Tous les ans au mois de décembre, Arte propose son festival de cinéma européen. Cette année, les internautes peuvent découvrir, du 1er au 31 décembre, douze films du jeune cinéma européen en français, allemand, anglais, espagnol, polonais et italien. Parmi eux se trouve une pépite décalée : Amanda de Carolina Cavalli. Le récit d’une amitié naissante, mais pas banale. L’histoire surtout d’une jeune femme dite « borderline » dont l’esprit donne au film son atmosphère, qui ne s’étiole jamais. Le festival est 100% gratuit et en ligne, les internautes peuvent voter pour leur(s) film(s) préféré(s).
Amanda n’est plus une adolescente, elle se distingue donc des héroïnes de deux autres films en compétition au ArteKino Festival : Kira (Do you love me?) et Eleftheria (Medium). Pourtant, elle a en commun avec les deux adolescentes la quête d’une relation parfaite. Kira ne cesse d’interroger ses proches sur leur amour avant de découvrir qu’elle doit avant tout s’aimer elle-même, et Eleftheria découvre que c’est avec sa propre histoire qu’elle doit se réconcilier avant d’aimer trop fort. Quant à Amanda, elle est beaucoup plus entière, décalée et surtout, elle est déjà adulte et c’est là toute la difficulté de sa recherche de l’amitié parfaite : « le rêve d’une personne qui ne te quitte jamais, qui te comprend en tout, en grandissant, tu découvres que l’amie idéale n’existe pas », explique Carolina Cavalli. Amanda est le portrait d’une femme entourée d’autres femmes : sa mère, sa sœur (à la vie en apparence « parfaite »), une amie de sa mère et bien entendu Rebecca, sans oublier sa nièce qui considère Jésus « comme une personne ». « Je n’ai pas d’explication pour ça mais on m’a fait remarquer que les figures masculines sont plutôt absentes dans ma vie, une absence qui les rend d’autant plus présentes en quelque sorte, mes relations les plus intimes sont féminines. » Chaque personnage construit par Carolina Cavalli a sa fantaisie, son petit décalage. Cependant, Amanda, la noyée sauvée des eaux (c’est la première scène du film), est celle qui sort le plus du lot. Amanda ne travaille pas, elle vit seule dans une petite chambre payée par ses parents et surtout elle tente d’être amie avec sa gouvernante qui n’en peut plus. On la voit débarquer à une fête d’anniversaire comme un cheveu sur la soupe. Amanda doit se faire de nouveaux amis. Sa mère d’ailleurs l’encourage à aller voir Rebecca, que sa propre mère vend comme une future grande avocate. Elle imagine certainement qu’à son contact, Amanda aura des ambitions.
Peu convaincue au départ, Amanda se souvient soudain que Rebecca et elle ont été très amies dans l’enfance. Elle devient donc son obsession. D’autant que Rebecca n’est pas vraiment la jeune femme épanouie décrite par sa mère. Elle vit recluse dans sa chambre dont elle refuse de sortir. Il faudra à Amanda user de stratagème pour l’approcher. Nous n’avons que très peu de contexte sur la vie et l’environnement d’Amanda, le film est centré sur ce petit bout de vie et l’envie d’Amanda, qui remonte à l’enfance et cette noyade volontaire, d’exister aux yeux d’un monde trop restreint et codifié pour elle. Les couleurs d’Amanda contrastent en permanence avec l’atmosphère grisâtre, bourgeois, dans lequel elle évolue. Tout tient dans ce contrepoint que l’héroïne apporte sans cesse. Elle n’est jamais là où on l’attend et la réalisatrice, également scénariste, parvient à maintenir tout du long ce décalage savoureux. Elle explique: « Au moment de l’écriture, je ressentais une solitude particulière, je me sentais un peu isolée et j’ai pensé que je devais me faire de nouveaux amis ou en retrouver, que j’avais perdus de vue et j’ai trouvé ça compliqué. À l’âge adulte, c’est très compliqué de se faire des amis. » Tout semble donc encore rempli d’enfance dans ce film où l’on se croise dans des fêtes improbables, des fêtes sauvages dans des lieux à l’abandon, où l’on se suit sans trop savoir pourquoi et où tous les dialogues paraissent à la fois absurdes et parfaitement naturels. Amanda refuse de se taire ou d’abandonner une idée. Rebecca voudrait être tranquille. Pourtant, dans un espace presque conçu comme un huis clos, elles parviennent à faire des étincelles. Ce n’est pas une amitié parfaite mais des éclats de vie, des élans de sororité bienvenus. Amanda a son propre univers, on y croise des petits feux d’artifice, un cheval solitaire… Surtout, Amanda a deux actrices funambules et aux caractères éclatants : Benedetta Porcaroli et Galatéa Bellugi (déjà vue chez nous dans L’Apparition et Tralala).
Amanda doit beaucoup à son rythme, en plus de son atmosphère déjantée, qui épouse l’esprit « borderline » de son héroïne. Toujours en mouvement, Amanda ne s’arrête jamais de parler, de marcher, de bouger au son d’une musique qui épouse parfaitement son état d’esprit. Il n’y a pas de longueurs dans ce film puisque tout n’est qu’instant présent, désir de vivre et de se lier aux autres, même maladroitement. Tout le film tend vers cette question : Rebecca sortira-t-elle de chez elle pour arpenter le monde aux côtés d’Amanda ? La réponse de la réalisatrice est d’une fantaisie douce et amère. Un petit bonbon à découvrir jusqu’au 31 décembre 2024 sur la plateforme arte.tv.
Amanda : Bande annonce
Amanda : Fiche technique
Synopsis : Amanda, 24 ans, vit isolée et n’a jamais eu d’amis, alors que c’est ce qu’elle désire le plus. Lorsqu’elle découvre que Rebecca et elle passaient beaucoup de temps ensemble lorsqu’elles étaient petites, Amanda se donne une nouvelle mission : la convaincre qu’elles sont toujours les meilleures amies du monde.
Réalisation et scénario : Carolina Cavalli
Photographie : Lorenzo Levrini
Montage : Babak Jalali
Distribution : Charades
Durée : 1h33
Genre : comédie dramatique
Sélectionné Mostra Venise 2022 et Toronto International Film Festival 2022
Date de sortie (VOD) : 1 mars 2023