande, conjure et supplie de voir ce bijou du genre lors d’une Nuit Excentrique ou d’un autre événement du même acabit. Vous ne le regretterez pas ! Il ne m’a suffi que d’un film pour considérer Philippe Mora comme un visionnaire. Assurément mythique !

Note de la rédaction : ★★★★☆  (sur l’échelle du mauvais goût)

[LA NUIT EXCENTRIQUE] Suède, Enfer et Paradis

Réalisé par Luigi Scattini (Italie, 1968). Date de sortie prochainement annoncée.

Synopsis : Une analyse en profondeur de la société suédoise et de son incroyable permissivité dans le domaine des moeurs.

Qu’est-ce-que c’est que ce documentaire dont je n’ai jamais entendu parler ? Un Mondo-movies, que Nanarland s’amuse à qualifer de « Enquête d’action en zone interdite ». Un Mondo, c’est un documentaire d’exploitation qui consiste en un montage d’images d’actualités ou d’archives réunies par un thème commun, généralement racoleur, proposant aux spectateurs d’assouvir leur voyeurisme en matière d’exotisme, de bizarreries, de sexe et de violence. Suède, Enfer et Paradis est un documentaire déroutant qui n’hésite pas à affirmer que l’Enfer sur Terre est en Suède. A en croire le film, la Suède est le pays le plus décadent et le plus sataniste au monde. Ce documentaire s’évertue à faire un portrait de la société suédoise accompagnée d’une voix-off ahurissante qui n’hésite pas à blâmer l’ensemble des protagonistes de ce documentaire. D’après cet honorable (et réactionnaire) Luigi Scattini, la Suède est un pays blasphématoire où…MON DIEU !!!…on trouve des sex shops qui proposent des magazines avec des gens tous nus dedans, des hôtesses de l’air insouciantes placent leurs parents dans des hospices dans lesquels on fait faire de la gym aux vieux et comble du scandale, les femmes travaillent. Ce qu’il faut avoir en tête en regardant ce film, ce n’est pas tant qu’il s’agit d’une représentation de mauvais goût de la Suède mais plutôt du regard de la société italienne sur ce pays libéral. Luigi Scattini est un italien typique de la société italienne catholique et traditionnelle qui voit la Suède comme un pays froid et austère avec des gens dépravés. Le plus bluffant, c’est que ce documentaire est tourné avec le plus grand sérieux du monde, n’hésitant pas à falsifier et fausser toutes ses informations. Un documentaire d’une mauvaise foi incroyable et inconcevable aujourd’hui qui, au-delà de son mauvais goût et des rire qu’il a suscité, interroge sur notre perception des sociétés autre que celles dans laquelle nous naissons. Misogyne, raciste, réactionnaire, gratuit, Suède, Enfer et Paradis s’avère donc être un documentaire d’utilité public sur la perversité de ce pays nordique (ironie). On ressort de ce documentaire hilare et dérouté par le sérieux de cette entreprise d’investigation sociétale.

Note de la rédaction : ★☆☆☆☆   (mais il y a beaucoup de femmes nues)

[LA NUIT EXCENTRIQUE] Comtesse Hachisch

Réalisé par Inconnu (France, 1935). Date de sortie inconnue.

Synopsis : Le capitaine Mario, dit « droit devant », tombe sous l’emprise de la Comtesse Hachisch qui le convainc de transporter de la drogue dans son bateau.

Comtesse Hachisch ne vous dit rien ? C’est normal, il n’existe qu’une seule copie de ce film (conservée par la Cinémathèque) et il n’a été diffusé qu’à très peu de reprises dans le monde entier (pour la première fois à Paris en 2006). Il n’y a pas de générique et donc toute l’équipe du film est inconnu. Mais grâce au travail scientifique des chercheurs de la Cinémathèque, le monde a enfin pu avoir connaissance de l’existence de ce film unique dans l’histoire du cinéma français. Le monde a enfin pu connaître le courage et l’ambition du Capitaine Droit-Devant et apprendre que la « Mariajuana », c’est « la cigarette de la mort ». Il s’agit d’un montage final pourtant il n’est pas étonnant d’apercevoir la fin d’un clap ou l’équipe du film dans de nombreux reflets. Des faux-raccords réjouissants qui ne sont qu’une partie de tous ces beaux moments de nanardise. Le récit du film s’attarde sur le capitaine d’un navire ainsi que son équipe et pourrait être étiqueté de thriller avec de la drogue et des magouilles. Et sinon, je ne sais pas comment décrire autrement ce qui semble être le travail de fin d’étude d’un étudiant en cinéma, passionné par la mer. J’ai mille questions sur ce film. Pourquoi Capitaine Droit-Devant regarde toujours la caméra ? Pourquoi les acteurs sont si mauvais ? Pourquoi des avions tirent sur un bateau sans raisons ? Pourquoi le Capitaine insulte une serveuse de « Carnaval » (!) ? Pourquoi l’humeur des membres de l’équipage est schizophrénique (on le déteste puis on l’adore et on le déteste encore mais on l’aime quand même) ? Pourquoi la femme du Capitaine disparaît sans raison du film ? Pourquoi il y a un chinois, un arabe, un noir et un vieux barbu dans l’équipage (les quotas n’existaient pourtant pas encore en 1935) ? Pourquoi est-ce-qu’une porte ouverte est l’un des plus grands moments de tension du film ? Pourquoi la douane en a tellement rien à foutre des cargaisons de drogue du navire ? Pourquoi est-ce-que le réalisateur n’a pas réalisé de deuxième prise lorsque les acteurs tombent lamentablement ou se trompent dans les dialogues ? Pourquoi ? Pourquoi ? POURQUOI ? Sans doute parce que Comtesse Haschisch est un film indescriptible et un monument historique dans le monde merveilleux des nanars.

Note de la rédaction : ☆☆☆☆☆  (je ne sais même pas quelle note lui mettre)

Il est 07h00, le soleil est déjà là et le festival s’achève sur une pellicule historique du cinéma français. Il n’en fallait pas moins pour terminer cette sympathique édition du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg. On reprochera néanmoins à la programmation d’avoir été très (trop) inégale notamment concernant les crossovers et surtout les Midnight Movies (seuls Deathgasm et Turbo Kid ont récolté de bonnes réactions). Tout comme la compétition qui a fait s’entremêler de très mauvais films (Emelie, The Corpse of Anna Fritz, Sweet Home) et d’autres plutôt bons mais très peu de films marquants (hormis The Lobster mais qui avait eu les honneurs d’une projection en compétition à Cannes). On est donc sceptique quant au contenu de cet édition mais on reconnaîtra des efforts notables et remarquables sur tout un tas d’événements annexes. J’en profite pour remercier les bénévoles et tout le staff du festival notamment dans leur objectif de me donner un accès à tous les événements. Je remercie la rédaction de CineSeries-Mag pour m’avoir obtenu une accréditation au festival et avoir corrigé l’ensemble de mes articles avant publication. Et je tiens à saluer mon hôte de la semaine ainsi que les différents festivaliers avec qui j’ai passé des moments sympas au bar et dans les salles. C’était éreintant mais extrêmement jouissif. Merci à tous. Salut et à bientôt, les drogués !