critique-motherland-halle-berry-fils-chalet
Copyright Lionsgate | Percy Daggs IV, Halle Berry, Anthony B. Jenkins | Mother Land

Mother Land : ma foi…

Après l’excellente série B Crawl qui voyait une jeune fille prise au piège dans sa maison avec des alligators suite à un ouragan et des inondations, Alexandre Aja, l’un de nos réalisateurs français exilés à Hollywood les plus prolixes et pérennes, revient avec un nouveau film de genre comme il les affectionne tant, sa filmographie y étant totalement consacrée. Ici, il fait équipe avec une grande actrice hollywoodienne pour la première fois en la personne d’Halle Berry mais nous livre paradoxalement une œuvre faible et inaboutie, la faute à un scénario aussi simple dans son principe que confus dans son déroulement et doté d’une conclusion ambiguë et frustrante qui ne nous a pas convaincu. D’autant plus que le film ne fait jamais peur pour un suspense horrifique, que la métaphore qui le sous-tend est lourde au possible et que tout cela se révèle plutôt ennuyant malgré une belle photographie et un joli travail sur l’ambiance. On n’hésitera malheureusement pas à avancer que le frenchie signe ici son plus mauvais film.

Synopsis : Depuis la fin du monde, June protège ses fils Samuel et Nolan, en les confinant dans une maison isolée. Ils chassent et cherchent de quoi survivre dans la forêt voisine, constamment reliés à leur maison par une corde que leur mère leur demande de ne surtout « jamais lâcher. » Car, si l’on en croit June, la vieille cabane est le seul endroit où la famille est à l’abri du « Mal » qui règne sur la Terre. Mais un jour, la corde est rompue, et ils n’ont d’autre choix que de s’engager dans une lutte terrifiante pour leur propre survie…

On aime Alexandre Aja, fils du cinéaste Alexandre Arcady. Il a commencé sa carrière, béni par son illustre père et le milieu du cinéma dans lequel il a baigné, avec le dispensable Furia avant de nous offrir l’un des meilleurs films de genre français de tous les temps: le slasher extrême, très sombre et poisseux Haute tension avec Cécile de France et Maïwenn. Une œuvre remarquée et remarquable qui n’est pas passée inaperçue sur la planète cinéma. Il n’en fallait pas plus pour que les sirènes d’Hollywood l’appellent car des producteurs du cru lui ont fait de l’œil. Il a eu raison d’y succomber car il est devenu l’un des cinéastes français à la carrière la plus longue là-bas puisqu’il y a réalisé quasiment ces films. Il faut dire qu’il a commencé avec l’un des meilleurs remakes de films d’horreur de tous les temps, l’intense et impeccable réinterprétation de La Colline a des yeux de Wes Craven et que, depuis, sa carrière ne souffre d’aucune scorie, enchaînant les films de genre de toute sorte allant du correct (Piranha 3D) au très réussi (comme Crawl, son dernier en date).

Le voir s’associer avec une grande actrice hollywoodienne et oscarisée telle qu’Halle Berry promettait beaucoup en plus d’intriguer. Certes, après son Oscar, la comédienne s’était faite plus discrète et n’a pas eu la carrière dont elle rêvait mais, depuis quelques années, on la revoit pas mal et c’est tant mieux. Et il est amusant de constater que c’est le troisième français avec qui elle tourne pour un film de genre. Il y a d’abord eu le naufrage complet de Catwoman réalisé par Pitof dans le genre super-héroïque qui demeure un bon gros nanar et qui restera comme l’un des pires avatars du genre. Puis, elle a aussi tourné avec Mathieu Kassovitz, le sympathique mais pas mémorable pour autant thriller fantastique Gothika. Malheureusement ces partenariats ne semblent pas vraiment lui porter chance tant Mother Land s’avère décevant et presque honteux pour Alexandre Aja puisqu’il se positionne sans mal comme le moins bon film de son auteur. La règle du jamais deux sans trois peut-être ou alors l’actrice porte la poisse à nos cinéastes.

Pourtant, le postulat initial un peu tordu en vaut pas mal d’autres du genre. Une mère et ses deux fils isolés dans un chalet dans la forêt ne peuvent quitter leur habitation qu’avec une corde qui y est reliée sous peine d’être attaquée par le Mal. Sauf que ledit Mal n’est visible que de la mère au passé trouble et que ses enfants ne vivent que par le prisme de ce qu’elle leur raconte. Il y a un peu de Birdbox, de Sans un bruit ou encore du récent Les Guetteurs ici. Des séries B fantastiques ou horrifiques à tendance postapocalyptique qui développent des concepts forts de plus ou moins bonne manière. Mais, une fois l’exposition efficace posée, Mother Land tourne vite en rond. Et nous ennuie sans jamais vraiment nous captiver. Et pour un suspense dit horrifique, on ne peut pas dire que le grand frisson soit au rendez-vous. Quelques séquences avec des monstres aux maquillages probants viennent un peu nous réveiller, mais tout cela ne fait pas peur.

Il y a des thématiques intéressantes ici et un fond pertinent. Mais si on y réfléchit bien on a vite compris où le cinéaste – et le script qu’il met en images – voulait en venir. La métaphore est même presque grossière. On nous cause de la foi. Qu’elle soit religieuse (beaucoup de signes et de symboles vont dans ce sens), qu’elle soit en ce qu’on nous raconte à l’école, dans les médias ou encore qu’elle provienne de ce que nous raconte nos parents, de notre éducation donc. La dynamique familiale entre les deux fils, celui qui croit et celui qui doute est ainsi éloquente. Cependant, tout cela est mal amené et le dernier acte précipité et mal foutu nous déçoit, accouchant d’un film inabouti au déroulement et aux développements maladroits. Et puis il y a tout de même pas mal d’incohérences comme celle qui voit cette petite fille se promener seule en forêt pour retrouver son père.

Alors certes, on retrouve la patte visuelle d’Alexandre Aja, le film est formellement flatteur et plaisant, et le cinéaste n’a pas son pareil pour entretenir une atmosphère trouble et poisseuse. Cependant, tout cela est répétitif et se traine et le concept de cette corde aurait pu occasionner bien plus de tension et de frayeurs. Il faut aussi admettre que les acteurs sont convaincants, que ce soit Halle Berry ou les deux jeunes acteurs qui jouent ses fils, mais Mother Land est plutôt raté et sa fin, complètement expédiée et ambiguë, enfonce encore plus ce long-métrage du mauvais côté. Aja signe donc clairement son film le moins réussi et on sort de la salle aussi circonspects que déçus après s’être copieusement ennuyé pendant plus d’une heure et demie.

Bande-annonce – Mother Land

Fiche technique – Mother Land

Titre original : Never Let Go
Réalisateur : Alexandre Aja
Scénariste : Kevin Coughlin & Ryan Grassby
Production : Lions Gate
Distribution: Metroplitan Filmexport
Interprétation : Halle Berry, Percy Daggs IV, Anthony B. Jenkins, …
Genres : Thriller – Horreur
Date de sortie : 25 septembre 2024
Durée : 1h42
Pays : États-Unis

Note des lecteurs0 Note
2