Décidément, il est beau le cinéma actuel de Disney. Entre gestion très douteuse de la saga Star Wars, saccage du Marvel Cinematique Universe, méthodes de travail à peines légales imposées à leurs équipes et paresse sans limite des productions, on a bien du mal à reconnaître l’âme du studio qui nous a jadis tant offert. Désormais bien lancés dans les remake insipides, c’est La Petite Sirène qui s’offre un rafraîchissement. Mais à l’instar d’Ariel qui perd sa voix, le studio aux grandes oreilles continue-t-il de faire sombrer son âme au cœur des abysses ?
Sous l’océan
Pouvait-on réellement espérer une belle relecture qui transcenderait l’œuvre originale ? Non. Disney ne le cache pas, leur but n’est jamais de faire mieux. Tout ce que l’on pouvait espérer, c’était un film pas désagréable, joli et suffisamment bien raconté pour ne pas dénaturer l’œuvre originale. On se souvient du catastrophique Roi Lion de Jon Favreau, visuellement somptueux mais détruit par un photoréalisme qui l’amputait de toute magie. Après visionnages VO et VF de La Petite Sirène, nous sommes à la fois fatigués et rassurés. Rassurés parce que ce n’est pas si terrible qu’attendu, fatigués parce que ca reste assez moyen.
Pour ce projet, nous sommes en eaux connues durant 2h10. Oui, pas 1h30. Malheureusement et malgré les 40mn de film supplémentaires, on peine à trouver du neuf. On citera pour exemple les sœurs d’Ariel, toujours inexistantes et ici cantonnées au rang de symbole de diversité au cinéma. 2023 oblige, quelques dialogues ici et là viennent apporter un message écologique ou progressiste. Pour les différences, quelques éléments géniaux disparaissent (Sébastien qui échappe au chef cuisinier) quand d’autres sont mieux expliqués (Triton et Ursula sont frère et sœur, information absente du film de 89). Le rap fait également son apparition, dans quelques moments amusants On notera également l’arrivée d’une nouvelle chanson mettant Eric à l’honneur, assez réussie. Tout le reste est identique, en moins bien. Restent la relation entre Ariel et son prince, soignée et à l’alchimie sincère, et Sébastien, sauveur du projet. Eureka s’en sort sans y laisser trop de plumes, bien aidée par sa capacité miraculeuse à parler et à respirer sous l’eau (Disney et le photoréalisme, c’est quand ça les arrange). Malheureusement, difficile d’en dire autant de Polochon, maltraité visuellement et totalement transparent dans l’œuvre.
Bonjour la calamité
Acclamé par certains, totalement rejeté par beaucoup, le choix de Halle Bailey dans le rôle d’Ariel a suscité de vives (et stupides) polémiques. Disons le tout de suite, la jeune comédienne fait une Ariel très convaincante. Espiègle, curieuse et rebelle sous l’eau, étourdie, rêveuse et perdue sur terre, l’actrice nous envoûte, pauvres marins, la plupart du temps. Sa voix est douce, belle et mélodieuse, offrant au film de superbes chansons. Si la VF est de qualité pour les parties chantées (nettement moins pour les dialogues), on déplorera une synchro labiale catastrophique qui brise totalement l’immersion (il s’agit de la synchronisation entre la voix et les mouvements de lèvres des acteurs).
Mais alors, qu’est ce qui ne va vraiment pas dans ce film ? Déjà, il est hideux. Sous l’eau, la production Disney nage dans un océan de médiocrité visuelle et fait le strict minimum. La photographie n’aide en rien, totalement absente et à la limite du téléfilm, particulièrement de nuit. Disons le franchement, la première demi-heure est un véritable supplice et seule Halle Bailey parvient à nous faire respirer. Javier Bardem, cadré n’importe comment en Roi Triton, ne dégage rien. L’absence totale de prise de risque et de nouveauté font que l’on s’ennuie ferme. Le pire restera le traitement infligé à Ursula, totalement insipide et vidée de toute aura horrifique, comme toute bonne production Disney de ces dernières années. La palme revient au climax, d’une nullité abyssale qui réhabiliterait presque celui de Star Wars IX, oui oui. Les choses s’étaient pourtant améliorées sur la terre ferme, la magie opérant de nouveau lors de ce fameux moment entre Ariel et Eric sur une barque… le temps de quelques minutes seulement. Oui, une belle partie des points positifs du film viennent de l’œuvre dont il s’inspire. Pour tout le reste, des décors aux costumes en passant par les effets spéciaux, il fait le strict minimum et parfois moins, malgré ses fulgurances. Donc, face à cet énième projet sans âme, on se pose encore la même question : quel en était l’intérêt ?
Bande-annonce : La Petite Sirène
Fiche Technique : La Petite Sirène
Titre original : The Little Mermaid
Réalisateur : Rob Marshall
Scénario : Jane Goldman et David Magee, d’après le film d’animation éponyme de Ron Clements et Jon Musker, lui-même inspiré du conte de Hans Christian Andersen
Avec Halle Bailey, Cerise Calixte, Jonah Hauer-King
24 mai 2023 en salle / 2h 10min / Aventure, Famille, Fantastique
Producteurs : Rob Marshall, Lin-Manuel Miranda, Marc Platt, John DeLuca
Musique : Howard Ashman; Alan Menken; Lin-Manuel Miranda
Décors : John Myhre
Sociétés de production : Lucamar Productions et Walt Disney Pictures
Société de distribution : Walt Disney Studios Distribution