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Tarzan, un film de David Yates : Critique

Hormis un bel apollon torse nu poussant –hors champ– le légendaire cri du célèbre homme-singe, cette énième adaptation n’a pas grand-chose à offrir, nous baladant maladivement entre les tons sans jamais trouver celui qui lui sied.

Synopsis : Ayant abandonné sa jungle natale pour rejoindre la vie aristocratique de ses aïeux britanniques, John Clayton, alias Tarzan, vit au calme son mariage avec la belle Jane Porter. Mais, sur ordre du Premier Ministre, il fait un voyage au Congo en tant qu’agent de commerce. Sur place l’attend un piège tendu par un groupe de mercenaires à la solde du Royaume de Belgique.

Pas seulement une suite… malheureusement

Entre la franchise de la MGM avec Johnny Weissmuller qui, entre les années 30 et 40, contient pas moins d’une douzaine de films, le Greystoke qui, en 1987, offrit un de ses meilleurs rôles à Christophe Lambert et le sympathique film d’animation Disney en 1999 –pour ne citer que les plus mémorables–, on peut aisément affirmer que le roman d’aventures de Edgar Rice Burroughs, datant de 1912, a connu suffisamment de déclinaisons cinématographiques, souvent malgré le désaccord de son auteur les jugeant pro-colonialistes, pour qu’une énième adaptation puisse paraître dérisoire. Mais on sait que le manque d’inspiration dont souffre Hollywood depuis plusieurs années pousse les grands studios à recycler leurs vieilles recettes. Et, même si l’idée n’est pas neuve, avoir imaginé une suite au roman initial (sans tenir compte évidemment du fait que Burroughs a lui-même écrit de nombreuses nouvelles, virant souvent audacieusement vers le fantastique, qui font suite au premier épisode de sa saga littéraire) pouvait alors laisser espérer un récit inédit et plein de promesses. Mais, rassurez-vous si vous avez vécu dans une grotte et que cette histoire de garçon élevé par des singes ne vous parle pas, Hollywood n’oublie pas que,  du moins à ses yeux, son public est constitué de crétins illettrés. En effet, en plus d’être une suite, le film fait office de reboot à travers une série de flashbacks malvenus qui viennent nous rappeler régulièrement les origines de ses personnages principaux. Un procédé narratif d’une lourdeur comme on n’en avait pas vu depuis longtemps!

Un film d’action au discours politique cohérent et affirmé, serait-ce trop demander ?!

Pour saisir les tares de ce blockbuster estival, il suffit d’analyser le cas du rôle octroyé à Samuel L. Jackson. Rarement a-t-on vu l’acteur dans un pareil exercice de cabotinage, mettant son personnage le cul entre deux chaises, entre le stéréotype ringard du sidekick Noir rigolo et le support didactique à un discours bien-pensant de dénonciation de l’esclavage. Son improbable personnage de cowboy humaniste étant de plus celui qui va mener le héros dans le piège de ses ennemis, il aurait pu faire de lui une belle figure de traître… mais cela serait sous-estimer l’extrême manichéisme de cette écriture enfantine ! Cette tendance à ne pas assumer son propre potentiel fun pour vainement essayer de se prendre au sérieux est pesant sur l’ensemble du film. Dès les cartons d’ouverture, les enjeux géopolitiques sont posés. Ils nous présentent les Belges comme les grands vilains de l’histoire, avec à leur tête un Christoph Waltz en ersatz de René Belloq, l’odieux français des Aventuriers de l’Arche Perdue, et dans une prestation proche d’une caricature de ses célèbres rôles de méchants. Voir, au bout de quelques minutes, cet émissaire du Plat Pays discuter avec un chef de tribu africaine (Djimon Hounsou, plus monolithique que jamais) dans un anglais parfait laisse comprendre que nous sommes bel et bien devant un produit formaté aux vieilles conventions hollywoodiennes. Et voir, une heure plus tard, son personnage se battre avec pour arme de prédilection un chapelet, enfonce définitivement son caractère grotesque, presque cartoonesque, loin de la gravité horrifique qu’aurait dû inspirer ce personnage historique connu pour sa barbarie envers les autochtones.

Mais qu’en est-il de l’héroïque roi de la jungle ? Le constat est tout aussi décevant. Le choix du beau suédois Alexander Skarsgård (srtout connu pour son rôle d’Éric dans la série True Blood) semble n’avoir été motivé que par son physique sculptural . Tout comme Margot Robbie, face à lui dans le rôle de Jane et elle-aussi chargée d’assurer la part glamour du film, le personnage principal livre une palette de jeu en encéphalogramme plat. Ce manque d’émotions dans leur interprétation fait d’eux un couple qui, malgré leur plastique alléchante, souffre d’un manque de charisme qui empêche toute empathie envers leurs personnages mythiques. On peut aussi imputer l’absence de crédibilité du héros au parcours que lui fait suivre le scénario : Le retrouver, dans sa première scène, parfaitement intégré dans la haute société du Londres victorien en vient à rendre douteux tout le passif qu’on lui accorde, et donc l’aisance de son retour à l’état sauvage. Une amorce de relecture méta de la légende pointe d’ailleurs le bout de son nez au début du film, alors que tout le monde avoue le connaitre de réputation à travers des romans de gare, mais cette bonne idée ne sera hélas jamais exploitée.

Égarements dans la jungle numérique

David Yates pouvait-il se dépatouiller d’un scénario à ce point mal écrit qu’il se prétend anticolonialiste alors qu’il exploite des clichés impérialistes dans sa représentation réductrice des tribus africaines ? C’est en tout cas à lui que l’on peut reprocher l’atroce direction des acteurs. C’est également le réalisateur qu’il faut blâmer pour avoir voulu multiplier les effets de mise en scène tape-à-l’œil, à commencer par les ralentis dans les scènes d’action, ainsi que sa volonté de reproduire une photographie assez sombre similaire à celle de ses derniers Harry Potter… à la différence que le chef opérateur qu’il a cette fois à sa disposition est loin d’avoir le talent d’Eduardo Serra. De plus, sa caméra, plutôt que de nous faire profiter de la majesté de ses décors, préfèrera  toujours filmer de près le corps de ses deux acteurs principaux, confirmant ainsi les raisons libidinales de leur recrutement, mais sans jamais s’éloigner pour autant de la bienséance puritaine. Même les nombreux effets spéciaux, qui rendent son aventure écolo « à l’ancienne » hypocritement dépendante du tout-numérique, sont mal mis à profit : Parmi les animaux de synthèse, tous ne sont pas réussis (les éléphants étaient nettement plus convaincants dans Le livre de la Jungle !), mais les plus impressionnants sont sans surprise les gorilles. Un regret donc qu’ils n’apparaissent à l’écran que de façon anecdotique. De la même manière, les inévitables scènes, sur fond vert, où Tarzan saute de liane en liane sont au moins aussi laides que celles d’Amazing Spider-man. La comparaison n’est pas anodine, tant l’homme-singe reproduit à plusieurs reprises les postures propres à l’Homme-araignée! Et inutile de préciser que la 3D n’apporte strictement rien à la production design… Avoir aussi mal su profiter des moyens techniques à sa disposition est la preuve que le réalisateur ne maitrise pas son art et que ses précédents succès -et probablement les prochains- n’étaient imputables qu’à l’univers mis en place par J. K. Rowling.

Cette série B de divertissement familial, aussi onéreuse que mainstream, est une des victimes collatérales de la tendance d’Hollywood à calquer ses grosses machines sur les films Marvel. De façon évidente, ce film, qui commençait pourtant par une entrée en matière voulant affirmer sa réalité historique, a rapidement vendu son âme en s’alignant sur les codes du film de super-héros sans parvenir à retomber sur ses pattes. Un accident artistique en bonne et due forme!

Tarzan : Fiche technique

Titre original : The Legend of Tarzan
Réalisation : David Yates
Scénario : Stuart Beattie, Craig Brewer, Adam Cozad, John Collee d’après les personnages imaginés par Edgar Rice Burroughs
Interprétation : Alexander Skarsgård (Tarzan/John Clayton), Margot Robbie (Jane Porter Clayton), Christoph Waltz (Capitaine Léon Rom), Samuel L. Jackson (George Washington Williams), Djimon Hounsou (Chef Mbonga)…
Photographie : Henry Braham
Montage : Mark Day
Supervision des effets visuels : Tim Burke
Musique : Rupert Gregson-Williams
Producteurs : Alan Riche, David Barron, Mike Richardson, Jerry Weintraub, David Yates, Tony Ludwig
Sociétés de production : Warner Bros., Jerry Weintraub Productions, Village Roadshow Productions
Budget : 180 millions de dollars
Sociétés de distribution : Warner Bros.
Durée : 109 minutes
Genre : Aventures
Dates de sortie : 6 juillet 2016
Etats-Unis – 2016

Rédacteur