Prisoners : Un voyage dans l’obscurité
Très remarqué suite au succès de son (dernier long-métrage Incendies), couronné de 3 prix à la Semaine du cinéma international de Valladolid en Espagne (prix du public, prix du meilleur scénario et prix du jury des jeunes), le réalisateur canadien Denis Villeneuve fait ses débuts à Hollywood avec Prisoners.
Par un après-midi pluvieux dans une petite ville fictive, Conyers, en Pennsylvanie, deux familles, les Dovers (Hugh Jackman, Maria Bello, Dylan Minnette, Erin Gerasimovich) et les Birch (Terrence Howard, Viola Davis, Zoe Borde, Kyla Drew Simmons), se préparent à fêter Thanksgiving, les deux familles s’amusent, discutent, regardent la télévision, quand soudainement la tragédie frappe, les petites filles Anna et Joy (Erin Gerasimovich et Kyla Drew Simmons) des deux clans disparaissent, une histoire à glacer le sang de tous parents.
Dans la lignée directe du film Mystic River de Clint Eastwood, le scénario écrit par Aaron Guzikowski (Contrebande) se vit à travers le regard de la police et des familles ravagés par cet enlèvement d’enfants. Un script brillant, vénéneux multipliant les révélations, en effet l’arrestation par le détective Loki interprété par un Jake Gyllenhaal toute en nuance, d’un attardé mental nommé Alex (joué avec une perfection effrayante par (Paul Dano), qui vit avec sa tante (Melissa Leo) dans une maison délabrée n’est que le début de la montée en tension. La libération du suspect faute de preuve déclenche chez le père ivre de douleur un désir de vengeance, il lui faut trouver un coupable à tout prix.
Convaincu de la culpabilité du suspect, Keller enlève Alex et l’emmène dans un immeuble abandonné, pour le torturer afin de lui faire avouer son crime. Un acte impie pour le croyant qu’est ce père de famille mais qu’en est-il si le suspect est bien l’auteur de l’enlèvement ?
Prisoners de Denis Villeneuve est un film ambitieux, complexe qui vous oblige à vous poser des questions qui n’ont pas de réponses faciles. Un film tissé comme une toile où apparaisse de fausses pistes avec de nouveaux suspects et des indices disséminés en trompe l’œil. Ce puzzle est à la fois intense au niveau du suspense et des thématiques abordés comme la moralité, la torture (un sujet toujours d’actualité surtout depuis le drame du 11/9 avec ses affaires explosives de prisonniers maltraités comme à Abou Ghraib) et l’impuissance du système justicière qui parle à notre époque aussi intensément que ses thrillers noirs comme le film (Que justice soit faite réalisé par F. Gary Gray avec Gerard Butler) où des justiciers se lèvent pour se venger et pallier ainsi à la faillite de la justice.
Prisoners est un film d’une intensité implacable, Denis Villeneuve réussit un thriller labyrinthique, percutant, angoissant, autant dans le fond que la forme en s’entourant d’une équipe de brillante comprenant le chef décorateur Patrice Vermette, la chef costumière Renée April et un des maître en matière de photographie, Roger Deakins (collaborateur régulier des frères Coen, Skyfall, Fargo…). Ce dernier a su rendre visuellement l’atmosphère sombre, pesante en utilisant l’approche de l’hiver avec sa pluie, cette poussière, ce froid imprégnant toute la ville dans un décor naturel. (Note : bien que l’action se déroule en Pennsylvanie, les scènes sont tournées principalement dans des villes de la banlieue d’Atlanta, en Géorgie).
Prisoners transpire ce voyage vers l’obscurité à travers ses décors anxiogènes, ses costumes, mais aussi sa musique composée par l’islandais Jóhann Jóhannsson, un son froid, lisse soulignant le labyrinthe émotionnel des personnages.
Les performances des acteurs enrichissent également le film, Hugh Jackman livre un jeu intense dans ce rôle de père victime de sa rage, peut être le plus satisfaisant de sa carrière. Face à lui, Jake Gyllenhaal n’est pas en reste en incarnant Loki, ce détective habile, passionnant à regarder dans sa recherche des preuves révèle une facette de jeu rare chez lui, plus sombre et Paul Dano, toujours aussi incroyable glisse dans la peau d’un présumé coupable diminué mentalement en devenant le personnage.
Prisoners de Denis Villeneuve joue avec de nombreux thèmes au cours de l’histoire, la validité de la torture, la religion, la protection, la moralité, le stress dans ce genre de situation, la survie, la justice créant ainsi un film éprouvant où il met le spectateur dans la position de devoir s’interroger et si lui était dans la même situation que ferait-il ?? Prisoners demande d’entrer dans une réflexion plus profonde tout en étant construit comme une peinture où l’horreur de la tragédie, des décors aux couleurs austères contrastent avec la beauté esthétique des paysages.
Au final, Prisoners est un film réaliste qui interroge sur la notion d’auto-justice, tout en étant palpitant et poignant, un voyage au bout des terreurs de la vie moderne.
Synopsis : Dans la banlieue de Boston, deux fillettes de 6 ans, Anna et Joy, ont disparu. Le détective Loki privilégie la thèse du kidnapping suite au témoignage de Keller, le père d’Anna. Le suspect numéro 1 est rapidement arrêté mais est relâché quelques jours plus tard faute de preuve, entraînant la fureur de Keller. Aveuglé par sa douleur, le père dévasté se lance alors dans une course contre la montre pour retrouver les enfants disparus. De son côté, Loki essaie de trouver des indices pour arrêter le coupable avant que Keller ne commette l’irréparable… Les jours passent et les chances de retrouver les fillettes s’amenuisent… Signalons que le film est Interdit aux moins de 12 ans.
Prisoners – Trailer
Fiche Technique : Prisoners
Production: Alcon Entertainment
Casting : Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Viola Davis, Maria Bello,
Terrence Howard, Melissa Leo, Paul Dano, Dylan Minnette
Réalisateur : Denis Villeneuve Genre : Thriller, Drame
Scénariste : Aaron Guzikowski
Producteurs : Broderick Johnson, Kira Davis, Andrew A. Kosove, Adam Kolbrenner
Producteurs exécutifs : Edward L. McDonnell, John H. Starke, Robyn
Meisinger, Mark Wahlberg, Stephen Levinson
Directeur de la photographie : Roger A. Deakins
Directeur de la décoration : Patrice Vermette
Musique : Johann Johannsson
Directeur des costumes : Renee April
Editeurs : Joel Cox, Gary D. Roach