Diffusé ce 1er novembre sur la chaîne OCS City, Miles Ahead est un biopic fantasque sur la vie de la légende du jazz, Miles Davis.
« Si tu vas raconter une histoire, fais le avec attitude » déclarait de sa voix rauque Miles Davis (interprété par Don Cheadle) au journaliste Dave Braden (joué par Ewan McGregor) au début de Miles Ahead. Et le moins que l’on puisse dire c’est que le film n’en manque pas, d’attitude. A commencer par son titre Miles Ahead, audacieusement emprunté de l’un des plus grands albums de Davis. Bien loin de suivre le traditionnel biopic hagiographique que l’on a pu connaitre avec Ray ou encore Walk the Line, le scénariste, producteur et acteur principal du film, Don Cheadle, a décidé de nous plonger dans l’esprit de Miles et de capturer le temps de ce long métrage, l’essence de ce qu’était Miles Davis.
De fait, inutile de s’ennuyer à vérifier l’authenticité de la vie relatée dans cette ode au jazz car cette biographie non conventionnelle n’est rien d’autre qu’une fiction avec des bribes de faits avérés, comme une tentative par Cheadle et le scénariste Steven Baigleman de fournir une vision personnelle et subjective du jazzman. Miles Ahead suit notre icône à la fin des années 1970, en 1979, considérées comme l’une des périodes les plus sombres de sa vie. Après s’être retiré de la scène musicale et de la société, violence, sexe, drogue et jazz deviennent le quotidien de Miles Davis. Surnommé « l’Howard Hughes du jazz », le trompettiste voit sa vie de reclus basculer lorsqu’il rencontre le journaliste pour le magazine Rolling Stone, Dave Brill (Ewan McGregor) qui souhaite faire un article sur le comeback de l’artiste. A cet instant, la traversée de désert de Miles se transforme en course poursuite, fusillade, achat de drogue… C’est l’escalade dans la vie de Miles, mais au moment où on commence à penser que ce portrait cinématographique de la légende du jazz dérive en film d’action sur des gangsters, on est très vite remis dans le bain avec des flashbacks, issus des années 1950, de l’un des plus grands moments dans la vie Miles Davis, sa tumultueuse relation amoureuse avec la ballerine Frances Taylor (Emayatzy Corinealdi).
Don Cheadle chante le blues avec cette oeuvre cinématographique. Le blues d’une vie faite de regrets. L’honorable interprétation du charismatique Don Cheadle qui prête brillamment ses traits à Miles est d’ailleurs à relever, au-delà de son talent prouvé derrière la caméra. Voix rauque, cheveux frisés longs, démarche boiteuse suite à une hanche défaillante, le visage marqué par des années de drogue et d’alcool, l’incroyable transformation de celui qui porte aussi accessoirement la casquette de (co-)scénariste réussit à convaincre les spectateurs. Formant un tandem de choc avec Cheadle, la superstar Ewan McGregor fournit là une prestation suffisamment correcte pour qu’on se souvienne de lui. Toutefois, la grande découverte vient certainement de Emayatzy Corinealdi qui joue le rôle de la première femme et muse de Davis, Frances Taylor. Sans aucun doute le personnage clé du film, Frances apparaît à Miles au travers de flashbacks révélateurs de la mélancolie qui semble habiter le trompettiste pendant cette période noire de sa vie. Aussi, l’ambition de retracer la vie compliquée de cet être tourmenté par de vieux démons est à applaudir.
Donnant le ton avec son titre accrocheur et avant-gardiste, Miles Ahead est tiré d’un album sorti en 1957 par le prodigieux musicien et le pianiste Gil Evans. L’album fut qualifié de brillantissime et à l’écoute de la soundtrack du film, il est aisé de dire que cette bande originale suit les traces du travail de Davis. L’approche effectuée fut de deux ordres, fournir des compositions remastérisées de l’artiste et des pièces originales -bien que largement inspirées du trompettiste. Aux manettes de cette réappropriation musicale, le pianiste de jazz et compositeur Robert Glasper, réussit à nous transporter dans un jazz club de première classe. L’héritage de Davis est donc respecté.
Se positionnant hors des sentiers battus du genre biographique, Miles Ahead parle en premier aux fans du musicien excentrique et aux aficionados du « Social Music », le jazz. Original et délibérément brouillon, l’hommage rendu par Don Cheadle à Miles Davis dans cette fiction est une prouesse louable. Miles Ahead réussit avec attitude et malice à dépeindre, dans toute sa splendeur et sa complexité, le génie Miles Davis.
Synopsis : Durant la parenthèse de sa carrière (1975-1981), Miles Davis, à la dérive chez lui, se fait dérober une bande enregistrée. Le trompettiste se fait aider par Dave Brill, un journaliste de Rolling Stone, afin de la retrouver. Entre temps, il se remémore ses années glorieuses sur scènes et ses années malheureuses avec son épouse Frances Taylor sous l’emprise d’alcool et de drogues avant son grand retour en 1981…
Bande Annonce : Miles Ahead
Fiche Technique : Miles Ahead
Réalisation : Don Cheadle
Scénario : Steven Bauugelman et Don Cheadle
Interprétation : Don Cheadle (Miles Davis), Ewan McGregor (Dave), Emayatzy Corinealdi (Frances Taylor), Michael Stuhlbarg (le producteur de musique), Keith Stanfield (Junior)
Photographie : Roberto Schaefer
Montage : John Axelrad
Musique : Robert Glasper
Costume : Gersha Phillips
Décors : Korey Washington
Producteurs : Robert Ogden Barnum, Don Cheadle, Darryl Porter, Daniel Wagner, Lenore Zerman
Sociétés de Production : Bifrost Pictures, Crescendo Productions, Naked City Films, Sobini Films (coproductions)
Distributeur : Sony Pictures Classics
Titre original : Miles Ahead
Genre : Biographie
Durée : 100 minutes
Date de sortie : 1er avril 2016 (Etats Unis) ; Août 2016 (France) en DVD et Blu-ray
États-Unis – 2016