Cannes 2016 : La Forêt de Quinconces, un film de Grégoire Leprince-Ringuet

La Forêt de Quinconces en sélection « Séances Spéciales » a été projeté ce mardi 17 mai. Au rendez-vous : une poésie des mots et des corps, en un trio amoureux.

Synopsis : Après sa rupture avec Ondine, Paul jure qu’il n’aimera plus jamais et veut se jouer de Camille, la séduire, puis l’abandonner. Mais la jolie demoiselle envoûte le jeune homme… 

            C’est une histoire d’amour. Non, c’est l’histoire d’un jeune homme et de ses relations amoureuses. Le format de l’image change, tantôt très large ou un peu moins, tantôt serré en 4/3, à mesure que le personnage est soit libéré par l’amour, soit enfermé dans celui-ci jusqu’à en être aliéné.

            Des mots sont échangés, des tirades sont déclarées, des vers sont déclamés. La Forêt de Quinconces a très peu de dialogues écrits au familier, de dialogues du réel. On y parle comme au théâtre et dans des poèmes. Si cela a décontenancé bon nombre de spectateurs, on ne peut parler d’une l’exigence du film. Au contraire, il s’agit de se libérer, à l’image du personnage, à travers les mots, les images, les mouvements. Le film de Grégoire Leprince-Ringuet est ainsi une invitation. Une invitation à son expérience.

            Nous l’avons accepté, et nous sommes mis à l’accompagner. Les dialogues écrits par Grégoire Leprince-Ringuet (aussi à l’œuvre sur le montage du film) nous charment, nous envoûtent même… L’aventure de son personnage, Paul, ne manque pas de mystère. Alors qu’il cherche à séduire une jeune femme rencontrée dans le métro, le récit se transforme, le temps de cette séduction, en film policier et en comédie musicale. En effet, Paul suit la jeune femme Camille, se cachant au coin d’une rue, ou profitant de l’entrouverture d’une porte se refermant pour poursuivre sa filature. Une musique classique accompagne ce moment, alors de plus en plus mystérieux. Enfin Paul arrive sur une scène où un groupe danse. Camille est là, il l’observe, observe la chorégraphie, et puis se lance. Son corps est en parfaite cohésion avec les autres, notamment celui de Camille. Alors que la musique sur laquelle ils dansent tous est composée de percussions, le volume du morceau classique augmente et domine les autres instruments qui étrangement s’intègrent à la mélodie. Ce qui va suivre va peut-être surprendre, mais soit : le film de Grégoire Leprince-Ringuet doit être vu au moins pour cette longue séquence. Notamment pour ce moment de mouvements de corps séducteurs en parfaite connexion, sur une double musique parfaitement hybridée. Ce moment de pure cohésion est transcendantal. Et il se doit d’être vu, pas juste pour la performance des acteurs ou encore la technique, mais pour son expérience.

            La Forêt de Quinconces contiendra d’autres séquences émotionnellement puissantes, cinématographiquement intéressantes (dans leur construction). On pourra reprocher au réalisateur de ne pas avoir terminé son film à la sortie de la forêt qui symbolisait, dans un montage alterné, l’enfermement de Paul ou, au contraire, le montrait en train de retrouver son chemin. Cela, tant la boucle était déjà bouclée. Peut-être que ce saut dans la rivière apporte symboliquement sa libération totale, à travers sa renaissance. La galerie de personnages secondaires est aussi à souligner, du SDF qui incarne le hasard (excellemment bien interprété par Thierry Hancisse), à l’inconnu rencontré à la fin du film qui s’exprime notamment avec des paroles de chansons. On pourrait enfin regretter d’autres éléments telles que la longueur finale, certain(s) acteurs(rices) parfois en dessous ou l’inutilité de certaines scènes (on pense par exemple à celle où Paul arrive trempé dans la librairie de son beau-frère joué par Antoine Chappey) entre autres. Mais expliquons bien que le film n’a pas seulement des dialogues de théâtre. Il est construit sur le modèle d’une pièce de théâtre : en actes, découpés en scènes avec entrées en piste d’un personnage et se terminant à la sortie d’un ou plusieurs autres… On peut aussi dire que Songes d’une nuit d’été de William Shakespeare a beaucoup influencé le cinéaste. La scène avec Chappey s’inscrit ainsi dans la logique théâtrale. Enfin, une question s’amène à nous : dans quelle direction ira Grégoire Leprince-Ringuet après ce beau premier film ?

La Forêt de Quinconces : Bande-annonce

La Forêt de Quinconces : Fiche technique

Réalisation : Grégoire Leprince-Ringuetla-forêt-de-quinconces-affiche
Scénario : Grégoire Leprince-Ringuet
Interprétation : Grégoire Leprince-Ringuet, Pauline Caupenne, Amandine Truffy, Maryline Canto, Antoine Chappey, Thierry Hancisse, Héloïse Godet
Directeur de la photographie : David Chambille
Décors : Clémence Petiniaud
Costumes : Juliette Chanaud
Montage : Natalie Sanchez
Musique : Clément Doumic
Producteur : Paulo Branco
Société de production : Alfama Films, Arte France Cinéma
Société de distribution : Alfama Films
Genre: Drame
Durée : 99 minutes
Date de sortie : 22 juin 2016

France – 2016