Christine-stephen-king-retro-cinema

Rétro Stephen King : Christine, un film de John Carpenter

Passant avec les honneurs l’épreuve du temps, et à travers sa thématique et un nouveau regard sur le mythe de l’automobile, Christine s’impose comme une très bonne adaptation d’un roman de Stephen King, et accessoirement un des meilleurs films du maître Carpenter.

Synopsis : La première fois qu’Arnie vit Christine, il tomba en extase devant cette beauté aux formes éblouissantes. C’était dit, ils allaient lier leurs destins pour le meilleur et pour le pire. Mais Christine, la belle plymouth, modèle 57, n’aime pas beaucoup les rivales. Gare à celles et ceux qui voudront approcher Arnie!

Ambiance familière, mais thème nouveau

Détroit, 1957. Le spectateur est plongé au sein même d’une chaîne de production automobile. Cette industrie, connaissant son apogée à cette époque notamment grâce à l’application des principes fordistes, symbolise à elle seule l’essor de la société de consommation, et l’appropriation par les ménages de biens jugés essentiels à leur quotidien. Le convoyeur en marche, les voitures, toutes identiques les unes des autres, défilent à l’écran. Puis surgit Christine, magnifique Plymouth à la carrosserie impeccable, surmontée de courbes élégantes au rouge vif, sublimée par un panoramique horizontal. Toutefois, cette vision idyllique tourne court lorsque le capot de la voiture se referme brutalement sur la main d’un technicien chargé de contrôler le moteur… ou lorsque le chef de ligne retrouve un de ses employés mort sur la banquette avant à la fin de la journée. Dès les premières minutes, Carpenter nous confirme avec peu d’artifices pourtant bien évocateurs son postulat de base: Christine ne sera pas un objet comme les autres, mais bien un personnage à part entière !

Une relation dévorante

Il nous emmène ensuite dans les années 80 afin de nous présenter l’ensemble des protagonistes, et les lieux communs s’y afférant. Ainsi, nous suivrons principalement le parcours d’Arnie, archétype du jeune homme ringard dans beaucoup de films de cette époque : garçon au physique peu avantageux (gomina noir, nez imposant surmonté d’une énorme paire de lunettes), invisible aux yeux de ses camarades de lycée. Il est également sous l’emprise d’une certaine forme de domination, à la fois sociale, car souffre-douleurs d’une bande de blousons noirs, mais aussi familiale, puisqu’obligé par ses parents de passer des soirées Scrabble avec eux plutôt que de sortir courir les filles avec son meilleur ami Dennis. Ce dernier est tout à fait l’opposé d’Arnie : beau gosse, sportif de haut niveau faisant parti de l’équipe de football de l’école, et véritable gentleman auprès de ces dames. Une ambiance teenage movie plutôt classique donc, mais qui par son langage légèrement fleuri et cru va en contradiction avec cette tendance. Elle ne durera d’ailleurs que 10 minutes, jusqu’au moment de la première rencontre entre Arnie et Christine.

« Qu’est-ce qu’elle a de si particulier cette voiture ? » demande Dennis. « J’en sais rien ! Peut-être parce que j’ai trouvé pour la première fois de ma vie quelqu’un d’encore plus laid que moi. » Tombant éperdument amoureux de cette épave qu’il s’empresse de retaper, une véritable relation de proximité s’installe entre l’homme et la machine. Cela ne fera qu’empirer, cette communion devenant une véritable obsession pour Arnie. Dès la 35ème minute, son look change, à l’image de son comportement : faisant preuve de beaucoup plus d’assurance, il se rebelle contre ses parents et réussit à conquérir la plus belle fille du lycée. De dominé, il devient dominant. Si l’on peut regretter ce développement un tantinet rapide, ainsi qu’une relation avec Christine peu visible, on remarquera très vite que ce n’est pas sur ce point de vue que Carpenter a choisi d’axer son long métrage, mais bien sur la personnalité de Christine. Peu importe de savoir si elle est réellement possédée ou non, le but est bien de montrer sa puissance, son caractère vivant, ses dérapages contrôlés… Bref,  les conséquences de sa relation avec Arnie. Car avec une tension montant progressivement, le pouvoir de Christine se dévoile petit à petit (les meurtres s’enchaînent, sa capacité à reformer sa carrosserie s’étend) et son emprise sur l’esprit d’Arnie devient de plus en plus considérable, le poussant dans des excès de violence très inhabituels de sa part. Il en vient même à considérer Christine comme une véritable compagne : « Plus personne ne nous fera de mal tant que l’on est ensemble ».

Cet axe psychologique est véritablement la grande réussite du film, conjugué à un nouveau regard porté sur la relation homme-machine. Car si ce thème est bien coutumier dans le domaine de la science-fiction (citons à la pelle la saga Terminator, I-Robot, et dans une moindre mesure 2001- L’Odyssée de l’Espace pour les plus célèbres d’entre eux), il est plus rare dans le genre du fantastique, où un objet du quotidien devient une véritable machine à tuer et influence son utilisateur. Il est d’autant plus mis en valeur grâce à la mise en scène impeccable de John Carpenter. Comme à l’accoutumée, ses mouvements de caméra élégants mettent en valeur ses personnages. Plus particulièrement Christine, dont l’iconisation réussie parvient à la rendre réellement effrayante dans certaines scènes à l’impact visuel fort. On se souviendra notamment du bolide en feu, poursuivant sans relâche sa proie le long d’une route plongée dans l’obscurité, ou encore du duel final, où son capot déformé s’apparente davantage à une gueule béante montrant ses crocs. La bestialité de la machine au sens propre du terme ! On pardonnera ainsi volontiers quelques fautes de goût mineures, par exemple des caricatures un poil trop forcées (le garagiste, horripilant à force d’insultes, de crachats et de mastication de chewing-gum), ou des personnages relativement anecdotiques (l’inspecteur de police, présent pour justement renforcer la tension et les soupçons auprès d’Arnie, parait bien lisse).

Rythmé par une BO rock des plus punchy, et assez éloigné de ce qui se faisait à l’époque en matière d’épouvante, Christine reste toujours une excellente surprise à (re)découvrir. Cette adaptation confirme le savoir-faire narratif et technique de John Carpenter, et le talent inné de Stephen King à distiller l’angoisse… même vis-à-vis d’une voiture.

Christine : Bande annonce

 Christine : Fiche technique

Réalisation : John Carpenter
Scenario : Bill Phillips, d’après l’œuvre de Stephen King
Interprétation : Keith Gordon (Arnie Cunningham), John Stockwell (Dennis Guilder), Alexandra Paul (Leigh Cabot), Robert Prosky (Will Darnel), Harry Dean Stanton (Rudolph Junkins), Kelly Preston (Roseanne)…
Photographie : Donald M. Morgan
Montage : Marion Rothman
Décors : Daniel A. Lomino
Costumes : Darryl Levine
Musique : John Carpenter et Alan Howarth
Production : Richard Kobritz, Larry J. Franco, Kirby McCauley, Mark Tarlov, Barry Bernardi
Société de production : Columbia Pictures, Delphi Premier Productions, Polar Film
Distribution : Columbia Pictures
Durée : 110 minutes
Genre : Fantastique
Date de sortie : 5 janvier 1984
Etats-Unis – 1983