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Cannes 2017 : Barbara, un film musical aussi abstrait que laborieux

Avec Tournée, Mathieu Amalric avait prouvé qu’il aimait filmer les scènes musicales. Il remet le couvert avec ce qui devait être un hommage à Barbara mais s’apparente finalement à un exercice narcissique.

Synopsis : Une actrice va jouer Barbara, le tournage commencer bientôt. Elle travaille son personnage, la voix, les chansons, les partitions, les gestes, le tricot, les scènes à apprendre, ça va, ça avance, ça grandit, ça l’envahit même. Le réalisateur aussi travaille, par ses rencontres, par les archives, la musique, il se laisse submerger, envahir comme elle, par elle.

Loin de réaliser un simple biopic de la chanteuse en noir auquel on pouvait s’attendre avec un tel titre, Mathieu Amalric s’amuse à jouer avec les codes du genre pour les mettre en abyme dans un maelstrom narratif pour le moins laborieux. Ici, Jeanne Balibar n’interprète pas Barbara mais Brigitte, une actrice qui joue Barbara. De la même manière, Mathieu se donne le rôle du réalisateur de ce film musical. Les apparitions de Barbara, la vraie, l’originale, se font dans l’étude, par Brigitte donc, des archives de la chanteuse. L’idée d’explorer ces documents pour saisir la personnalité de la chanteuse aurait pu être bonne si il n’apparaissait rapidement que la véritable intention d’Amalric n’était autre que de filmer Balibar chanter du Barbara. Pourquoi alors ce système de film dans le film quand il aurait pu se contenter d’une comédie musicale ? Sans doute tenait-il à explorer les coulisses d’un tournage, mais alors en faire une fiction dont les deux personnages sont des caricatures de leur interprète n’est, puisqu’il est impossible de parler ici d’autodérision, qu’un pur caprice histrionique incapable de s’assumer comme tel.

Les fans de Barbara seront évidemment ravis d’écouter la bande-originale mais n’apprendront que peu de choses sur elle (si c’est le cas, alors grand bien leur fasse de se procurer le documentaire datant de 1972 dont est tirée la plupart des images d’archive) et, pire encore, ils seront désarçonnés de la voir disparaitre derrière le jeu neurasthénique de Jeanne Balibar. Ce sont en revanche les amateurs de l’actrice qui se plairont à la voir dans ses exercices d’appropriation d’un rôle, et de préparation vocales, mais, encore une fois, le recul qu’impose le fait qu’il s’agisse d’une fiction empêche de pleinement profiter de ses passages intimes. Ne resteront alors que les scènes de chant, qui se seraient suffises à elles-mêmes si Mathieu Amalric ne s’était pas fourvoyé dans une fausse interrogation sur leur pouvoir de fascination. Le seul sens à donner à son personnage est en effet de se demander si son regard ébahi devant ces prestations est destiné à la chanteuse, lui rendant ainsi un véritable hommage, ou inversement à l’actrice, faisant alors de son interprétation un acte de pur fétichisme nostalgique, voir morbide. S’il avait réussi à explorer cette piste sur la durée, c’est toute la légitimité des biopics classiques qui en aurait un coup, mais puisque son dispositif se retourne rapidement contre lui, c’est son propre travail qui apparait comme dérangeant.


 [Un certain regard] Barbara

Un film de Mathieu Amalric
Avec Jeanne Balibar, Mathieu Amalric
Distribution : Gaumont
Durée : 98 minutes
Genre : Biopic
Date de sortie : 30 août 2017

France – 2017

Barbara : Bande-annonce

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