Première séance de minuit, sur tapis rouge, au Festival de Cannes 2024, City of Darkness nous immerge dans le Hong-Kong des années 1980, au coeur de la Citadelle de Kowloon, une zone de non-droit où des gangs rivaux s’affrontent pour la domination des trafics et des territoires. Une série B d’arts martiaux divertissante, drôle et décalée, mais dont le rythme pâtit de quelques longueurs.
Après le terrifiant Limbo, présenté à la Berlinale 2021 et auréolé du Prix de la Critique à Reims Polar 2023, Soi Cheang délaisse le thriller noir et signe avec City of Darkness un film d’action plus délassant et jubilatoire, probablement le plus positif de sa carrière. Inspiré d’une bande dessinée chinoise d’arts martiaux d’Andy Seto, qui a notamment réalisé des albums à partir du roman « Tigre et Dragon », le projet du long-métrage remonte aux débuts des années 2000. Il devait d’abord être réalisé par John Woo et Johnnie To, dont il tire, malgré le changement ultérieur de réalisateur, une certaine influence.
En reprenant la mise en scène, Soi Cheang insuffle à City of Darkness sa vision sombre des bas-fonds de Hong-Kong, largement révélé, en noir et blanc, sous les déluges d’ordures de Limbo. Dans les méandres des rues insalubres d’une citadelle close et décrépie, véritable bidonville chinois, il raconte, à travers le point de vue d’un immigrant, la guerre des Triades frappant l’enclave chinoise. Un cadre parfait pour un film d’arts martiaux inspiré de la saga Ip Man, dont les combats ont également été chorégraphiés par Sammo Hung.
Synopsis : Dans les années 80, le seul endroit de Hong Kong où la Loi Britannique ne s’appliquait pas était la redoutable Citadelle de Kowloon, une enclave livrée aux gangs et trafics en tous genres. Fuyant le puissant boss des Triades Mr. Big, le migrant clandestin Chan Lok-kwun se réfugie à Kowloon où il est pris sous la protection de Cyclone, chef de la Citadelle. Avec les autres proscrits de son clan, ils devront faire face à l’invasion du gang de Mr. Big et protéger le refuge qu’est devenue pour eux la cité fortifiée.
Cité de la peur
La Citadelle de Kowloon, enclave chinoise dans la colonie du Hong-Kong britannique, est d’emblée présentée comme une zone recluse où la criminalité sévit impunément, où la dure loi des Triades s’est depuis longtemps substituée à toute forme de police et de légalité. Et où même la lumière du soleil ne saurait percer l’obscurité perpétuelle des immeubles et des rues. Ici-bas, les affrontements entre gangs, contextualisés en introduction, demeurent le quotidien d’une cité précaire, terrain de prédilection pour le meurtre et la vengeance. Il suffit donc d’un assassinat pour que l’ordre fragile de ce microcosme social sombre dans un engrenage cyclique de vendettas sans fin.
Dans ces quartiers dévastés, City of Darkness relate l’opposition entre les clans respectifs de Cyclone, de Chau son frère de sang, et de M. Big. Le passé troublé de ces protagonistes rejaillissant avec fatalité sur leur présent, Chau, toujours en quête de représailles, se différencie de Cyclone, qui, atteint d’une maladie grave, aspire au contraire à la paix et à la rédemption. C’est pourquoi Cyclone, plus soucieux des autres que de son propre bien-être, met tout en oeuvre pour rendre la Citadelle, sinon agréable, au moins vivable pour tous ses protégés.
Frères de poings
Après avoir risqué sa vie pour se rendre à Hong-Kong, Chan Lok-Kwun, réfugié sans papier, se retrouve malgré lui au milieu d’une guerre des gangs. Orphelin, il obtient progressivement l’affection de Cyclone, qui le prend sous son aile et le traite comme un fils. La vie au sein de cette Citadelle, pourtant difficile et violente, devient presque idyllique pour cet homme, perdu dans son propre pays, qui n’a ni travail ni parent. Au sein du gang de Cyclone, il gagne ainsi une famille de substitution, composée d’une figure de soutien paternelle et de trois frères de sang.
Cette fragile harmonie, rapidement brisée, conduit Chan Lok-Kwun et ses trois acolytiques, sorte de quatre mousquetaires du Hong-Kong moderne, à s’unir, un pour tous et tous pour un, pour rendre la justice et rétablir, pour l’honneur de Cyclone, l’ordre dans la Citadelle. City of Darkness nous offre alors de belles séquences de kung-fu, parfois un peu trop longues ou répétitives, mais qui assurent le spectacle grâce à leur caractère comique et outrancier. Si le film tire légèrement en longueur, et aurait pu favoriser plus de temps d’action en comparaison des dialogues, il compose un bon divertissement avec un message de paix et de fraternité plutôt singulier dans le cinéma du réalisateur chinois.
City of Darkness est présenté en Hors Compétition (Séance de Minuit) au Festival de Cannes 2024.
Bande-annonce
Fiche technique
Titre original : Twilight of the Warriors : Walled In
Réalisé par : SOI Cheang
Année de production : 2024
Pays : Chine, Hong-Kong
Durée : 125 minutes