Aux antipodes des univers colorés propres au Président du Jury, Le Jour d’Après de Hong Sang-Soo est un travail en noir et blanc d’une précision telle que l’on n’en avait plus vu depuis longtemps. Un film d’une sensibilité folle de celui qui confirme sa réputation de « Rohmer coréen ».
Synopsis : Areum s’apprête à vivre son premier jour de travail dans une petite maison d’édition. Bongwan, son patron, a eu une relation amoureuse avec la femme qu’Areum remplace. Leur liaison vient de se terminer. Ce jour-là, comme tous les jours, Bongwan quitte le domicile conjugal bien avant l’aube pour partir au travail. Il n’arrête pas de penser à la femme qui est partie. Ce même jour, la femme de Bongwan trouve une lettre d’amour. Elle arrive au bureau sans prévenir et prend Areum pour la femme qui est partie…
Enfin un peu de sobriété dans la filmographie de Hong Sang-Soo ! Après les expérimentations spatio-temporelles de Un jour avec, un jour sans, le réalisateur revient à un récit d’une extrême simplicité puisque celui-ci se déroule, jusqu’à la dernière demi-heure, sur une seule et unique journée. Pas plus de quatre acteurs et à peine davantage de décors. Il n’en faut paws plus à l’auteur pour mettre en place un vaudeville exquis, servi par des acteurs et des dialogues remarquables. Kwon Hae-hyo, qu’il avait déjà dirigé dans Yourself and Yours, et Kim Min-hee, compagne du cinéaste vue également dans Mademoiselle, forment un couple d’une sensibilité à fleur de peau. C’est ainsi que les voir converser sur la situation du mariage de cet homme volage nous plonge dans des tourments émotionnels connus de tous tels que le besoin de se confier sur soi… et plus si affinités.
Le Jour d’Après reste au demeurant d’un triangle amoureux à rajouter à la liste des longs-métrage de cet afficionado de la Nouvelle Vague, mais ici les choses sont un peu plus compliquées que cela, puisque la jeune fille qui se retrouve prise au piège entre les deux époux n’est pas la maitresse mais sa remplaçante professionnelle. C’est de cette méconnaissance de la situation adultérine que vont naitre tous les savoureux dialogues qui tâcheront de remettre les choses dans l’ordre. Le soin apporté à la photographie en noir et blanc ajoute de plus une certaine pudeur dans l’expression des sentiments mais aussi et surtout une part de mélancolie qui vient rendre ceux-ci plus graves. Sans cette pesanteur visuelle, que viennent durcir les scènes où Kwon Hae-Hyo se retrouvent seul face au poids de sa culpabilité, on se dit que l’on n’aimerait pas être à la place de Bongwan, car là il aurait pu passer pour un coureur de jupons incapable de reconnaitre ses torts, il apparait comme un être à bout, sur qui même la plus féministe des spectatrices s’apitoiera. C’est sans doute dans sa façon de jouer avec cette empathie sans jamais être larmoyant, plus que dans l’écriture de ses dialogues (magnifiques mais dont la finalité est un peu facile, au point de ne pas se suffire à elle-même), que HSS se révèle être un petit malin.
Hong Sang-Soo signe très certainement l’un de ses films les plus profonds car l’un des plus délicats, preuve qu’il faut peu de moyen pour être un grand cinéaste. Le jury cannois se laissera-t-il toucher par son talent ? Il semble en tout cas que la Croisette soit déjà sous le charme.
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[EN COMPÉTITION] Le jour d’après (Geu-Hu)
Un film Hong Sang-soo
Avec Kim Min-Hee, Hae-hyo Kwon, Kim Saeybuk
Distributeur : Capricci / Les Bookmakers
Durée : 1h32
Genre : Drame
Date de sortie : 18 octobre 2017
Sud Coréen – 2017
Le jour d’après (Geu-Hu) : Bande-annonce
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