Après avoir épluché l’un des plus grands écrivains classiques en la personne de Shakespeare avec ses premiers films, Branagh continue de déterrer celle d’Agatha Christie avec un troisième film adapté des romans de la célèbre écrivaine policière. Et le résultat est un léger cran au-dessus des précédents opus, principalement grâce à l’ajout du fantastique et d’une mise en scène très stylisée et en adéquation avec le contexte. Pour le reste, la formule reste la même et le déroulement narratif est beaucoup trop programmatique. Une ligne prévisible qui nous amène au sempiternel déroulement de ce type de film, à la fois volontairement inattendu mais toujours autant tiré par les cheveux et verbeux quand le célèbre détective énonce la résolution de l’intrigue.
Synopsis: Venise, veille de la Toussaint, quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est là que vit désormais le célèbre détective Hercule Poirot, aujourd’hui retraité. Après avoir consacré sa vie à élucider des crimes et avoir été témoin de ce qu’il y a de pire chez l’être humain, il a renoncé à sa vocation d’enquêteur. Et s’il fait tout pour éviter d’être confronté à des affaires criminelles, ce sont souvent elles qui le rattrapent…
Poirot reçoit chez lui une vieille amie, Ariadne Oliver, plus grande écrivaine de romans policiers au monde, qui lui assure que le motif de sa visite n’a aucun rapport avec un crime : elle souhaiterait qu’il l’accompagne à une séance de spiritisme et lui permette de prouver qu’il s’agit d’une imposture. Intrigué, Poirot accepte à d’y assister et se retrouve alors dans un palais décrépi et soi-disant hanté, appartenant à la célèbre cantatrice Rowena Drake. Lorsque l’un des participants est sauvagement assassiné, toutes les personnes présentes deviennent de potentiels suspects. Le détective belge se retrouve une nouvelle fois plongé dans un monde sinistre d’ombres et de secrets…
Kenneth Branagh, en plus d’être un illustre et compétent comédien issu du théâtre anglais, s’est révélé un réalisateur fidèle à trois différentes inspirations. En premier lieu, l’œuvre du dramaturge William Shakespeare dans ses premiers films (très théâtraux) plus ou moins réussis, ensuite le profit puisqu’il a enchaîné des commandes impersonnelles pour Disney, du passable Thor aux ratés et boursouflés Cendrillon et Artemis Fowl. Sa dernière lubie a été de mettre en scène des romans d’Agatha Christie. Avec Mystère à Venise il en est à son troisième. Le premier avait déjà été porté à l’écran, il s’agissait du mythique Le Crime de l’Orient-Express avec une relecture agréable mais totalement vaine. La seconde était encore plus clinquante mais un peu moins réussie, c’était Mort sur le Nil. Ici, il adapte l’un des romans les plus méconnus de la romancière, La Fête du potiron, et dans une très atmosphère différente avec ce Mystère à Venise évitant ainsi la redite, à défaut de nous subjuguer.
Brannagh a d’ailleurs certainement choisi cette histoire pour innover (un peu) et ne pas proposer toujours le même type de récit en changeant juste de casting et de mystère. Et il a eu raison tant cette dernière proposition apporte un tantinet d’innovation dans ce registre de sa carrière. La nouveauté vient tout simplement de l’incursion bienvenue et parfaitement digérée du fantastique. Mais un fantastique presque littéraire, à l’ancienne, qui braconne sur les terres d’Edgar Allan Poe et de la Hammer. Et parfois même grâce au clin d’œil au giallo italien tel que nous l’a fait connaître Dario Argento durant sa grande époque, et parfaitement revisité par Luca Guadagnino avec son impressionnant et traumatisant remake de Suspiria. On est donc loin des conjuringverse, dont pourtant certains films suivent une trame similaire, ou encore des productions Blumhouse avec moultes jumpscares et adolescents en détresse (pour une grande partie, le label recelant tout de même quelques pépites originales et flippantes).
Cet ajout fantastique est profitable par bien des aspects à Mystère à Venise. D’abord par la sculpturale mise en scène de Brannagh. Loin d’empiler les plans nourris aux effets spéciaux un peu toc avec de l’exotisme de pacotille comme pour les précédents, le film nous isole les trois quarts de l’histoire dans un palace vénitien dont on ne sortira pas, en presque huis-clos et de nuit. La musique et la photographie sont magnifiques et Brannagh accumule les cadrages biscornus en plongée ou contre-plongée, donnant comme une impression de regard biaisé sur les évènements en place, mais figurant aussi le triste passé des lieux. À ce titre, la séance de spiritisme inaugurale est de toute beauté. L’ambiance et l’atmosphère sont donc plutôt réussies et de bon goût.
Côté casting, il est peut-être moins all stars que pour les deux précédentes adaptations de l’œuvre de Christie, mais certainement plus intéressant en mêlant des comédiens venus de tous pays et horizons. On ne pourra louer une prestation plus qu’une autre, l’ensemble du casting étant au diapason et jouant même mieux qu’à l’accoutumée (Jamie Dornan et Tina Fey notamment). Seule Camille Cottin, pourtant excellente actrice, ne semble pas à sa place dans son rôle de gouvernante. Mais c’est Kenneth Branagh lui-même, plus fragile et en retrait, qui donne la meilleure performance. Ses répliques sont les meilleures et il semble de plus en plus pertinent dans l’illustre rôle de Poirot. Quant à Venise, si on la voit peu, on sent la présence de la mythique cité.
Malheureusement, Mystère à Venise se heurte à son cahier des charges hérité de tout whodunit qui se respecte. Et tout est prévisible dans le déroulement : Poirot va interroger séparément toutes les personnes présentes dans un palais sombre et éclairé à la bougie, récoltant les informations avant son grand monologue final. Petite nouveauté, on aura droit à une résolution en trois temps, avec donc un chouia supplémentaire de rebondissements. Cependant, aussi maline soit l’intrigue policière, il apparaît toujours aussi improbable que l’inspecteur parvienne à en deviner seul tous les méandres. Autre bémol : la saga des œuvres de Christie par Branagh souffre de la comparaison avec la franchise concurrente. En effet, Rian Johnson et son À couteaux tirés – et plus encore sa génialissime suite – lui dament le pion en étant plus modernes, ludiques et amusants.
Mystère à Venise – Bande-annonce
Mystère à Venise – Fiche technique
Titre original : A Haunting in Venice.
Réalisateur : Kenneth Branagh.
Scénariste : Michael Green.
Compositeur : Hildur Guonadottir.
Production : 20th Century Fox Studios
Distribution France : The Walt Disney Company.
Interprétation : Kenneth Branagh, Tina Fey, Jamie Dornan, Michelle Yeoh, Kelly Reilly, Camille Cottin, …
Photographie : Haris Zambarloukos.
Durée : 1h44.
Genres : Policier – Fantastique.
Nationalité : Etats-Unis.