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Sarah Anthony © Textes et illustrations tous droits réservés.

Tatouage du Maghreb, couleurs de la Renaissance, esprit d’un lieu, haut-gradé turc et bal masqué trompeur – l’abécédaire artistique n°21

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ABC… ART

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L’Abécédaire Artistique

Cet abécédaire vous parlera de :

Art en général, peinture, arts graphiques, sculpture, gravure, littérature, poésie, musique, cinéma, Histoire, gastronomie, traditions, arts vivants, théâtre, opéra, philosophie, etc.

Rendez-vous un jeudi sur deux pour une chronique d’art illustrée où vous découvrirez 5 définitions artistiques issues de lettres de l’alphabet choisies aléatoirement.

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  • Amazigh (tatouage, wachem)

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catégorie : tatouage, culture berbère, nom masculin du berbère (homme libre ou homme noble).

On associe souvent tatouage et Polynésie, mais de ce côté de notre océan, en Afrique du Nord, cette forme d’art corporel est aussi le fait des peuples berbères. Le tatouage amazigh tire son nom du peuple auquel il se rattache. En effet, dans leur langue, le Tamazight, les Berbères se désignent par le nom imazighen, forme plurielle d’amazigh. A noter qu’on nomme aussi ce type de tatouage wachem
Traditionnellement, le tatouage amazigh est réservé aux femmes. C’est le passage à l’âge de la femme (symboliquement la puberté) qui entraîne les premiers marquages corporels. Supporter la douleur du tatouage est aussi un signe de passage à un âge de responsabilité. Les premiers ornements obtenus ont également une fonction identitaire et communautaire. 

Les tatouages amazigh, d’apparence complexe, se décomposent en formes géométriques simples, qu’il s’agisse de lignes ou de courbes, ainsi que de points et de losanges. Ce type de marquages a, comme beaucoup de tatouages dans le monde, à la fois un but esthétique mais aussi symbolique et personnel, voire spirituel. C’est pour cette raison que la disposition de ses éléments est codifiée : on ne place pas les symboles au hasard. Sur le corps, comme sur le visage, ils sont destinés aussi à la réalisation d’une fonction apotropaïque, notamment de protection de la fertilité (pour cette raison, on en trouve entourant les orifices corporels tels que le nez, la bouche, le nombril, le vagin…). En plus de cette fonction préventive, les femmes berbères se faisaient également tatouer des symboles pour favoriser une guérison. En outre, un peu à la manière d’un bindi indien, un tatouage, dans la culture berbère, peut informer d’un parcours de vie ou d’un statut : jeune femme, épouse, mère, veuve, etc. 

A noter : le tatouage amazigh est un tatouage par effraction cutanée (comme le tatouage en salon). Il est donc durable et ne doit pas être confondu avec un autre type de tatouage en usage dans les pays orientaux qu’est le henné. Réalisé à l’aide d’une pâte déposée sur la peau, le henné (dont les motifs végétaux sont notamment courbes et se distinguent des formes de type amazigh) disparaît en une à quatre semaines.

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  • Cangiante

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catégorie : arts plastiques, Beaux-Arts, arts de la Renaissance, nom masculin de l’italien (changeant).

Le cangiante est l’un des quatre procédés picturaux de la Haute-Renaissance, en plus du sfumato (voir Abécédaire artistique n°14), du chiaroscuro (clair-obscur) et de l’unione (voir Abécédaire artistique n°15). 

Chacun de ces procédés picturaux a son grand maître. Dans l’ordre chronologique, on parle du sfumato avec Léonard de Vinci, du cangiante avec Michel-Ange, de l’unione avec Raphaël, et enfin du chiaroscuro avec Le Caravage (à suivre dans une prochaine entrée). 

Mais qu’est-ce donc que le cangiante ? Son nom, qui lui vient de l’italien, signifie tout simplement “changeant”. Le cangiante est une technique picturale qui découle de conditions physiques liées à un contexte précis. A la Haute-Renaissance, créer des pigments est à la fois long, complexe et coûteux. Les artistes ne disposent pas d’autant de nuances qu’actuellement. La pratique du cangiante apparaît avec la nécessité de créer des ombres et des volumes. Ces derniers passent par des zones plus sombres et des rehauts plus clairs… ce qui signifie des camaïeux de couleurs, et donc de pigments, dont ne disposent pas les peintres.
Pour contrer cela, l’ombre – ou la lumière – pouvait être effectuée avec une couleur différente : par exemple du vert pour figurer une zone d’ombre sur un tissu jaune. A l’inverse, on pouvait passer du jaune au rouge, ou de l’orange au jaune, etc. 

Les peintures employant le cangiante donnent à voir des œuvres aux couleurs généralement vives. On peut en voir de très beaux exemples de Michel-Ange (1475-1564) sur le plafond de la chapelle Sixtine, en particulier sur la Sybille de Delphes et le prophète Daniel. Indirectement, le cangiante influencera rapidement la peinture maniériste (1520 à 1580), connue pour ses tons acides et très vifs, qu’elle reprend… de Michel-Ange.

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  • Genius Loci

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catégorie : architecture, philosophie, nom masculin du latin (génie du lieu).

Le genius loci est une locution latine employée pour parler de “l’âme, l’esprit d’un lieu”. Attention, la notion n’a rien à voir avec un quelconque fantôme ou un endroit hanté. Lorsqu’on évoque l’esprit d’un lieu, c’est dans le sens d’une atmosphère, d’une ambiance, des connotations qui se dégagent de l’endroit.

L’idée de genius loci a été théorisée par l’architecte norvégien Christian Norberg-Schulz (1926 – 2000). Pour le théoricien, le genius loci n’est pas accessoire. Il est cet endroit où l’essentiel de l’existence et de l’être se réalise. Une maison, un bureau, un immeuble, sont donc pour lui, aux antipodes de “quatre murs”, comme on le dit familièrement. Le lieu a une influence, et son ambiance façonne l’existence.
Inconsciemment, le genius loci se voit partout. Si l’on pense à l’Italie nous viennent à l’esprit des images du cinéma de l’âge d’or italien, des lieux à “l’ambiance italienne”, et il en va de même de tous types de lieux. Ainsi, d’un endroit matériel émergent des émotions, pensées, sensations immatérielles qui, dans notre esprit, caractérisent autant ce lieu que ses aspects physiques. 

C’est pourquoi le genius loci peut être considéré comme fédérateur ou communautaire, dans le sens où un type d’endroits peut contribuer à façonner une identité régionale ou nationale, ainsi, bien sûr, qu’une identité culturelle. L’on se sent “chez soi” ou au contraire, loin de chez soi, dépaysé ou nostalgique… 

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  • Janissaire

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catégorie : culture et histoire ottomanes, nom masculin du turc Yeniçeri (nouvelle milice).

Le corps d’élite des Janissaires fait partie intégrante de l’imagerie de la grandeur de l’empire ottoman. Ils sont à la soldatesque ottomane, un peu ce que les Spartiates étaient aux autres guerriers grecs… Les Janissaires avaient la particularité de n’être choisis que parmi des enfants européens, chrétiens et esclaves. Formés dès l’enfance, ils étaient convertis à l’islam durant leur apprentissage poussé du maniement des armes. 

Tout au long de son histoire, le corps des Janissaires subit des mutations, notamment dans son recrutement. Par exemple, durant les périodes de pénurie d’esclaves, de jeunes garçons chrétiens et européens des pays voisins (Balkans) sont purement et simplement enlevés ! A l’inverse, lorsque les rangs de l’armée ottomane augmentent considérablement dans les années 1600, les conditions d’entrées sont assouplies. 

Vous vous demandez sans doute pourquoi les Janissaires devaient-ils à tout prix être européens ? Tout simplement pour des raisons culturelles : les Ottomans étaient d’excellents cavaliers, du fait de la géographie de leur vaste pays de plaines. A l’inverse, ils trouvaient les Européens bien moins habiles sur un cheval… mais autrement plus doués sur leurs deux pieds.
Le corps des Janissaires étant un ordre militaire à pied, puisque relevant de l’infanterie, les Ottomans décidèrent que pour avoir les meilleurs fantassins, ils valaient mieux les former parmi les peuples combattant le mieux au sol… 

Si, au début, la vie des Janissaires est strictement disciplinée (interdiction de se marier, vie exclusivement dédiée à l’armée), l’élargissement des conditions de recrutement aux hommes turcs entraîne un assouplissement de leurs conditions de vie. A présent qu’ils comptent des Turcs dans leurs rangs, les Janissaires sont autorisés à se marier et à vivre une existence en dehors des fonctions militaires. Le corps d’élite perd alors toujours plus en discipline et les Janissaires n’hésitent pas à se mutiner et tentent même des coups d’État ! En 1826, le sultan Mahmoud II dissout l’ordre des Janissaires. Ils sont presque tous massacrés.

 

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  • Mascarade

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catégorie : culture et histoire européennes, Italie, nom féminin de l’italien mascherata (masquée).

Vous connaissez sans doute le terme mascarade, qui désigne au figuré une situation trompeuse ou frauduleuse. A l’instar du faux-cul (hypocrite) qui nous vient de la pratique de porter littéralement un faux-cul, soit un rembourrage sur le postérieur (seconde moitié du XIXème siècle), la mascarade vient en fait de la mascarade au sens propre : le bal masqué.

Le terme nous vient de l’Italie et dérive de “mascherata”, probablement “festa mascherata”, qui signifie très simplement “(fête) masquée”. La mascarade, c’est à l’origine le bal masqué ou le carnaval où l’on dissimule son visage. A une époque de divertissements rares (ce premier type de fêtes apparaît dès le Moyen-Âge), le bal masqué est un formidable moyen de s’amuser.

C’est aussi l’occasion de quiproquos et d’une certaine liberté sociale de par l’anonymat qu’offre le port du masque. C’est d’ailleurs ainsi qu’est apparu le carnaval de Venise, célèbre pour ses volti (masques en papier mâché). Les célébrations de fin de carême permettaient, en effet, à la population de se connaître autrement, loin des statuts sociaux et des mondanités obligatoires.
Il en va de même des mascarades, bals masqués où l’on peut devenir qui l’on veut, où le pauvre devient riche le temps d’un soir et où le bourgeois s’encanaille pour une nuit… Bref, quand on ne sait pas qui est qui, qui fait quoi et à qui l’on a affaire, c’est une vraie mascarade !

Rendez-vous dans deux semaines pour 5 nouvelles définitions artistiques. Pour vous proposer un contenu toujours aussi passionnant, l’Abécédaire Artistique est mis en ligne un jeudi sur deux.

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