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Cannes 2016: Masterclass William Friedkin, la leçon de cinéma

Festival Cannes 2016: Masterclass William Friedkin – « Les gens aiment l’action. »

          Ce mercredi 18 mai 2016 a eu lieu une masterclass, ou leçon de cinéma sur le cinéma de William Friedkin, La rencontre fut animée par le théoricien et journaliste Michel Chion. Le génial réalisateur des chefs d’œuvre du cinéma French Connection (1971), L’Exorciste (1973), Sorcerer (1977) ou encore Killer Joe (2011), est d’abord revenu sur sa jeunesse :

« Mon école a été Citizen Kane, la Nouvelle Vague et les films d’Alfred Hitchcock […] Je suis né à Chicago, j’y ai grandi et Chicago est une ville très intéressante […] c’est un melting-pot. Les Etats-Unis tendent à l’être mais ce ne sont que des parties qui connaissent cela. »

            Il poursuit sur le travail du casting :

« Mon idée du casting commence avec l’intelligence, les acteurs et leurs intelligences. […] J’ai travaillé avec des grands noms qui ne savaient pas ce qu’ils faisaient. […] Marlon Brando, quand il venait sur le plateau, il décidait qu’il n’avait pas besoin d’apprendre les dialogues, notés sur des cartes. « Sur le Parrain, il y a Robert Duvall et sur son torse, les dialogues de Brando » […] Pour moi c’était de la pure paresse, même si c’était un grand acteur. »

friedkin-en-tournage            La conversation revint ensuite sur le film Les Garçons et la bande (The Boys in the band, 1970) : « Je pensais que c’était la situation des gays dans les années 60s (…) C’est tout à fait marqué par son temps, New-York City, dans les années 60s. (…) Mais comme pour tout autre script, j’étais attiré par le script, hormis pour French Connection, pour lequel nous n’avons aucun script ! Et nous avons eu un Oscar pour la réalisation, mais il n’y avait aucun script ! »

            Le cinéaste continue sur son processus créatif : « Je ne dessine plus les plans de mes films. J’aime beaucoup les films qui respirent. […] En tant que réalisateur, ce que j’essaye de faire est de regarder les acteurs, d’apprendre leurs forces et leurs faiblesses. Vous êtes constamment surpris.

Michel Chion – « Ça (NDLR, Les Garçons de la bande) a été votre quatrième film et échec commercial. »

William Friedkin – « Vous pouviez le prendre autrement ! Je ne suis pas venu ici et me faire insulter, je m’attendais à un grand respect et de la révérence ! »

            Friedkin revint sur une anecdote à propos de French Connection : « Howard Hawks a dit dans une interview qu’il m’a dit de faire French Connection, Bullshit ! Je sortais avec sa fille […] et après 16 ans, elle a reçu un appel de son père, il l’invitait à venir à Los Angeles […] nous l’avons vu dans un restaurant, il s’est levé alors qu’on arrivait. […] Il a dit : « Quel est le dernier film que tu as fait fils ? » et j’ai dit : « Boys in the band qui suit des mecs gays ». Et le directeur de la rivière rouge m’a regardé droit dans les yeux et a dit : « Tu ne devrais pas faire ça, fils, les gens aiment les films d’action ». […] Je suis sûr que c’est vrai. […] Mais de la manière dont il me l’a dit, il était sûr que je n’en ferais pas, et que j’étais probablement gay. »

Il continue sur French Connection : « Une des plus grandes inspirations pour moi sur ce film, c’était Z de Costa-Gavras, […] qu’il a fait comme un documentaire. […] Et ça m’a donné le courage de faire ça pour French Connection. »

            Le cinéaste fait une parenthèse sur le succès, selon lui imprévisible, d’un film au cinéma : « Personne ne sait vraiment ce qui va devenir un succès. Je n’ai jamais dit d’experts qui prédisent les succès. Et c’est ce qui est intéressant dans la fabrication d’un film. Et faire un film est une aventure et une éducation. »

            La conversation avance sur The Exorcist : « Je savais que ça n’était pas un film d’horreur, c’était un cas d’exorcisme. J’ai même été invité à filmer un réel exorcisme par l’église catholique à Rome. Je n’avais pas fait ça avant le film. Et c’est fou comme c’est très proche à ce que j’ai réalisé. Et je crois, je ne suis pas catholique, mais je crois aux enseignements de Jésus, […] il s’agit aussi de réfléchir le mystère de la foi. Vous savez, il ne s’est pas enregistré, mais il a été vu par ses comparses à l’époque… Et aujourd’hui, des milliards croient en lui. Je trouvais ça intéressant. […] Je ne suis pas fermé, je crois en ce que je vois et entends. » Il poursuit sur la bande-son : « La bande-son est plutôt basique. Ça n’est que de la musique classique […] Je ne voulais pas un compositeur de musique de films populaires. Je ne sais pas pourquoi, vous savez, tout ça est de l’instinct… On le sent. Il fallait que ce soit sensitif. »

            Puis nous arrivons à The Sorcerer, « cinquième échec commercial » rappela Michel Chion. Ce à quoi le cinéaste répondit – toujours avec humour : « Vous savez vraiment comment blesser quelqu’un ! ». La conversation se tourna vers un tout autre sujet, l’état des films tournés en pellicule : « Les films en 35 mm lorsqu’ils étaient développés, certains développaient des films qui tiraient plus vers le bleu ou vers le vert, à cause de l’eau du développement. Puis il y avait l’électricité de la copie pellicule… […] Je sais que beaucoup pensent qu’on l’a construit sales et abimés et lorsqu’ils le voient en digital et blu ray, ils ne reconnaissent pas ce qu’ils ont vu, parce-qu’ils ont vu le film abimé. On ne prend pas assez en compte l’avis du réalisateur. »

« Quant au projectionniste ? », dit Chion. « Oh il a le final cut, s’il n’y a pas de lumière, s’il ne gère pas le focus, le public voit une version altérée, mauvaise du film », répond Friedkin.

            L’arrivée de l’extrait de Police Fédérale Los Angeles (To Live and Die in L.A., 1985) fut chaotique, une chanson pop’ fut lancée par mégarde et William Friedkin déclara, détendu (à l’inverse de Michel Chion) et dansant : « Let’s go ! ». La conversation se lança enfin sur le film précédemment cité. Friedkin déclara : « Le film est à propos des services secrets, qui sont des policier d’élite, et qui pour la plupart d’entre eux, sont cinglés. […] Je dois vous le dire, nous n’avons aucune permission de tourner dans l’aéroport, ni la scène de poursuite dans French Connection. […] Je pense que Kathryn Bigelow est la plus grande réalisatrice d’action qu’on a. » Il reprend sur French Connection : « J’ai mis tellement en colère Gene Hackman qu’il voulait me tuer. (…) Il est retraité maintenant. Je sais qu’il y a un certain nombre d’acteurs qui détestaient jouer, et il en fait partie. Brando aussi. »

             Il poursuit sur les acteurs toujours à propos de FC : « J’ai envoyé les acteurs passer 2 ou 3 semaines avec les policiers, pour qu’ils en deviennent vraiment ». « Ashley Judd n’a rien fait de même, mais je savais qu’elle en serait capable. » « Pareil pour Matthew McConaughey (le Killer Joe, NDLR, voir extrait c-dessous), (…) je savais qu’il était plus profond que cela ». Le cinéaste a aussi expliqué ceci : « J’ai utilisé la musique […] pour monter The Sorcerer et LA. ».

            La masterclass prit fin. Elle fut courte hélas, puisque certains films et extraits ont du être passés, mis de côté, parfois les titres furent à peine évoqués, on pense à La Chasse (Cruising, 1980). Peut-être le cadre du festival n’était-il pas adapté à une masterclass « complète » du génial William Friedkin. Ce dernier a beaucoup amusé le public, et a aussi pris le temps d’échanger avec ses fans, les cinéphiles et autres intéressés après l’événement, une manière de le poursuivre, compléter et finir avec une ouverture vers l’avenir. Celui du cinéaste âgé de quatre-vingt ans s’annonce toujours aussi prometteur, LeMagduCiné a hâte.

Killer Joe : Extrait