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Seules les bêtes de Dominik Moll : les vaches et le pigeonné

Serge Théloma Rédacteur LeMagduCiné

Avec Seules les bêtes, un thriller savamment construit qui nous emmène dans les causses cévenols, Dominik Moll renoue avec une narration toute en découpages temporels qui avait fait le succès d’Harry, un ami qui vous veut du bien.

De la chèvre d’Abidjan au bouc de Lozère

Dans un quartier populaire d’Abidjan, un jeune homme, chèvre ficelée sur le dos, frappe à la porte d’un marabout. A 5000 kilomètres de là, Alice, assistante sociale, parcourt à bord de sa petite voiture rouge les étendues enneigées du causse Méjean. Elle rend visite à Joseph, un agriculteur solitaire dont elle s’est amourachée. Elle apprécie sa belle gueule et ses mains mais pas que. Michel, le mari d’Alice, un nounours qui ne décolle pas de son écran d’ordinateur, semble uniquement préoccupé par la comptabilité de son entreprise laitière. Au même moment, Evelyne, une Parisienne séjournant dans le secteur, disparaît au beau milieu du causse. Joseph fait figure de coupable idéal… Nous voici plongés dans un thriller rural où, comme dans un Chabrol, chaque élément est bien identifié : la femme volage, le mari cocu et l’amant bouc émissaire.

Champ et hors-champ

Sauf que Dominik Moll, s’appuyant sur le roman éponyme de Colin Niel, tire les ficelles d’un scénario non linéaire. Une histoire à opacité variable qui se dévoile à la faveur d’un subtil découpage temporel. Car le spectateur est naïf, et n’est prêt à croire que ce qu’on lui donne à voir dans le champ du récit. Ainsi, à la manière du Rashōmon de Kurosawa, la vérité se fait jour au gré de personnages sans cesse reconsidérés, le film se construisant par ailleurs sur une série de portraits assez réussis. Une partie de cache-cache qui aurait vite fait de nous rendre chèvre s’il n’y avait une rupture de point de vue, à mi-parcours du film, nous permettant d’observer l’envers du décor. Avec une réflexion en filigrane sur la valeur de la vérité dans nos univers virtuels.

Cau(s)se toujours tu m’intéresses

Car ici, le mensonge est dans toutes les étables. La femme trompant son mari, et réciproquement, la bourgeoise mentant à sa maîtresse  et l’exquise amandine s’amusant de son gogo de Zorro. La vérité quant à elle, n’en finit pas de se dérober, comme par un effet de désemboîtement ou de zoom arrière.  Elle prend la forme, au sens propre comme au figuré, d’une sorte de trou noir où chacun finira par s’abimer. Trou noir auquel répond en miroir l’œil impavide des bêtes, témoins aux premières loges de la duplicité des hommes. Dominik Moll établit par ailleurs des ponts entre des univers aussi contrastés qu’éloignés, donnant à sa fable grinçante une dimension universelle. La désolation du causse cévenol en contre-champ de la bouillonnante capitale ivoirienne. Ici les « Blancs » empêtrés dans leur misère sentimentale, là des jeunes hackers ivoiriens -surnommés les Brouteurs – désireux d’avoir leur part du bonheur et bien décidés à traire à distance les vaches à lait de l’eldorado européen.

Bande annonce :

Synopsis : Une femme disparaît. Le lendemain d’une tempête de neige, sa voiture est retrouvée sur une route qui monte vers le plateau où subsistent quelques fermes isolées. Alors que les gendarmes n’ont aucune piste, cinq personnes se savent liées à cette disparition. Mais si chacune a son secret, personne ne se doute que cette histoire a commencé́ loin, très loin de là.

Fiche technique :

  • Titre original : Seules les bêtes
  • Réalisation : Dominik Moll
  • Scénario : Dominik Moll et Gilles Marchand d’après le roman de Colin Niel.
  • Décors : Emmanuel Duplay
  • Costumes : Virginie Montel et Isabelle Pannetier
  • Photographie : Patrick Ghiringhelli
  • Montage : Laurent Roüan
  • Musique : Benedikt Schiefer
  • Producteur : Simon Arnal-Szlovak, Carline Benko, Barbara Letellier et Carole Scotta
    • Coproducteur : Gerhard Meixner et Roman Paul
  • Société de production : Haut et Court et France 3 Cinéma
  • Société de distribution : The Match Factory
  • Pays d’origine : France et Allemagne
  • Langue originale : français
  • Format : couleur
  • Genre : Thriller
  • Durée : 117 minutes
  • Dates de sortie : France : 4 décembre 2019
Note des lecteurs3 Notes
4