Pour fêter cette Saint Valentin 2022, nous vous proposons de découvrir ensemble les plus beaux baisers de l’art. Baisers allégoriques, mythologiques, chez les érudits ou chez les paysans… En ce 14 février, redécouvrons l’amour en peinture et en sculpture, à travers des siècles de tendresse représentée.
- L’amour villageois
Dans La Kermesse ou Noce au village, Rubens peint une scène complexe, aux multiples personnages, et en ébullition. Comme on le voit souvent dans la peinture flamande (voir notre analyse des Chasseurs dans la neige, Pieter Brueghel l’Ancien), le titre n’est qu’un prétexte à une scène d’ensemble où se déroulent de nombreuses petites saynètes. Comme ce baiser des amoureux légèrement à droite, presque invisibles parmi les nombreux enlacements, et qui pourtant porte le titre de l’œuvre. Chez Rubens, l’union est l’occasion d’une fête avec la communauté rurale, qui célèbre les débuts d’un nouvel amour.
- L’amour surnaturel
Quelle intensité, quelle force dans cette peinture mystérieuse de Franz von Stuck ! Le Baiser du Sphinx est une œuvre étrange, dans laquelle la peinture est presque autant montrée comme image que comme médium, flirtant par endroits avec l’abstrait. Malgré une facture visible et un geste brut, le baiser unissant une sphinge légendaire à un être humain bien réel laisse transparaître beaucoup d’émotion et de sensualité.
- L’amour épique
En peignant ce tendre enlacement teinté de tristesse, Jacques-Louis David représente l’amour épique. Celui qui transparaît à travers les pages de L’Iliade et de L’Odyssée d’Homère. Télémaque, déjà armé de sa lance, s’apprête à quitter sa douce Eucharis, qui tente un instant de le retenir sans y croire. La délicatesse de la peinture, le mouvement tout en courbe, le regard de ce chien qui regrette aussi le départ de son maître : tout, dans cette œuvre, crie le cœur brisé des amants qui se séparent.
- L’amour allégorique
Image complexe que cet Astrologue observant l’équinoxe d’automne et scène d’adieux d’Adonis à Vénus, peint par le peintre flamand Domenicus van Wijnen. La présence de deux sujets dans le titre s’accorde avec cette impression que deux scènes se déroulent dans ce tableau dont les nuées rendent la lecture a priori difficile. Pourtant, si elles semblent en apparence contradictoires, ces deux scènes sont pourtant logiques, se rejoignant là où la science et la mythologie s’accordent.
En effet, dans les mythes grecs, Adonis et son aimée Vénus ne peuvent se retrouver que la moitié de l’année, au printemps et en été lorsque celui-ci ne séjourne pas aux Enfers. L’équinoxe d’automne est le moment fatidique où le couple se quitte et où la végétation dépérit par la même occasion. Domenicus van Wijnen, en peignant cet astrologue aux airs de savant oriental observant l’équinoxe d’automne, choisit aussi de représenter l’allégorie : l’automne approche en ce départ d’Adonis pour le monde des Enfers. D’ailleurs, le Passeur Charon l’attend déjà, lui indiquant la voie. Le baiser est malheureux : on ne voit pas le visage des amants, mais leurs corps, déjà, se séparent…
- L’amour mythologique : version rococo
Lorsque le peintre rococo François Boucher s’empare d’un mythe, il en fait une scène galante digne de Fragonard. C’est ici le cas pour Hercule et Omphale, dont le baiser langoureux a lieu sur un lit défait… Les couleurs sont paradoxalement douces et criardes, les corps sont voluptueux, les poses déséquilibrées, comme ce décor fait de tentures désordonnées. C’est la passion qui est à l’œuvre dans ce tableau qui montre Hercule agrippant à pleine main le sein d’Omphale.
- L’amour mythologique : version néo-classique
François Gérard, à l’inverse, peint une œuvre mythologique tout à fait délicate. Les contours sont bien définis, les couleurs sont douces, le plan est frontal, les coups de pinceaux, invisibles, produisent une peinture lisse. Lisse jusque dans ces corps fermes, ces poses irréelles et trop immobiles, figeant d’autant plus la peinture comme une image.
Point de passion ou de fantaisie dans l’amour qui lie Psyché à l’Amour (également nommé Éros). Cette œuvre est également intitulée Psyché recevant le premier baiser de l’Amour. Est-ce une explication ? La timidité des débuts laissera-t-elle plus tard place à la fougue ?
- L’amour en ronde-bosse
Ce sont encore Psyché et l’Amour qui ont inspiré le sculpteur Canova. Sa très célèbre statue en ronde-bosse (voir l’entrée éponyme, l’Abécédaire artistique n°7) montre le baiser d’amants autour desquels on peut tourner, les voyant alors sous toutes les coutures. Le marbre lisse, la posture étrangement énergique – notamment grâce à ces ailes presque verticales – tout en étant équilibrée et assurée, donne à voir à la fois la stabilité de l’amour, mais aussi l’envol qu’il produit.
Une tendresse particulière émane de la posture des bras qui enserrent sans contraindre et répondent à la douceur de ce regard partagé. Il montre l’instant suivant un baiser d’amour au pouvoir puissant. Psyché vient, en effet, d’être ranimée par le baiser de l’Amour, d’où ce mouvement vertical qui tire vers le haut cette œuvre dont la base est pourtant horizontale, avec le corps couché de Psyché.
Toutes ces œuvres sont dans le domaine public. Les reproductions sont libres de droit et proviennent de Wikimedia Commons.